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01/10/2018 | FRANCE | N°17NT01861

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 octobre 2018, 17NT01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Payelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'article 2 de la décision du 4 mars 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a déclaré inapte Mme F...à son poste ainsi qu'à tout poste au sein de la société.

Par un jugement n° 1600926 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du ministre du travail du 4 mars 2016 en tant qu'elle déclare Mme F...inapte à son poste ainsi qu'à

tout poste au sein de la société.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Payelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'article 2 de la décision du 4 mars 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a déclaré inapte Mme F...à son poste ainsi qu'à tout poste au sein de la société.

Par un jugement n° 1600926 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du ministre du travail du 4 mars 2016 en tant qu'elle déclare Mme F...inapte à son poste ainsi qu'à tout poste au sein de la société.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2017, Mme E...F..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 avril 2017 en tant qu'il a annulé l'article 2 de la décision de la ministre chargée du travail du 4 mars 2016 la déclarant inapte à son poste ainsi qu'à tout poste au sein de la société ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par la SARL Payelle ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Payelle la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les faits qu'elle fait valoir ne sont pas établis par les pièces qu'elle a produites dans ses écritures ; la décision rendue par le ministre le 4 mars 2016 est régulière ; celui-ci ne s'est pas fondé sur ses seules allégations ni sur la simple existence d'un contentieux prud'homal ;

- les délégués du personnel de l'établissement n'ont pas été informés par la société Payelle de l'existence d'un courrier qu'elle a adressé à son employeur le 13 février 2015, en violation des dispositions légales qui incombent à ce dernier de leur fournir les informations nécessaires à leur mission.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 octobre et 6 novembre 2017, la SARL Payelle, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que Mme F...lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

La requête a été communiquée le 27 juin 2017 à la ministre du travail, laquelle n'a pas produit de mémoire en observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F...a été recrutée en juillet 2001 en qualité de responsable recouvrement par la SARL Payelle, spécialisée dans la gestion du recouvrement des impayés. A compter du 1er avril 2004, elle est devenue responsable relations clients au service qualité, fonction à laquelle s'est ajoutée celle de responsable du site de Barneville-Carteret en 2005. Elle a été placée en arrêt de travail le 30 mars 2014 jusqu'au 9 novembre 2014. Le 12 novembre 2014, le médecin du travail a autorisé la reprise du travail dans le cadre d'un temps partiel. Après avoir repris son activité à temps complet en février 2015, Mme F...a adressé à son employeur, le 13 février 2015, un courrier faisant état d'une situation de harcèlement moral. Par un avis du 10 septembre 2015, le médecin du travail a déclaré Mme F... inapte au poste de responsable relations clients, y compris en télétravail, la salariée étant toutefois apte à un poste administratif, sans port de charges ni postures contraignantes du rachis, dans une autre entreprise. Sur recours de la SARL Payelle, l'inspecteur du travail a, par une décision du 2 décembre 2015, confirmé l'inaptitude de Mme F.... Par décision du 4 mars 2016, le ministre du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'elle ne contenait pas suffisamment de précisions sur la raison de l'inaptitude de MmeF..., et d'autre part, déclaré la salariée inapte à son poste de responsable relations clients ainsi qu'à tout poste au sein de la société Payelle. Mme F...relève appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen, sur demande de la SARL Payelle, a annulé la décision de la ministre chargée du travail.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué.

2. Par la décision contestée, Mme F...a été déclarée inapte à son poste de responsable des relations clients ainsi qu'à tout poste au sein de la société Payelle, au regard de " conditions de travail dégradées du fait de tensions relationnelles entre la salariée et son employeur " de nature à créer un " environnement de travail anxiogène " rendant, " en l'absence de modification de ces conditions de travail, un retour de [l'intéressée] au sein de la société gravement préjudiciable à sa santé mentale ".

3. Mme F...produit des pièces médicales attestant de sa pathologie et soutient que l'état dépressif dont elle souffre est directement lié à la dégradation de son contexte professionnel et, plus particulièrement, à ses relations avec son employeur. L'intéressée se plaint d'une déqualification de son poste à compter de la fin 2013 à la suite de son refus de signer sa déclaration horaire. Si, dans l'organigramme de la société, la requérante apparaissait avant ses arrêts maladie comme responsable de plusieurs sites ainsi que de la qualité et des relations clientèles, il ressort des pièces du dossier qu'entre les mois de novembre 2014 et de février 2015, lorsqu'elle a repris son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, elle s'est vue confier des tâches d'exécution ne correspondant pas à un statut de cadre. Ainsi, outre les tâches de saisie des clients dans le nouveau logiciel qui lui étaient désormais dévolues, elle devait rendre compte de son travail quotidiennement et ses accès informatiques étaient limités. Elle dénonce également sans être utilement contestée, son isolement de l'équipe de direction à laquelle elle était associée depuis de nombreuses années ainsi que le retrait des missions de management qui lui étaient jusqu'alors confiées. Dans un courrier du 13 février 2015, Mme F... a fait état de sa souffrance psychologique en dénonçant une situation de harcèlement moral sans que son employeur ne lui apporte aucune réponse. Si la société lui a proposé un aménagement de poste excluant la partie relations clients ainsi qu'une possibilité de travailler depuis son domicile, il n'est pas contesté que cette organisation ne pouvait que contribuer à une mise à l'écart de l'intéressée susceptible de renforcer son isolement. L'absence de concertation sur ces changements de missions ou même de toutes explications avec Mme F... alors qu'aucun reproche ne lui était adressé, sont de nature à révéler, à eux seuls, des faits de harcèlement moral de nature à porter atteinte à la santé mentale de l'intéressée. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du ministre déclarant Mme F...inapte à son poste de responsable des relations clients ainsi qu'à tout poste au sein de la société Payelle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Payelle devant le tribunal administratif de Caen.

5. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. D...A..., adjoint à la sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail. Par une décision du 11 août 2015, le directeur général du travail lui a donné une délégation à l'effet de signer, dans la limite des attributions de la sous-direction, tous actes décisions ou conventions à l'exclusion des décrets. Par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision contestée ne justifierait d'aucune délégation de signature doit être écarté.

6. En second lieu, en indiquant que l'environnement de travail de Mme F...était caractérisé par des conditions de travail dégradées du fait des tensions relationnelles entre la salariée et son employeur, et qu'en raison de cet environnement de travail anxiogène un retour de la salariée au sein de la société serait gravement préjudiciable à sa santé mentale, la ministre du travail a suffisamment motivée sa décision, alors même qu'elle ne fait pas état de la proposition de télétravail faite à Mme F...par la société Payelle. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la ministre chargée du travail du 4 mars 2016 en tant qu'elle l'a déclarée inapte à son poste ainsi qu'à tout poste au sein de la société.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeF..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Payelle demande au titre des frais de procédure. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL Payelle le versement à Mme F...de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600926 du tribunal administratif de Caen en date du 20 avril 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par la SARL Payelle ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La SARL Payelle versera à Mme F...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...F..., à la SARL Payelle et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président,

- M. Francfort, président-assesseur

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01861
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL DURAND LOYGUE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-01;17nt01861 ?
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