La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2018 | FRANCE | N°17NT03998

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 septembre 2018, 17NT03998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et sa fille, Mlle B...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 août 2016 rejetant le recours formé contre la décision du 27 juin 2016 des autorités consulaires françaises en poste à Alger refusant à Mlle E...la délivrance d'un visa de long séjour et, d'autre part, l'annulation de la décision de la même commission du 14 octobre 2016 lui refusant la d

élivrance d'un visa de court séjour.

Par un jugement nos 1607536 et 1609347 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et sa fille, Mlle B...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 août 2016 rejetant le recours formé contre la décision du 27 juin 2016 des autorités consulaires françaises en poste à Alger refusant à Mlle E...la délivrance d'un visa de long séjour et, d'autre part, l'annulation de la décision de la même commission du 14 octobre 2016 lui refusant la délivrance d'un visa de court séjour.

Par un jugement nos 1607536 et 1609347 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a, après avoir joint les deux demandes d'annulation de ces deux décisions, annulé la décision de la commission de recours du 25 août 2016 et rejeté les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de cette même commission du 14 octobre 2016.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 29 décembre 2017 et le 13 juin 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2017 en tant qu'il a annulé la décision du 25 août 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...et Mlle E...devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la commission de recours n'établissait pas que Mlle E...n'était pas à la charge de son père ;

- cette dernière n'établit pas qu'elle serait effectivement à la charge de son père ;

- il n'est pas non plus établi que ce dernier subvienne effectivement à ses besoins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, M. E...et MlleE..., représentés par MeC..., concluent au rejet du recours du ministre, à ce qu'il lui soit enjoint de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet ;

- et les observations de Me A...substituant MeC..., représentant M. et Mlle E....

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2017 en tant qu'il a, à la demande de M. E...et de MlleE..., sa fille, annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 août 2016 rejetant le recours formé contre la décision du 27 juin 2016 des autorités consulaires françaises en poste à Alger refusant à Mlle E...la délivrance d'un visa de long séjour et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / (...) b) à l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt-et-un ans ou s'il est à la charge de ses parents (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) / pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres c à d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour au bénéfice d'un ressortissant algérien âgé de plus de 21 ans qui fait état de sa qualité de descendant à charge d'un ressortissant français, les autorités consulaires et la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France peuvent légalement fonder leur décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures du ministre de l'intérieur que pour refuser à Mlle E...le visa de long séjour qu'elle sollicitait en sa qualité de descendant à charge de M. D...E..., ressortissant français, la commission s'est fondée sur la circonstance qu'il n'était pas établi que l'intéressée était dépourvue de ressources et à la charge de son père. Il n'est cependant pas sérieusement contesté que MlleE..., âgée de 22 ans au moment de sa demande de visa, sans emploi en Algérie où elle venait de terminer ses études, et dont la commission de recours a notamment rejeté le 14 octobre 2016 la demande de visa de court séjour pour venir en France au motif qu'elle ne justifiait pas " d'intérêts de nature matérielle ou familiale dans son pays de résidence ", ne disposait pas de ressources propres. Toutefois, si M. E... produit des talons de mandats postaux correspondant aux seules années 2005 à 2007, et un à l'année 2016, sans que les destinataires en soient mentionnés, ainsi que la preuve d'un virement bancaire effectué au profit de sa fille en juillet 2016, ces seuls éléments ne sont pas suffisants, alors que les déclarations de M. E...faisant état de ce qu'il lui aurait directement versé de l'argent entre 2007 et 2016, pourvu à son entretien lors des séjour d'été de sa fille en France et qu'il lui aurait transmis des fonds par l'intermédiaire de tiers ne sont corroborées par aucun justificatif. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que Mlle E...ne pouvait être regardée comme étant à la charge de son père. C'est donc à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler la décision du 25 août 2016.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...et Mlle E...à l'encontre de cette décision.

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions du titre Ier du livre II du code des relations entre le public et l'administration, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (...) / 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français (...) ". Il appartient en conséquence à l'administration de vérifier, sous le contrôle du juge, si l'intéressée dispose de la qualité dont elle se prévaut pour demander un visa dont elle doit alors, en raison de cette qualité, motiver le refus.

6. Pour les raisons énoncées au point 3, Mlle E...ne peut être regardée comme ayant la qualité d'enfant à charge de son père, ressortissant français. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'était pas tenue de motiver sa décision du 25 août 2016. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 25 août 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation de M. E...et Mlle E...n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demandent M. E...et Mlle E...à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement nos 1607536 et 1609347 du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mlle E...devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions qu'ils présentent devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., Mlle B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUETLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03998
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-24;17nt03998 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award