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24/09/2018 | FRANCE | N°17NT02521

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 septembre 2018, 17NT02521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour déposée pour son enfant allégué Mamadou Pathé.

Par un jugement n°1508054 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'inté

rieur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour déposée pour son enfant allégué Mamadou Pathé.

Par un jugement n°1508054 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

Le ministre soutient que :

- le tribunal n'a pas procédé à une exacte appréciation des documents d'état-civil produits en jugeant qu'ils présentaient un caractère probant ;

- ces documents présentent au contraire de multiples irrégularités et incohérences ;

- l'extrait d'acte de naissance retranscrit le 30 avril 2013 n'est pas probant du fait des irrégularités qu'il comporte ;

- la demande de jugement supplétif ne peut pas avoir été introduite par M. A...qui est réfugié statutaire et ne pouvait ainsi justifier d'une adresse à Conakry, ainsi pourtant que l'indique le jugement supplétif du 26 avril 2013 ;

- le tribunal administratif a écarté à tort le caractère non probant des actes produits ;

- les éléments présentés par M. A...sont insuffisants pour permettre de conclure à l'existence d'une situation de possession d'état.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen, est entré en France et s'y est vu reconnaître la qualité de réfugié. Il a déposé le 17 septembre 2014 une demande de visa de long séjour pour son fils allégué Mamadou Pathé. Il a formé, le 4 juin 2015, auprès de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France un recours contre la décision du 6 mai 2015 par laquelle les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté cette demande. Ce recours a fait l'objet d'un rejet implicite. Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ".

3. Il résulte de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ainsi, si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, que l'administration, pour rejeter la demande de visa de long séjour formée pour l'enfant allégué Mamadou PathéA..., s'est fondée sur le défaut de valeur probante des actes d'état-civil produits par le requérant en raison des irrégularités les affectant et de leur non-conformité au droit guinéen en matière d'état-civil. Le tribunal administratif a toutefois jugé, au point 5 de sa décision, que les documents produits par M. A...n'étaient pas dépourvus de valeur probante et que, en rejetant pour ce motif le recours formé par M. A...la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'acte de retranscription du jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du 26 avril 2013 est intervenu quatre jours seulement après ce jugement supplétif et que les mentions figurant sur cet acte, qui ne comporte pas de numéro de registre ne sont pas conformes aux dispositions du droit guinéen en la matière, en particulier à l'article 196 du code civil guinéen dès lors qu'elles ne comprennent ni l'heure de naissance de l'enfant, ni l'âge, la profession et l'adresse des pères et mères. Contrairement à ce que soutenait M. A...en première instance, et à supposer même que l'indication que M. A...soit le demandeur du jugement supplétif d'acte de naissance, tout comme l'indication d'une adresse personnelle en Guinée, revête effectivement le caractère d'une simple erreur matérielle, ces insuffisances, qui ne présentent pas un caractère mineur, étaient de nature, en dépit des insuffisances connues du système local d'état-civil, à faire douter de l'authenticité des documents produits par M.A.... Enfin, la circonstance que M. A...ait été constant dans ses déclarations relatives à la composition de sa famille alléguée depuis son entrée en France ne peut à elle seule suffire à établir la réalité du lien de filiation allégué.

7. C'est ainsi à tort que le tribunal administratif a jugé que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision de rejet d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En deuxième lieu M. A...a également soutenu à l'appui de sa demande d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France qu'il devait être regardé comme bénéficiant d'une situation de possession d'état. Cependant, M. A...s'est limité à produire quelques photos d'enfant, ni datées ni circonstanciées et la preuve de trois transferts d'argent de faible montant, intervenus en avril, mai et juin 2017, sans aucune explication quant à l'identité du bénéficiaire de ces transferts et des liens pouvant l'unir à l'enfant Mamadou. Il ne peut ainsi, contrairement à ce qu'indique encore le tribunal administratif, être regardé comme établissant l'existence d'une situation de possession d'état.

9. En troisième lieu, il ressort également des pièces du dossier que si la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entendu faire de l'absence de démonstration probante du décès de la mère alléguée de l'enfant Mamadou un motif de rejet de la demande de visa ayant été déposée pour lui, cette circonstance s'explique par le fait que le dossier de demande de visa déposé auprès des autorités consulaires françaises de Conakry ne comportait aucun document officiel, et notamment de certificat de décès, permettant de tenir pour établi ce décès. Si le tribunal administratif a jugé, suite à la production par M. A... au cours du débat contentieux, d'un jugement supplétif d'acte de décès établi le 30 septembre 2015 et d'un extrait d'acte de décès établi sur la foi de ce jugement, que l'administration ne pouvait fonder sa décision de refus de visa sur l'absence d'élément probant relatif au décès de la mère alléguée de l'enfant Mamadou, le caractère erroné de ce motif ne faisait pas pour autant obstacle à ce que l'administration puisse néanmoins prendre la même décision si elle n'avait pas retenu ce motif erroné. Il résulte au contraire de l'instruction que l'administration, si elle n'avait retenu que les motifs de l'absence de caractère probant des documents produits par M. A...et de l'absence de possession d'état, aurait pris la même décision de refus. C'est ainsi également à tort que le tribunal administratif a jugé que la production d'éléments probants relatifs au décès de la mère supposée de l'enfant allégué de M. A...constituait un motif d'annulation de la décision attaquée.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens d'annulation soulevés par M.A....

11. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors qu'il était loisible à M. A...de demander à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France la communication des motifs de la décision attaquée, que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France se soit abstenue de procéder à l'examen du dossier dont elle était saisie.

12. En second lieu, en l'absence de toute démonstration probante du lien de paternité, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France portant rejet de la demande de visa formée pour l'enfant Mamadou PathéA....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1508054 du 11 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 septembre 2018.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02521
Date de la décision : 24/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-24;17nt02521 ?
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