Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté en date du 18 avril 2017 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la décision.
Par un jugement n°1701554 du 8 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017, M. F...B..., représenté par Me D... puis par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police de Paris du 18 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de police de Paris de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et des problèmes de santé de son fils ;
elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant dès lors que sa compagne, titulaire d'une carte de résident, n'a pas vocation à retourner dans son pays d'origine et que le déménagement serait perturbant pour son fils ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, le préfet de police de Paris conclut au non lieu à statuer.
Il soutient que, suite à son interpellation le 29 juin 2017, M. B...a fait l'objet d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français, lequel a eu pour effet d'abroger implicitement mais nécessairement l'arrêté contesté du 18 avril 2017.
M. F...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. F...B..., ressortissant guinéen né le 15 août 1984 à Conakry, relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans du 8 juin 2017 rejetant sa demande tendant l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
Sur les conclusions du préfet de police tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :
2. Considérant que si, suite à son interpellation par les services de police, M. B...a fait l'objet, le 29 juin 2017, d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français, l'arrêté contesté a néanmoins produit ses effets jusqu'à cette dernière date ; que, par suite, la requête de M. B...tendant à son annulation n'est pas dépourvue d'objet ; que les conclusions susvisées du préfet de police doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
5. Considérant que M. B...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où il réside depuis son arrivée en mars 2015 et où il vit avec sa concubine, également ressortissante guinéenne, titulaire d'une carte de résident, et leur fils né le 6 août 2016 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré en France de manière irrégulière et s'est maintenu dans cette situation jusqu'à son interpellation par les services de police le 18 avril 2017 ; que son arrivée en France est récente ; que M.B..., qui indique travailler irrégulièrement, ne démontre pas avoir développé en France des liens d'une intensité particulière en dehors de sa cellule familiale ; que si sa concubine est titulaire d'une carte de résident, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait en France des attaches professionnelles, familiales ou privées telles qu'elle aurait vocation à y demeurer ; que, compte tenu du jeune âge de son fils, et du fait que sa compagne est également ressortissante guinéenne, aucune circonstance particulière ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Guinée ; qu'il ne ressort également pas de ces mêmes pièces que leur fils serait atteint d'une maladie qui ne puisse pas être prise en charge dans leur pays d'origine et qui l'empêcherait de voyager ; que si le requérant allègue avoir en France un oncle et six cousins, il n'établit pas la nature des relations particulières nouées avec ces derniers ; que s'il indique, en outre, que ses parents sont décédés, ce qui est au demeurant contredit par les renseignements apportés dans son dossier de mariage établi en 2015, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait perdu toute attache familiale en Guinée où il a, par ailleurs, résidé jusqu'en 2015, soit jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, dans ces conditions, la décision contestée faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en lui opposant cette obligation, le préfet de police de Paris n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'a également pas méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
6. Considérant, en second lieu, que les stipulations de l'article 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. B...ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
8. Considérant que si M. B...allègue craindre des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de braquages dont aurait été victime son père, il n'apporte aucun élément de nature à étayer la réalité des risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour son information au préfet de police de Paris
Délibéré après l'audience du 28 août 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03747