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13/09/2018 | FRANCE | N°18NT01105

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 septembre 2018, 18NT01105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1706311 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 12 mars 2018, M.B..., représenté par Me E..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1706311 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2018, M.B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me E...en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ; elle méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il ne présente pas une menace pour l'ordre public ; la décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la préfète n'a pas saisi le médecin de l'agence régionale de santé sur le point de savoir s'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant son pays de renvoi d'office est entachée d'incompétence ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 12 février 2018, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.

Considérant ce qui suit :

1. M. F...B..., ressortissant algérien né en 1981, est entré en France en 2002 afin d'y rejoindre son père. Après avoir bénéficié d'un certificat de résidence à raison de son mariage avec une ressortissante française en 2004, dont il s'est toutefois séparé en 2010, et être retourné en Algérie, il est entré de nouveau en France en 2007 et a sollicité le 13 novembre 2015 la délivrance d'un titre de séjour pour motif médical. Par un arrêté du 10 juillet 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi d'office à l'expiration de ce délai. Il relève appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M.A..., chef du bureau du séjour de la préfecture de la Loire-Atlantique signataire de la décision, a reçu délégation de signature, en vertu des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêté du 6 mars 2017 de la préfète, régulièrement publié au recueil n° 20 des actes administratifs de l'Etat dans le département du 7 mars 2017, pour signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi concernant les étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de M. D...et de Netolicka-Lemaire. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...et Mme G...n'auraient pas été absents ou empêchés le 10 juillet 2017. Contrairement à ce que soutient le requérant, il n'appartient par à la préfète d'établir que ces derniers n'auraient pas été en mesure de signer la décision, laquelle mentionne au demeurant qu'elle était signée par délégation du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M.B..., la préfète de la Loire-Atlantique doit être regardée comme s'étant fondée sur deux motifs, le premier tiré de ce que l'intéressé ne remplissait pas les conditions prévues par le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le second tiré de ce qu'il présentait une menace pour l'ordre public.

4. D'une part, aucune stipulation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que M. B...s'est rendu coupable de diverses infractions délictuelles dont les faits de " vol, recel de bien provenant d'un vol, vol en réunion, usage illicite de stupéfiants et offre de stupéfiants " au titre desquelles il a été condamné à de multiples reprises entre 2009 et 2016. Il s'est également rendu coupable de " transport sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un chargé de mission de service public et refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique lors de la constatation d'un crime, d'un délit ou d'un accident de la route " pour lesquels il a été condamné au mois de novembre 2016. Compte tenu du caractère répété et de la gravité de ces infractions, la préfète a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que M. B...constituait une menace pour l'ordre public et lui refuser, pour ce seul motif, la délivrance du titre de séjour sollicité.

6. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, que M. B...a été condamné à neuf reprises entre 2009 et 2016 à des peines d'emprisonnement pour des infractions pénales graves. M. B...se prévaut néanmoins des liens personnels et familiaux qu'il possède en France. Toutefois, à la date de la décision contestée, il est séparé depuis 2010 de son épouse dont il déclare n'avoir plus de nouvelles et n'a pas d'enfant. En outre, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors même que son père, sa belle-mère et son frère avec l'ensemble de sa famille vivent en France, la préfète, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis. Elle n'a donc méconnu ni le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une incompétence de son auteur.

8. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

9. En troisième lieu, le requérant soutient que lorsqu'il entend ne pas suivre l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé lorsqu'il est conforme aux dires de l'étranger quant à l'absence de disponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, le préfet est tenu de solliciter à nouveau l'avis de ce médecin afin qu'il indique si l'étranger peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Toutefois, il ressort des termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision litigieuse et de l'article de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, que dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, le médecin de l'agence régionale de santé peut, sans y être tenu, au vu des éléments du dossier du demandeur et à la date de l'avis, indiquer si son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Aucune disposition légale ou règlementaire n'oblige le préfet à consulter à nouveau le médecin de l'agence régionale de santé dont il ne compte pas suivre l'avis, aux fins de déterminer si l'étranger peut voyager sans risque, cette mention étant une faculté et non une obligation. Par suite, la circonstance que le préfet n'a pas saisi de nouveau le médecin de l'agence régionale de santé pour qu'il se prononce sur sa capacité à voyager n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie à l'égard de M.B....

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...). ".

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat établi le 2 mars 2016 par le psychiatre des hôpitaux du centre hospitalier universitaire de Nantes qui le suit, que M. B... souffre de troubles psychiatriques suicidaires accompagnés de conduites polyaddictives avec prise de drogues et d'alcool, et qu'il est suivi régulièrement. Le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, saisi par la préfète de la Loire-Atlantique, a émis, sur la base du dossier médical de M.B..., le 4 mai 2016, un avis favorable à sa demande de titre de séjour au motif que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le traitement approprié à son état de santé n'était pas disponible dans son pays d'origine. La préfète, qui n'était pas liée par cet avis, a toutefois estimé que si l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie et l'a éloigné à destination de ce pays.

12. Il ressort des différentes pièces produites par la préfète, et notamment de la " fiche pays " établie en 2006 par le ministère français de l'intérieur , d'un rapport d'évaluation initial du programme de pays du Fonds des Nations unies pour la population (UNPFA) pour l'Algérie et d'un document de la direction générale du Trésor de 2014 sur la politique de santé en Algérie, que les pathologies psychiatriques ainsi que la toxicomanie sont prises en charge en Algérie. M.B..., qui n'établit notamment pas l'obsolescence de ces documents, ne remet pas sérieusement en cause les informations communiquées par le préfet par la production d'ordonnances médicales et de certificats médicaux. Par ailleurs, M. B...soutient qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier de ces traitements en Algérie en raison de sa situation financière et de l'impossibilité pour lui de bénéficier dans son pays d'une couverture sociale. Toutefois, ainsi que l'a fait valoir le préfet en première instance, l'Algérie est dotée d'un régime de sécurité sociale permettant un accès gratuit aux soins pour les personnes les plus démunies bénéficiant de l'aide sociale d'État ou bénéficiaire du soutien de l'État. M. C...n'établit pas que, une fois revenu et établi en Algérie, il ne remplirait pas les conditions de revenu et de résidence fixées par la réglementation algérienne pour obtenir la carte attestant de sa qualité de démuni non assuré social ouvrant droit à un accès gratuit aux soins. Par suite, la préfète de la Loire-Atlantique pouvait sans méconnaître le 10° de L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obliger M. B...à quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 du présent arrêt, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une incompétence de son auteur.

14. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 septembre 2018.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 18NT01105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01105
Date de la décision : 13/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-09-13;18nt01105 ?
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