Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Société de Gestion du Groupe C...(SG2C) a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1600268 du 7 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 (article 1er), a réduit la base imposable de la taxe sur les salaires en excluant les rémunérations versées aux dirigeants, M. et Mme C...(article 2), l'a déchargée des cotisations supplémentaires et pénalités correspondant à cette réduction (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société (article 5).
Procédure devant la cour :
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 7 juillet 2017, 2 novembre 2017 et 23 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SA SG2C la somme de 41 779 euros.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il résulte des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi de finances pour 2001, que les rémunérations versées aux membres du directoire d'une société anonyme sont soumises à la taxe sur les salaires ;
- les dividendes doivent être pris en compte au numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août 2017 et le 16 janvier 2018, la SA SG2C, représentée par MeD..., conclut au rejet du recours.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé par le ministre n'est fondé au regard ni de la loi fiscale ni de son interprétation administrative ;
- les dividendes perçus de ses filiales ne doivent pas figurer au numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Société de Gestion du Groupe C...(SG2C) est une société holding qui, d'une part, réalise des prestations de service au profit de ses filiales et, d'autre part, perçoit des dividendes de la part de ces dernières. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, étendue au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2011 à 2013 et des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires au titre des années 2011 et 2012. Après le rejet, par décision du 11 janvier 2016, de sa réclamation préalable, la société a sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans la décharge de ces impositions. Par un jugement du 7 mars 2017, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 (article 1er), a réduit la base imposable de la taxe sur les salaires en excluant les rémunérations versées aux dirigeants (article 2), a déchargé la société requérante des cotisations supplémentaires et pénalités correspondant à cette réduction (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société (article 5). Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif d'Orléans a réduit la base imposable de la SA SG2C de la taxe sur les salaires en excluant les rémunérations versées à ses dirigeants, M. et MmeC..., et l'a déchargée des cotisations supplémentaires et pénalités correspondant à cette réduction.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. L'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations.(...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire (...) ". Aux termes de l'article L. 311-2 de ce même code : " Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ". Aux termes de l'article L. 311-3 du même code : " Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2 (...) / 12° Les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes (...) ".
3. Il résulte des travaux parlementaires concernant l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues les dispositions de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des personnes explicitement visées par les dispositions combinées des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale et celles qui, telles les présidents et les membres du directoire, sont assimilées à ces personnes, alors même que ces dernières n'auraient pas la qualité de salarié au sens du code du travail.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait partiellement droit à la demande de décharge de la taxe sur les salaires présentée par la SA SG2C en excluant les rémunérations versées à M. B...C...et à Mme A...C..., respectivement président et membre du directoire, de l'assiette de la taxe sur les salaires au motif que les membres du directoire d'une société anonyme n'étaient pas expressément visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner, dans les limites de ce litige, les autres moyens soulevés par la SA SG2C tant en première instance qu'en appel.
6. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " (...) L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...). ".
7. Il résulte de ces dispositions, dont la rédaction est issue du I de l'article 18 de la loi du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993, lesquelles ont eu pour objet de dissocier le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires du rapport, dit " prorata " de taxe sur la valeur ajoutée, alors prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les assujettis partiels à la taxe sur la valeur ajoutée s'obtient, en appliquant au montant total des rémunérations, le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Ce rapport est déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes, c'est-à-dire celles correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.
8. Si la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 16 juillet 2015 Larentia + Minerva (C-108/14), que la taxe sur la valeur ajoutée grevant des biens et services dont les coûts font partie des frais généraux d'une société holding qui, s'immisçant dans la gestion de ses filiales, exerce, à ce titre, une activité économique doit, en principe, être déduite intégralement, il ressort d'une jurisprudence constante de cette même Cour que n'étant pas la contrepartie d'une activité économique, la perception de dividendes n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, même dans l'hypothèse où la société holding qui perçoit les dividendes s'immisce dans la gestion de ses filiales en leur fournissant des prestations de services soumises à cette taxe. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la SA SG2C, les dividendes doivent, pour l'application des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, être compris au numérateur du rapport prévu à cet article. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le rapport d'assujettissement retenu par l'administration est erroné.
9. En second lieu, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. "
10. D'une part, en se référant, dans les paragraphe 12 et 13 de l'instruction 5-L-5-02 du 12 septembre 2002 à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pour la détermination des règles d'évaluation des rémunérations imposables à la taxe sur les salaires, l'administration fiscale n'a pas entendu limiter l'assiette de cette taxe aux rémunérations relevant de cet article et donner ainsi une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application.
11. D'autre part, la SA SG2C se prévaut du lien de subordination existant nécessairement entre un employeur et ses salariés, au sens du droit du travail, auquel se réfère le paragraphe 3 de l'instruction 5-L-5-02 du 12 septembre 2002, pour soutenir que les rémunérations versées à des mandataires sociaux ne doivent pas être soumises à la taxe sur les salaires. La précision ainsi apportée par l'administration fiscale sur la définition de la notion d'employeur ne signifie pas qu'elle aurait ainsi expressément admis que les personnes qui n'ont pas la qualité d'employeur, faute d'avoir des salariés placés en situation de subordination, seraient en toutes circonstances exclues du champ d'application de la taxe sur les salaires. Dès lors, ce commentaire administratif de la loi ne contient pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application.
12. Enfin, la SA SG2C ne peut utilement se prévaloir, compte tenu de leur date, des énonciations du n°20 et n° 40 du BOI-TPS-TS-20140122 publié le 22 janvier 2014 et du n°1 du BOI-TPS-TS-20-10-20160302 publié le 2 mars 2016.
13. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la réduction de la base d'imposition à la taxe sur les salaires en excluant les rémunérations versées à M. et Mme C...et a déchargé la SA SG2C des cotisations supplémentaires et pénalités correspondant à cette réduction.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1600268 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles la SA SG2C a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 sont remises à sa charge dans la limite du montant, en droits et pénalités, de 41 779 euros.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme SG2C.
Délibéré après l'audience du 30 août 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 septembre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. BatailleLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT020615