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23/07/2018 | FRANCE | N°17NT03042

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 23 juillet 2018, 17NT03042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 janvier 2015, par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n°1503097 du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2017 et le 2 juillet 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 f

évrier 2017 ;

2°) d'annuler la décision du ministre ;

3°) d'enjoindre au ministre de procéder à un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 janvier 2015, par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n°1503097 du 15 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2017 et le 2 juillet 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2017 ;

2°) d'annuler la décision du ministre ;

3°) d'enjoindre au ministre de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Me B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C...soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- son état de santé la rend inapte à exercer une activité professionnelle qui pourrait lui permettre d'être autonome financièrement ;

- ses restrictions médicales à l'emploi sont si importantes que, même si elle n'a pas été déclarée inapte à tout emploi, il lui sera matériellement impossible de pouvoir trouver un emploi compatible avec son état de santé ;

- son parcours d'insertion antérieur témoigne des efforts qu'elle a accomplis ;

- le ministre n'a pas procédé à un examen complet et objectif de son parcours de vie ;

- elle doit être regardée comme étant placée dans un état de particulière vulnérabilité et ne doit pas faire l'objet d'une discrimination à cause de cela ;

- le refus de l'accueillir dans la nationalité française en raison de sa fortune constitue une discrimination ;

- la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité ;

- le ministre ne pouvait pas de fonder uniquement sur des critères de revenus pour lui refuser la nationalité française ;

- son handicap, et les conséquences qu'il induit en termes de revenus, ne peut pas constituer un motif de refus de sa demande de naturalisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte européenne des droits fondamentaux ;

- le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels ;

- la loi n°91-657 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- et les observations de Me A...substituant MeB..., représentant Mme C....

1. Considérant que MmeC..., de nationalité khirgize, a sollicité son intégration dans la nationalité française ; que sa demande a fait l'objet le 2 octobre 2014 d'une décision d'ajournement à deux ans par le préfet de Loire Atlantique ; que le ministre chargé des naturalisations a confirmé cet ajournement par une décision en date du 29 janvier 2015 ; que le tribunal administratif a rejeté le 15 février 2017 le recours contentieux formé par Mme C...contre cette décision ; que l'intéressée relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'accès à la nationalité française ne constitue pas un droit mais une faveur pour l'étranger qui la sollicite ; que le refus d'accorder la naturalisation à un étranger pour lui permettre d'acquérir son autonomie matérielle ne saurait dès lors constituer, contrairement à ce que soutient la requérante, une discrimination dans l'accès à un droit fondamental ; que Mme C...ne peut pas, dès lors, utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations combinées des articles 14 et l'article 21 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant que ces stipulations prohibent les discriminations fondées, notamment, sur la fortune, non plus, en tout état de cause, que de celles du protocole n° 12 à cette convention qui n'a été ni signé ni ratifié par la France ; qu'elle n'est pas plus fondée, pour le même motif, à se prévaloir de la méconnaissance du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et de la charte européenne des droits fondamentaux ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'en vertu de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au préfet, ainsi qu'au ministre, saisi sur recours préalable obligatoire, de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable de ses ressources propres ; que l'autorité administrative ne peut, en revanche, se fonder exclusivement ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni sur le fait que les ressources dont dispose l'intéressé ont le caractère d'une allocation accordée en compensation d'un handicap pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 821-2 du même code : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : / 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; / 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 821-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2, ce taux est de 50 % (...) " ;

5. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par MmeC..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance selon laquelle l'examen du parcours professionnel de l'intéressée, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permet pas de considérer qu'elle a pleinement réalisé son insertion professionnelle, dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes et stables, et qu'elle pouvait exercer une activité professionnelle compatible avec son handicap, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées l'ayant reconnue apte à travailler, sous réserve de plusieurs restrictions ; que si Mme C...fait valoir qu'elle bénéficie du statut d'handicapé en raison des importantes douleurs au dos dont elle souffre depuis un accident l'ayant obligée à quitter l'emploi qu'elle occupait alors, il ressort des pièces du dossier que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Loire Atlantique lui a reconnu, par sa décision du 21 décembre 2012, la qualité de travailleur handicapé en fixant son taux d'incapacité entre 20% et 45% ; que si Mme C...a été ensuite dirigée vers un stage rémunéré de l'Agefiph en vue de lui permettre de définir un nouveau projet professionnel et que ce stage s'est terminé sans perspective raisonnable de retrouver un emploi, en raison des grandes difficultés physiques éprouvées par l'intéressée, il est constant que Mme C...ne percevait, à la date de la décision attaquée, aucune allocation en compensation de son handicap ; que ni le rapport de stage de l'Agefiph ni le bilan préalablement réalisé par un ergothérapeute n'établissent toutefois l'incapacité de l'intéressée à occuper tout emploi ; qu'il est constant qu'à la date de la décision contestée, les revenus de la postulante étaient exclusivement constitués de l'aide personnalisée au logement et du revenu de solidarité active, pour un montant mensuel total de 891,72 euros ; que, dans ces conditions, en ajournant à deux ans, pour défaut d'autonomie matérielle pérenne, la demande de naturalisation présentée par l'intéressée, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont MmeC... sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. Sacher, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 juillet 2018.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03042
Date de la décision : 23/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-23;17nt03042 ?
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