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20/07/2018 | FRANCE | N°17NT02575

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 juillet 2018, 17NT02575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC de Donville et la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler deux arrêtés du 4 juin 2015 du préfet de la Manche refusant au GAEC de Donville le droit d'exploiter 4,8 hectares de terres agricoles appartenant à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " et autorisant l'EARL du Marais de Beaumont à exploiter ces mêmes terres.

Par un jugement n° 1501589 du 21 juin 2017, le tribunal ad

ministratif de Caen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC de Donville et la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler deux arrêtés du 4 juin 2015 du préfet de la Manche refusant au GAEC de Donville le droit d'exploiter 4,8 hectares de terres agricoles appartenant à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " et autorisant l'EARL du Marais de Beaumont à exploiter ces mêmes terres.

Par un jugement n° 1501589 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 août 2017 et le 29 juin 2018 sous le n° 17NT02575, le GAEC de Donville, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Ca en du 21 juin 2017 ;

2°) d'annuler les articles 1er des arrêtés n° 2015.73 et n° 2015 .74 du 4 juin 2015 du préfet de la Manche lui refusant le droit d'exploiter 4,8 hectares de terres appartenant à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " et autorisant l'EARL du Marais de Beaumont à exploiter ces mêmes terres ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet était tenu d'observer l'ordre des priorités défini par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; il ne s'agissait pas pour le préfet de départager des candidats ayant le même rang de priorité mais d'appliquer l'ordre de priorité entre installation et agrandissement ;

- l'application des critères de départages fixés par le schéma aurait dû conduire le préfet à l'autoriser à exploiter les terres litigieuses ;

- le préfet a retenu à tort la priorité 2-3 du schéma directeur et certains des critères énoncés à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2018, l'EARL du Marais de Beaumont, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du GAEC de Donville la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le GAEC de Donville ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 mars et 25 juin 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux présentés en première instance par le préfet de la Manche.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2018, la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501589 du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 et de " rejeter la demande de l'EARL du Marais de Beaumont " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 août 2017 et le 25 juin 2018 sous le n° 17NT02597, la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501589 du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 et de " rejeter la demande de l'EARL du Marais de Beaumont " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- les arrêtés litigieux du préfet de la Manche ne sont pas suffisamment motivés ;

- le préfet de la manche a méconnu les dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime en ne respectant pas l'ordre de priorité défini par la schéma directeur départemental des structures agricoles et en prenant en compte des critères non prévus par ce même schéma comme la nature des terres exploitées par l'EARL du Marais de Beaumont ou la circonstance que celle-ci exerce son activité en production biologique.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2018, l'EARL du Marais de Beaumont, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 mars et 25 juin 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux présentés en première instance par le préfet de la Manche.

Par un mémoire enregistré le 29 juin 2018, le GAEC de Donville, représenté par Me E..., demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 et les articles 1er des arrêtés n° 2015.73 et n° 2015.74 du 4 juin 2015 du préfet de la Manche lui refusant le droit d'exploiter 4,8 hectares de terres agricoles appartenant à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " et autorisant l'EARL du Marais de Beaumont à exploiter ces mêmes terres.

Il soulève les mêmes moyens que dans la requête n° 17NT02575.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles ;

- l'arrêté n°2014-32 du 14 avril 2014 du préfet de la Manche établissant le schéma directeur des structures agricoles du département de la Manche ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant l'EARL du Marais de Beaumont.

1. Considérant que les requêtes n° 17NT02575 et n° 17NT2597, respectivement présentées par le GAEC de Donville et par la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que le GAEC de Donville et l'EARL du Marais de Beaumont ont demandé l'autorisation d'exploiter plusieurs terres agricoles situées sur la commune de Méautis (50) dont une parcelle de 10,55 hectares, cadastrée ZC-14, appartenant à la coopérative laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " ; que, par deux arrêtées en date du 4 juin 2015, le préfet de la Manche a notamment autorisé le GAEC de Donville à exploiter 5,75 hectares de cette parcelle et l'EARL du Marais de Beaumont 4,80 hectares ; que le GAEC de Donville et la coopérative laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " relèvent appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes d'annulation partielle de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que le jugement attaqué est suffisamment motivé et n'est donc pas irrégulier ;

Sur la légalité des arrêtés contestés du préfet de la Manche, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable : " Le schéma directeur départemental des structures agricoles détermine les priorités de la politique d'aménagement des structures d'exploitation et fixe les conditions de la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 312-5 et L. 314-3 ainsi que celles du chapitre Ier du titre III du présent livre. " ; que, selon l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ;

5. Considérant que le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Manche, arrêté le 14 avril 2014, prévoit, lorsque le bien objet de la demande d'autorisation d'exploiter est, comme en l'espèce, compris entre 0,15 et 1 unité de référence (UR), que sont prioritaires les demandes d'agrandissement d'une exploitation d'une surface comprise entre 0,4 et 1 UR par actif agricole (priorité 2-3) par rapport aux demandes portant sur l'agrandissement d'une exploitation d'une surface supérieure à 1 UR par actif agricole (priorité 2-4) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le GAEC de Donville, avec 0,65 UR par actif agricole, relevait du rang de priorité 2-3, alors que l'EARL du Marais de Beaumont, avec une UR supérieur à 4 par actif agricole, de la priorité 2-4 ; que, dans ces conditions, le préfet de la Manche ne pouvait légalement, aux motifs que l'EARL du Marais de Beaumont était engagée en production -biologique et que la surface qu'elle exploitait risquait d'être réduite en raison de l'expansion urbaine de Carentan, ne pas observer l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Manche ; que, par suite, le préfet de la Manche a entaché les arrêtés contestés d'une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le GAEC de Donville et la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des articles 1er des arrêtés litigieux du préfet de la Manche et que, d'autre part, ce jugement doit être annulé ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considéra nt que ces dispositions font obstacle à ce que le GAEC de Donville et la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance, versent à l'EARL du Marais de Beaumont les sommes qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat des sommes de 1 500 euros à verser respectivement au GAEC de Donville et à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501589 du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 est annulé.

Article 2 : Les articles 1er des arrêtés n° 2015-73 et n° 2015-74 du préfet de la Manche du 4 juin 2015 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera au GAEC de Donville et à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin " des sommes de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de Donville, à la coopérative agricole laitière " Les Maîtres laitiers du Cotentin ", au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'EARL du Marais de Beaumont.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juillet 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02575 et 17NT02597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02575
Date de la décision : 20/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL BAUGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-20;17nt02575 ?
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