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16/07/2018 | FRANCE | N°16NT03789

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juillet 2018, 16NT03789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2015 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1505852 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 24 novembre 2016, Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2015 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1505852 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2016, Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2015 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont examiné un moyen qui n'était pas soulevé ;

- les droits de la défense ont été méconnus ; la convocation à l'entretien préalable à l'ouverture de la procédure disciplinaire et le rapport de saisine du conseil de discipline ne mentionnent pas le grief tiré de l'affichage de son mot de passe sur son poste de travail ;

- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article 1er de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 ;

- c'est à l'administration et non à l'agent poursuivi qu'incombe, en matière disciplinaire, la charge de la preuve ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas suffisamment établie ;

- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine, représenté Me D...A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le SDIS d'Ille-et-Vilaine.

1. MmeB..., directrice territoriale en fonction au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2015 par lequel le directeur départemental du SDIS d'Ille-et-Vilaine a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B...a invoqué, devant les premiers juges, l'inexactitude matérielle des faits qui lui étaient reprochés, notamment en ce qui concerne la négligence de sa part qui a permis le libre accès au mot de passe protégeant son poste de travail. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que le SDIS d'Ille-et-Vilaine, s'il n'a pas défendu sur ce point particulier, aurait entendu abandonner en cours d'instance ce motif, qui fondait parmi d'autres la sanction en litige. Dès lors, en regardant cette négligence comme établie au vu des pièces du dossier, le tribunal n'a pas examiné d'office un moyen qui n'aurait pas été soumis à la contradiction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Par courrier du 19 mars 2015, Mme B...a été convoquée par le président du conseil d'administration du SDIS d'Ille-et-Vilaine à un entretien préalable à l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre, justifiée par " la rédaction de lettres anonymes à destination des administrateurs de l'établissement ", la tenue de " propos injurieux " à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques et la " revendication de violation des systèmes informatiques de l'établissement public ". Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que cette convocation ne mentionne pas le grief, susceptible d'être retenu à son encontre, tiré de l'affichage de son mot de passe sur son poste de travail, fait qu'elle a au demeurant elle-même admis, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait obligation à l'administration de faire figurer à l'occasion de cette convocation la nature et les motifs de la sanction envisagée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le rapport de saisine du conseil de discipline, auquel est jointe la note de service du 19 mars 2014 communiquée par la direction des systèmes d'information et de télécommunication rappelant aux agents du SDIS 35 l'interdiction de noter ou d'afficher leurs mots de passe, faisait état de la méconnaissance fautive par Mme B...de cette interdiction. La requérante, qui avait connaissance des faits qui lui étaient reprochés, a pu se faire assister d'un défenseur de son choix et présenter ses observations lors du conseil de discipline qui s'est déroulé le 23 septembre 2015. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes des motifs de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois prise par le président du conseil d'administration du SDIS d'Ille-et-Vilaine le 18 novembre 2015, il est reproché à Mme B...d'avoir rédigé, imprimé et envoyé au conseil d'administration deux courriers anonymes, reçus les 15 décembre 2014 et 13 janvier 2015, dans lesquels elle tenait des propos offensants envers sa hiérarchie et revendiquait avoir infiltré et manipulé le système informatique du SDIS, ainsi que d'avoir laissé libre accès à son ordinateur professionnel en affichant son mot de passe sur son poste de travail. Ce faisant, l'arrêté en litige vise à sanctionner les manquements de la requérante aux obligations de réserve, de discrétion, de probité, de respect de la hiérarchie et de loyauté.

5. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) " ; et aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

6. D'une part, le disque dur de l'ordinateur professionnel de MmeB..., conservé depuis le 23 décembre 2014 par la mission des systèmes d'information et de transmission (MSIT), à la suite à son remplacement à la demande la requérante, a été confié le 5 février 2015 à la société SOS Ordi 35 pour une récupération de données, puis le 14 août 2015 et afin qu'il soit mis sous scellés, à l'expertise informatique de M.G..., ingénieur informatique et expert auprès des tribunaux. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de ces deux expertises produites par le SDIS d'Ille-et-Vilaine, que la lettre du 15 décembre 2014, ainsi que l'extrait de revue de presse qui y était joint, ont été retrouvés dans un répertoire supprimé du disque dur de la requérante. Ces documents y avaient été modifiés, enregistrés et imprimés le 12 décembre 2014 depuis le poste de travail de Mme B...sur l'imprimante qui y était reliée. Si Mme B...conteste les conditions de conservation de ce support informatique, elle n'établit pas par ses seules allégations que son employeur, qui n'a pas manqué à son obligation de loyauté en matière d'administration de la preuve, n'était pas fondé à se prévaloir de son contenu, tant au cours de la procédure disciplinaire que dans le cadre de la présente instance, à l'occasion de laquelle la preuve peut être rapportée par tout moyen. Ces éléments ne sont contredits ni par les deux analyses dactylographiques présentées par MmeB..., ni par l'analyse réalisée à sa demande par M. E..., expert judiciaire, qui se borne d'ailleurs à critiquer l'expertise de M. G...sans avoir eu accès au disque dur litigieux. L'intervention d'un huissier, qui n'aurait contribué qu'à renforcer la matérialité de ces faits, déjà suffisamment établie par les éléments apportés par le SDIS d'Ille-et-Vilaine, n'était imposée par aucune disposition législative ou règlementaire. Dès lors, Mme B...n'est pas fondée à critiquer la procédure mise en oeuvre pour établir la matérialité des faits justifiant la sanction dont elle a fait l'objet.

7. D'autre part si, contrairement à ce qu'énonce la décision contestée, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...puisse être regardée comme étant l'auteur de la lettre anonyme du 7 janvier 2015, la matérialité des faits doit être considérée comme suffisamment établie en ce qui concerne la lettre anonyme du 15 décembre 2014 et la négligence de la requérante permettant le libre accès au mot de passe protégeant son ordinateur professionnel.

8. Eu égard à la nature de ces manquements, et alors que Mme B...avait déjà fait l'objet, le 23 janvier 2014, d'un blâme pour avoir " à plusieurs reprises entre les années 2011 et 2013 fait preuve d'une particulière légèreté dans la gestion de ses droits à congés annuels d'une part mais également dans le respect des dispositions du règlement intérieur d'autre part ", la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorité disciplinaire aurait, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS d'Ille-et-Vilaine la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B...la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le SDIS d'Ille-et-Vilaine et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Mme B...versera au service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B...et au service départemental d'incendie et de secours d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.

Le président,

J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,

F. PONS

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03789
Date de la décision : 16/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET JEAN-PAUL MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-16;16nt03789 ?
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