Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de constater l'emprise irrégulière résultant de la pose d'une canalisation d'eau potable sur leur propriété dont se serait rendue coupable la commune de Pruillé et d'enjoindre à la commune de déplacer cette canalisation dans un délai de six mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n°1501562 du 22 juillet 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement des articles R. 222-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande comme irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2016 et le 6 juin 2017, M. et MmeB..., représenté par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 22 juillet 2016 ;
2°) de constater l'existence d'une emprise irrégulière sur leur propriété et de condamner la commune à faire procéder au déplacement de cette canalisation dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge la commune de Longuenée-en-Anjou, ayant succédé à la commune de Pruillé, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B...soutiennent que :
- aucune irrecevabilité ne pouvait être opposée à leur demande ;
- il n'était pas nécessaire de faire naître une déclaration préalable de refus pour demander qu'il soit procédé au constat d'une emprise irrégulière et à ce qu'il soit enjoint à la commune à déplacer la canalisation litigieuse ;
- il n'était pas nécessaire de contester préalablement la légalité de la délibération du 29 janvier 2015 par laquelle le conseil municipal a rejeté sa demande de déplacement de la canalisation;
- leur requête ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative en ce sens où elle ne visait pas au premier chef à faire prescrire une injonction ;
- leur demande de constatation de l'existence d'une emprise irrégulière ne saurait s'assimiler à une simple demande d'injonction ;
- la canalisation a été mise en place irrégulièrement par la commune de Pruillé sur leur propriété immobilière, ce qui se traduit par une dépossession constituant ainsi une emprise irrégulière qu'il incombe au juge administratif de constater ;
- il n'est pas nécessaire de procéder à un recours préalable en matière de travaux publics ;
- leur demande ne peut pas se voir opposer la prescription quadriennale dès lors que le litige ne porte pas sur une créance ;
- le tribunal administratif pouvait enjoindre à la commune de déplacer la canalisation après constatation de l'emprise irrégulière ;
- la nature de leur demande ne relève pas de la prescription quadriennale ;
- l'existence d'une erreur matérielle ne fait pas obstacle à la constitution d'une emprise irrégulière.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 20 février 2017 et le 3 juillet 2017, la commune de Longuenée-en-Anjou, ayant succédé à la commune de Pruillé, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des époux B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que la créance des époux B...est prescrite, que la requête déposée auprès du tribunal administratif était irrecevable faute d'avoir saisi préalablement le juge administratif d'une demande d'annulation de la décision du 6 février 2015, qu'un des éléments constitutifs d'une emprise irrégulière manque en l'espèce, les travaux d'installation de la canalisation ayant été mal localisés du fait d'une erreur dans la délimitation du contour de la propriété de M. et MmeB..., que l'emprise n'emporte pas une atteinte grave au droit de propriété de ces derniers, et que l'absence de toute solution amiable pour résoudre le problème de la localisation de la canalisation est uniquement due à la mauvaise volonté des époux B...qui ont refusé toute proposition d'accord.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeB....
1. Considérant que M. et Mme B...sont propriétaires d'un terrain situé sur le territoire de la commune de Pruillé (Maine et Loire), devenue en cours d'instance la commune de Longuenée en Anjou, sur lequel se trouve édifiée leur maison d'habitation ; qu'ils ont demandé à la commune, par un courrier daté du 4 juin 2014, le déplacement d'une canalisation souterraine d'eau potable y étant implantée ; que le conseil municipal de la commune a adopté le 29 janvier 2015 une délibération portant refus de cette demande ; que M. et Mme B...ont formé le 20 février 2015 un contentieux par lequel ils demandaient au tribunal administratif de reconnaître l'existence d'une emprise irrégulière et d'enjoindre à la commune de déplacer la canalisation souterraine présente sur leur propriété ; qu'ils relèvent appel de l'ordonnance du 22 juillet 2016 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande au motif de son irrecevabilité ;
Sur la régularité du jugement attaqué
2. Considérant que si la protection de la propriété privée entre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire, la mission conférée à celle-ci se trouve limitée par l'interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III de connaître des actes de l'administration ; que la compétence des tribunaux judicaires se limite ainsi aux seules questions d'indemnisation des préjudices résultant d'une emprise ; qu'en revanche, les conclusions à fin de constatation d'une emprise irrégulière relèvent de la seule compétence du juge administratif devant lequel elles sont recevables ; qu'une telle demande n'a pas nécessairement à être accompagnée d'une demande d'annulation par voie contentieuse d'une décision par laquelle une collectivité territoriale aurait préalablement refusé de faire droit à une demande de déplacement de l'ouvrage dont l'implantation est contestée ;
3. Considérant que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable la requête de M. et Mme B...au motif que ces derniers n'avaient pas, à titre principal, formé un recours contentieux contre une décision administrative ; que, comme indiqué au point 2, le premier juge s'est ainsi mépris sur les conditions de recevabilité d'une telle demande et a donc considéré à tort que la demande dont il était saisi était irrecevable ; que les requérants sont dès lors fondés à demander l'annulation de l'ordonnance du 22 juillet 2016 ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et de Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande de M. et Mme B...n'a pas pour objet d'obtenir le paiement du créance qu'ils détiendraient envers la commune de Longuenée en Anjou (Pruillé) mais a pour objet d'obtenir qu'il soit procédé au déplacement d'un ouvrage public dont ils soutiennent qu'il est mal planté ; qu'une telle demande constitue une action immobilière à caractère réel qui ne relève pas des dispositions précitées ; que l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune est ainsi inopérante et doit être écartée ;
Sur la demande de constatation d'une emprise irrégulière :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Longuenée en Anjou (Pruillé), laquelle ne le conteste d'ailleurs pas, a fait procéder à une date indéterminée, mais nécessairement antérieure au 7 avril 2005, date à laquelle a été établie la facture des travaux correspondants, à la pose d'une canalisation souterraine permettant de raccorder au réseau d'eau potable de la commune deux nouvelles constructions à usage d'habitation ; qu'il n'est pas davantage contesté qu'une partie de cette canalisation, d'une longueur d'environ 60 mètres, se trouve située sous la propriété de M. et Mme B...près de la limite séparative avec la voie publique constituée par l'impasse de la Grande Métairie ; qu'une telle opération, qui a dépossédé M. et Mme B...d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution d'une servitude de passage, soit l'intervention d'un accord amiable avec les intéressés ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme B...aient accordé à la commune une autorisation pour implanter une telle canalisation sur leur propriété ; que, dans ces conditions, la dépossession partielle de M. et Mme B...doit être regardée comme ayant été exécutée sans titre et présente ainsi, sans qu'y fasse obstacle le fait que cette implantation ait pu résulter d'une erreur dans la délimitation de la propriété des épouxB..., le caractère d'une emprise irrégulière sur une propriété privée immobilière ;
Sur la demande de déplacement de la canalisation :
8. Considérant que la cour doit être regardée comme étant saisie d'une demande d'exécution de sa décision reconnaissant l'existence d'une emprise irrégulière ; qu'il appartient alors au juge administratif, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date où il statue, de déterminer si l'exécution d'une telle décision implique nécessairement qu'il soit fait droit à cette demande ou si une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient alors de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les différents intérêts publics et privés en présence, et notamment pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part les conséquences du déplacement pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si le déplacement demandé n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tronçon de canalisation souterraine dont M. et Mme B...demandent le déplacement se trouve situé, sur environ 60 mètres, en bordure immédiate de la voie publique ; que la proposition par la commune de racheter aux époux B...la partie de terrain correspondante n'a pas été acceptée par ces derniers ; que, selon le devis établi par le gestionnaire du réseau d'eau potable, le coût du déplacement de la canalisation hors de la propriété des époux B...s'élèverait à environ 11 000 euros, somme d'un montant particulièrement important eu égard aux capacités financières de la commune, dont la population est inférieure à 1 000 habitants ; que M. et Mme B...n'ont, jusqu'en 2014, fait état d'aucun inconvénient particulier relatif à la jouissance de leur terrain en raison de la présence de cette canalisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la présence de cette canalisation ferait obstacle à toute possibilité d'entreprendre des travaux de clôture, ainsi qu'ils allèguent en avoir l'intention ; qu'ainsi, dans de telles conditions et alors qu'une procédure de régularisation reste possible, l'enlèvement et le déplacement de la canalisation en cause entraînent une atteinte excessive à l'intérêt général ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la commune d'y procéder ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. et Mme B...à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Longuenée en Anjou (Pruillé) une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction de M. et Mme B...sont rejetées.
Article 3 : La commune de Longuenée en Anjou versera mille euros (1 000 euros) à M. et Mme B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Longuenée en Anjou relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme E...B..., à la commune de Longuenée-en-Anjou et à la communauté d'agglomération Angers Loire Métropole
Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Giraud, premier conseiller,
Lu en audience publique le 16 juillet 2018.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT03239