Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Socardel a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 7 décembre 2010 portant règlement d'eau pour les seize installations hydroélectriques qu'exploite la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA) sur la rivière Mayenne et de la rétablir dans sa priorité de débit en ce qui concerne les ouvrages hydroélectriques qu'elle exploite au niveau des barrages de la Fourmondière Supérieure et de La Fourmondière Inférieure, situés sur la rivière Mayenne, sur le territoire de la commune d'Andouillé.
Par un jugement n° 1500933 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SARL Socardel.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2017 et le 22 juin 2018, la SARL Socardel, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 7 décembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sa requête est recevable ; en particulier, elle n'est pas tardive et elle dispose d'un intérêt à agir pour contester l'arrêté querellé ;
le dossier de demande de renouvellement d'autorisation présenté par la SHEMA était incomplet et, par suite, irrecevable, de sorte que l'arrêté contesté a été adopté au terme d'une procédure irrégulière ;
si l'exécution de l'arrêté litigieux devait effectivement avoir pour effet de la priver en tout ou partie des droits à usage de l'eau dont elle se prévaut, elle ne pourra pas solliciter, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, réparation de cette atteinte sur le fondement de l'article L 521-14 du code de l'énergie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA), représentée par son directeur général, par la SELAS Adamas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Socardel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
la requête est irrecevable pour, d'une part, être tardive, d'autre part, en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société requérante contre l'arrêté du 7 décembre 2010 ;
aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la société requérante contre l'arrêté du 7 décembre 2010 ;
les conclusions tendant à la confirmation d'un des motifs du jugement attaqué sont irrecevables ;
à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de l'environnement ;
le code de l'énergie ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
les observations de MeB..., représentant la SARL Socardel et de MeD..., substituant MeC..., représentant la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA).
Une note en délibéré présentée par la SARL Socardel a été enregistrée le 3 juillet 2018.
1. Considérant que, par un décret du 4 juillet 1959, le ministre de l'industrie et du commerce a déclaré d'utilité publique et a concédé à Electricité de France (EDF), pour une durée de trente ans, l'aménagement et l'exploitation de seize microcentrales hydroélectriques situées en rive gauche de la Mayenne, dans le département de la Mayenne, dont celles de La Fourmondière Supérieure et de La Fourmondière Inférieure, sur le territoire de la commune de Montflours ; que le 25 mars 2004, le préfet de la Mayenne a pris acte du transfert de ces microcentrales par EDF au profit de sa filiale, la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA), conformément aux dispositions de l'article 10 du décret n°95-1204 du 6 novembre 1995 ; que par un arrêté du 7 décembre 2010, le même préfet a, d'une part, renouvelé, pour une durée de quarante ans, le règlement d'eau applicable aux ouvrages hydroélectriques exploités par la SHEMA sur la Mayenne, et, d'autre part, reconduit, pour la même durée, l'autorisation d'exploiter ces installations dont bénéficiait cette société ; que la SARL Socardel relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L.214-10 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues à l'article L. 514-6. " ; qu'aux termes de l'article L.514-6 du même code : " I. - Les décisions prises en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7-3 à L. 512-7-5, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 512-20, L. 513-1 à L. 514-2, L. 514-4, L. 515-13 I et L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois qui commence à courir du jour où lesdits actes leur ont été notifiés ; / 2° Par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, dans un délai de quatre ans à compter de la publication ou de l'affichage desdits actes, ce délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en activité de l'installation. (...) " ; qu'au sens de ces dispositions, un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation délivrée au titre de la loi sur l'eau à une entreprise, fût-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que les travaux affectant le niveau ou le mode d'écoulement des eaux présentent pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement commercial ; qu'il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si ce dernier justifie d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présentent pour lui les travaux réalisés, appréciés notamment en fonction tant de leur situation et de la configuration des lieux que du régime des eaux ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que la SARL Socardel exploite deux microcentrales hydroélectriques au droit des microcentrales hydroélectriques de La Fourmondière Supérieure et de La Fourmondière Inférieure ; que la décision contestée autorise la SHEMA, à poursuivre l'exploitation des seize microcentrales hydroélectriques, dont les deux précitées, avec une augmentation du débit autorisé de 4 m3/s, celui-ci passant de 9 à 13 m3/s ; que selon le dossier de demande d'autorisation et l'étude d'impact qui y est jointe, cette augmentation de puissance résultera de l'installation de turbines plus innovantes permettant de concilier avantages économiques et protection de l'environnement ; que l'installation de ces nouvelles turbines apportera ainsi une amélioration de la production de l'ordre du 10 à 15 % à partir d'une gamme de débits plus étendue et un fonctionnement continu au fil de l'eau quel que soit le débit ; qu'elle améliorera, par ailleurs, la circulation des poissons et réduira, par leur immersion totale, l'impact visuel et sonore des ouvrages ; que selon l'étude d'impact, les effets du projet sur la production hydroélectrique seront, lors de la réalisation des travaux, sans conséquence sur le fonctionnement des microcentrales situées en rive droite des sites de la Fourmondière Inférieure, de la Fourmondière Supérieure et de la Richardière ; que, de même, à l'issue des travaux, le projet n'aura aucune incidence sur les usages de l'eau concernant la navigation, la promenade-chemin de halage, l'eau potable, la pratique de la pêche et la production hydroélectrique ; que les droits des tiers seront, enfin, expressément réservés ainsi qu'il résulte de l'article 4 de la décision contestée ;
4. Considérant que, pour justifier de son intérêt à agir au sens des dispositions précitées du code de l'environnement, la SARL Socardel se borne à faire valoir que la décision contestée, en autorisant la SHEMA à bénéficier d'une augmentation du débit de 4 m3/s, conduira à une rupture du principe d'égalité et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie conduisant à une tentative d'élimination de la concurrence en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 211-1 du code de l'environnement relatives à la répartition de la ressource en eau, que la poursuite de l'exploitation des centrales hydroélectriques par la SHEMA lui a causé un important préjudice financier dès lors qu'elle disposait d'un droit de priorité pour bénéficier du débit de la Mayenne conformément à un accord conclu le 1er juillet 1975 entre les prédécesseurs respectifs de la SHEMA et de la SARL Socardel et qu'elle justifiait bien, à la date d'enregistrement de sa requête, d'une demande d'autorisation d'exploitation en cours de validité, au moins en ce qui concerne la centrale hydroélectrique de La Fourmondière Supérieure ; que la société requérante, qui ne conteste pas les énonciations contenues dans la demande de renouvellement de l'autorisation et dans l'étude d'impact, n'établit toutefois pas que le fonctionnement des ouvrages hydroélectriques serait, dans les conditions prévues par l'arrêté en litige, susceptibles d'avoir des conséquences dans l'exploitation des microcentrales dits de La Fourmondière Supérieure et de la Fourmondière inférieure qu'elle gère sur le territoire de la commune d'Andouillé ;
5. Considérant, par ailleurs, si la société requérante fait valoir, qu'elle bénéficierait d'un droit de priorité pour bénéficier du débit de la Mayenne compte tenu des termes de la convention signée le 1er juillet 1975 entre EDF et la SACAMA, cette circonstance, à la supposer établie, relève d'un autre litige que celui soumis à la cour ;
6. Considérant, enfin, que dans ses dernières écritures, la SARL Socardel soutient que plusieurs ouvrages exploités par la SHEMA seraient susceptibles de provoquer une forte montée d'eau en cas d'incident de nature à impacter les centrales hydroélectriques qu'elle gère en aval de ces ouvrage ; qu'elle n'apporte, toutefois, au soutien de son allégation aucun début de justificatif permettant d'établir que ce risque serait la conséquence des modifications apportées aux ouvrages de la SHEMA résultant de la décision contestée ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel, que la fin de non recevoir tirée de ce que la SARL Socardel ne dispose pas d'un intérêt à agir doit, par suite, être accueillie ; que la SARL Socardel n'est, dans ces conditions, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SARL Socardel la somme que la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA) demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SARL Socardel soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Socardel est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA) tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Socardel, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA).
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller
Lu en audience publique, le 13 juillet 2018.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00477