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06/07/2018 | FRANCE | N°17NT01503

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 juillet 2018, 17NT01503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Louresse Rochemenier a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner la société Roux, sur le fondement de la garantie décennale ou à défaut de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 11 559,60 euros TTC actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BTO1 entre la date du rapport de l'expert et la date du jugement, en réparation des désordres affectant l'isolation des murs extérieurs ;

2°) de condamner solidairement la SARL Roux, son a

ssureur Allianz et la société MMA en sa qualité d'assureur de la société Comiso, sur le f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Louresse Rochemenier a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner la société Roux, sur le fondement de la garantie décennale ou à défaut de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 11 559,60 euros TTC actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BTO1 entre la date du rapport de l'expert et la date du jugement, en réparation des désordres affectant l'isolation des murs extérieurs ;

2°) de condamner solidairement la SARL Roux, son assureur Allianz et la société MMA en sa qualité d'assureur de la société Comiso, sur le fondement de la garantie décennale ou à défaut de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 2 496 euros TTC également actualisée selon les modalités précitées, en réparation des désordres affectant l'isolation des plafonds ;

3°) de condamner solidairement la société A2F Menuiseries, la MAAF, la société Oka et la M.A.F. en sa qualité d'assureur de la société Oka, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 114 000 euros TTC également actualisée selon les modalités ci-dessus, en réparation des désordres affectant les menuiseries extérieures ;

4°) de condamner solidairement M.H..., la société Oka, la M.A.F. en sa qualité d'assureur de ceux-ci, la société AG2E, la société Josse Energie et son assureur la société Axa France IARD, sur le fondement de la garantie décennale ou à défaut de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 4 849 euros TTC actualisée selon les modalités ci-dessus, en réparation des désordres affectant la ventilation ;

5°) de condamner solidairement la société Oka et la M.A.F. en sa qualité d'assureur de celle-ci et la société Josse Energie et son assureur la société Axa France IARD, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 17 481 euros TTC actualisée selon les modalités ci-dessus, en réparation des désordres liés à la puissance de chauffage ;

6°) de condamner la société A2F Menuiseries et son assureur la société MAAF, sur le fondement de la garantie décennale ou à défaut de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 1 800 euros TTC, actualisée selon les modalités ci-dessus, en réparation des désordres affectant la porte coupe-feu du local TGBT ;

7°) de condamner solidairement M.H..., la société Oka, la M.A.F. en sa qualité d'assureur de M.H..., la société A2F Menuiseries et son assureur la société MAAF, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 23 442,65 euros TTC au titre des travaux de reprise de la salle de motricité, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BTOl entre la date de rapport de M.I..., soit le2 décembre 2014, et la date du jugement ;

8°) de condamner solidairement l'ensemble des sociétés, la société Oka, la société A2F Menuiserie, la société MAAF en sa qualité d'assureur d'A2F Menuiserie, la société Roux, la société Allianz IARD en sa qualité d'assureur d'AG2E, de la société Roux et de la société Savelys, la société MMA en sa qualité d'assureur de la société Comiso, la société AG2E, la société Josse Energie, la société Axa France IARD, la société Savelys, M. K...H..., la M.A.F. en sa qualité d'assureur de la société Oka et de M. H...et la société Axa en sa qualité d'assureur de la société Savelys, sur le fondement de la garantie décennale ou de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 50 090,03 euros TTC au titre du préjudice lié à la surconsommation d'énergie assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction du recours et une somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

9°) de condamner solidairement l'ensemble des sociétés, la société Oka, la société A2F Menuiserie et son assureur la société MAAF, la société Roux, la société Allianz IARD en sa qualité d'assureur d'AG2E et de la société Savelys, la société MMA en sa qualité d'assureur de la société Comiso, la société AG2E, la société Josse Energie, la société Axa France IARD, la société Savelys, M. K...H..., la M.A.F. en sa qualité d'assureur de la société Oka et de M. H...et la société Axa en sa qualité d'assureur de la société Savelys à lui verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

10°) de les condamner solidairement aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'expert de M. I...pour un montant de 2 326,22 euros TTC et de M. F...pour un montant de 17 736,08 euros TTC.

Par un jugement n° 1409690 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande et mis à sa charge définitive les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 17 707,28 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2017, et un courrier, enregistré le 5 septembre 2017, la commune de Louresse Rochemenier, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 ;

2°) de condamner la société Roux à lui verser les sommes de 11 559, 60 euros TTC au titre de l'isolation des murs et de la faïence et 2 496 euros TTC au titre des plafonds qui seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BTO1 entre la date du rapport de M.F..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

3°) de condamner solidairement la Société A2F Menuiseries, la société OKA à lui verser la somme de 114 000 euros € TTC qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du rapport de M.F..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

4°) de condamner solidairement M. H...et la société OKA à lui verser la somme de 4 849 euros TTC qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du rapport de M.F..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

5°) de condamner solidairement M. H...et la société OKA à lui verser la somme de 17 781 euros TTC qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du rapport de M.F..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

6°) de condamner solidairement Monsieur H...et la société OKA à lui verser la somme de 27 600 euros TTC qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BTO 1 entre la date du rapport de MonsieurF..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

7°) de condamner solidairement la société A2F Menuiseries Energie, M. H...et la société OKA à lui verser la somme de 1 800 euros TTC correspondant au remplacement à l'identique de la porte coupe-feu du local TGBT qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du rapport de MonsieurF..., soit le 31 mars 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

8°) de condamner solidairement M.H..., la société OKA, la Société A2F Menuiserie à lui verser la somme de 23 442,65 euros TTC correspondant aux travaux de reprise de la salle de motricité qui sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du rapport de M.I..., soit le 2 décembre 2014, et la date de la décision définitive à intervenir ;

9°) de condamner solidairement la société OKA, la société A2F Menuiserie, la société Roux, la société CGST - Save Savelys, M. H...à lui verser la somme de 50 090,03 euros TTC au titre du préjudice lié à la surconsommation d'énergie outre intérêts au taux légal à compter de la date de la requête présentée au juge administratif avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année, la somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance, la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, à savoir les frais d'experts de M. I...pour un montant de 2 326,22 euros TTC et de M. F...pour un montant de 17 736,08 euros TTC.

Elle soutient que :

- l'ensemble des désordres d'ordre thermique entrent dans le champ de la responsabilité décennale en ce qu'ils rendent l'école impropre à sa destination voire, selon les désordres, sont susceptibles d'engager la responsabilité contractuelle des constructeurs ou de l'entreprise de maintenance, et entraînent des préjudices au titre des travaux de reprise à hauteur de 2 379,60 euros TTC s'agissant de l'isolation des murs extérieurs, 2 496 euros TTC s'agissant de l'isolation des plafonds, 114 000 euros TTC s'agissant des menuiseries extérieures, 27 600 euros TIC s'agissant de la ventilation, 4 849 euros TTC s'agissant de la puissance de chauffage installée et 17 981,80 euros TTC s'agissant des réseaux de chauffage ;

- les désordres affectant la porte métallique du local TGBT sont de nature décennale ; la responsabilité de la société Oka et de M. H...est engagée ; le montant des travaux de reprise s'élève à 1 800 euros TTC ;

- les doublages de cloison en faïence ont été mal exécutés ; la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur qui les a posés est engagée ; la réparation de ce désordre s'élève à 9 180 euros TTC ;

- les désordres affectant le sol de la salle de motricité la rendent impropre à sa destination et entraîne un préjudice indemnisable de 23 442,65 euros TTC au titre des travaux de reprise;

- la mauvaise réalisation des travaux et l'absence de finition de ceux-ci ont entraîné depuis sept ans une surconsommation énergétique dont le préjudice s'élève à 50 090,03 euros TTC ;

- elle a subi un préjudice de jouissance, les lieux ayant été source de gêne depuis plusieurs années et la réalisation future de travaux allant entraîner inévitablement une nouvelle gêne, préjudice qu'elle évalue à 20 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 octobre 2017 et le 26 avril 2018, la société ENGIE Home Services, anciennement dénommée Savelys, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire :

- au rejet des demandes de condamnations solidaires présentées par la commune de Louresse Rochemenier ;

- à la limitation de sa responsabilité à 2 % des préjudices subis par la commune de Louresse Rochemenier ;

- par la voie de l'appel incident, à ce que soit prononcé un partage de responsabilité entre elle à hauteur de 25 % et la commune de Louresse Rochemenier à hauteur de 75 % ;

3°) en toute hypothèse et, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la société Oka, la société AF Menuiserie, la société Roux et la société AG2E à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Louresse-Rochemenier ou de toute autre partie succombante une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Louresse Rochemenier ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2018, la société A2F Menuiserie, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Louresse Rochemenier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Louresse Rochemenier ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, la société OKA et M. K...H..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Louresse Rochemenier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Louresse Rochemenier ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 12 juin 2018, la société Axa France Iard, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Louresse Rochemenier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de MeJ..., représentant la société Axa France Iard.

1. Considérant que la commune de Louresse-Rochemenier a entrepris en 2005 la construction d'une école maternelle et primaire ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée par contrat du 9 juin 2004 à M. K...H..., architecte, auquel s'est substitué le cabinet d'architecture Oka à compter du 1er avril 2006 ; que les travaux de construction, d'un montant total de 610 000 euros HT, ont été divisés en quatorze lots ; que parmi ceux-ci, les lots n° 5 " menuiseries extérieures verrières " et 6 " menuiseries intérieures " ont été attribués par acte d'engagement du 4 mai 2005 à M. A...G..., dont l'entreprise a ensuite été rachetée par la société A2F Menuiserie le 1er avril 2011, le lot n° 7 " cloisons sèches - plafond " à la société Roux par acte d'engagement du 6 mai 2005, le lot n° 11 " électricité VMC " à la société AG2E par acte d'engagement du 3 mai 2005 et les lots n° 12 " plomberie sanitaire " et 13 " chauffage fuel " à la société Josse Energie, depuis lors radiée du registre du commerce et des sociétés, par acte d'engagement du 3 mai 2005 ; que les travaux relatifs à ces lots ont été exécutés à compter de l'année 2005 ; qu'il est constant qu'ils ont été réceptionnés avec date d'effet le 25 octobre 2006, sans réserve pour les lots n° 7 et 11 et avec réserves levées par la suite pour les lots n° 5, 6, 8, 12 et 13 ; que le rapport de contrôle technique de fin de travaux établi par la société Norisko Construction le 20 août 2007 n'a fait état d'aucun avis défavorable ; que, suite à la réception des ouvrages, la société Savelys s'est vue confier le 5 mars 2008 par contrat à forfait 1'entretien et la maintenance de la chaufferie ; que, par la suite, un rapport d'analyse et deux rapports de thermographie établis par une société spécialisée selon des relevés effectués les 6 et 9 janvier 2010 ont révélé des défauts importants d'isolation avec des variations conséquentes de températures entre les différentes pièces de l'école, confirmées par constat d'huissier en décembre 2010 ; qu'un rapport d'une expertise diligentée à la demande de la commune établi le 18 avril 2011 a conclu à 1'existence de différents désordres affectant les menuiseries, la porte métallique d'accès au local TGBT, les faux-plafonds, l'isolation, la charpente, les faïences et le chauffage ; que la commune de Louresse Rochemenier a alors saisi le juge des référés du tribunal d'une demande de référé expertise ; que l'expert judiciaire mandaté a déposé son rapport le 31 mars 2014 ; que se prévalant de ce rapport, la commune de Louresse Rochemenier a demandé au tribunal à être indemnisée par les constructeurs des différents désordres précités à hauteur d'une somme globale de 175 628,25 euros TTC, du préjudice subi du fait de la surconsommation énergétique pour un montant de 50 090,03 euros TTC et du préjudice de jouissance subi à hauteur de 20 000 euros ; que la commune de Louresse Rochemenier relève appel du jugement du 1er mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur l'intervention de la société Axa France Iard :

2. Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que l'assureur d'un constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature ; que, dans ces conditions, l'arrêt à rendre sur la requête de la commune de Louresse-Rochemenier n'est pas susceptible de préjudicier aux droits de la société Axa France Iard ; que, dès lors, son intervention n'est pas recevable ;

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

3. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ; qu'en ce qui concerne les ouvrages ou parties d'ouvrages ayant fait l'objet d'une réception sans réserve ou de réserves finalement levées, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

En ce qui concerne les désordres thermiques :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Louresse Rochemenier a constaté, dès les premières années d'ouverture de son école, des dysfonctionnements dans le système de chauffage et des malfaçons dans les ouvrages d'isolation et de ventilation, conduisant à des défaillances importantes dans les températures intérieures de l'établissement ; qu'ainsi deux relevés de températures effectués par constats d'huissier les 30 novembre et 1er décembre 2010 ont mis en évidence de grandes disparités de températures entre les salles de classes et les pièces de l'établissement, notamment l'infirmerie, la salle informatique, la bibliothèque, le restaurant et la cuisine scolaire, le local d'entretien, les réserves, la salle de motricité et le bureau de direction, les températures oscillant en intérieur entre 2 et 24 degrés ; que le rapport d'analyse de thermographie rendu en 2010 par une société spécialisée a mis en avant les principaux défauts thermiques constatés au sein de l'école, à savoir des menuiseries chaudes, un pont thermique de tous les bâtiments au niveau des dalles de sol, des manques d'homogénéité d'isolation sur les murs, particulièrement aux raccords des différents bâtiments et sur les toitures ; que l'expertise judiciaire menée en 2014 confirme l'existence de ces désordres ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne le défaut d'isolation des murs extérieurs, les systèmes de parement, qui ont été mis en place par la société Roux, même s'ils s'écartent un peu des performances des doublages isolants prévus par les clauses contractuelles, sont conformes aux prescriptions réglementaires des valeurs cibles et n'ont pas eu d'incidence sur le bilan thermique du bâtiment ; que si parfois les cloisons de doublage ne comportent que des parements en placo sans isolant, ce désordre très localisé ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination, alors même que la commune aurait été dans l'obligation d'acquérir deux chauffages d'appoint pour y remédier ; que s'agissant de l'isolation des plafonds, alors que celle-ci devait être réalisée par deux couches de laine de roche pour une résistance thermique de 4.7, il résulte de l'instruction que l'ouvrage mis en oeuvre a été effectué en une seule couche dotée d'une résistance thermique équivalente, qui comporte de nombreux petits défauts de mise en place en ce qu'il manque des isolants aux droits des murs extérieurs, y compris sur la trémie du lanterneau ; que, toutefois, les performances thermiques sont conformes aux dispositions contractuelles dont il n'est pas établi qu'elles seraient insuffisantes ; qu'il en résulte que l'absence d'isolant sur certaines parties des plafonds à la liaison avec les murs extérieurs constitue un désordre très localisé qui ne comporte pas d'élément pouvant limiter la destination de 1'ouvrage ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des menuiseries extérieures, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n°° 5 prévoit, dans son article 5.2., la mise en oeuvre de menuiseries aluminium comportant des volumes vitrés comportant une glace SP 10 feuilletée avec retardateur d'effraction, un espace d'air de 16 mm et une glace SP 15 en face extérieure feuilletée avec retardateur d'effraction ; qu'il est constant que le marché et le devis de l'entrepriseG..., alors en charge des travaux, prévoient la fourniture et pose de volumes vitrés d'une autre sorte ; que ni le maitre d'oeuvre, ni le maitre d'ouvrage, pourtant avertis, n'ont formellement contesté la proposition de l'entreprise ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que, contrairement à ce qu'a estimé l'expert judiciaire, les ouvrages mis en oeuvre sont conformes aux dispositifs réglementaires thermiques ; qu'au surplus les marchés relatifs aux lots n° 5 et 6 ont été conclus entre la commune et M. G...le 4 avril 2005 et les travaux réceptionnés le 25 octobre 2006 par la commune avec des réserves ne portant pas sur les désordres litigieux ; que la société A2F Menuiserie, dont la commune recherche la responsabilité au titre de ces ouvrages, n'a pas directement participé aux opérations de travaux ni n'en a assuré la réception ; qu'il résulte des termes de l'acte de vente du 1er avril 2011 que la société A2F Menuiserie ne s'est engagée au titre des travaux confiés à l'entreprise G...et achevés au moment de sa conclusion, qu'à assumer les garanties, malfaçons et litiges, relatifs aux chantiers terminés au jour de la cession et depuis moins de douze mois ; qu'ainsi les travaux en cause, réceptionnés le 25 octobre 2006, ne sont pas au nombre de ceux que la société A2F menuiseries s'était engagée à garantir à la place de l'entreprise G...; que, dans ces conditions, ni la responsabilité décennale de la société A2F Menuiserie, ni celles des maitres d'oeuvre ne peuvent être engagées à raison de la pose des menuiseries extérieures ;

7. Considérant, en troisième lieu, s'agissant du système de chauffage, que l'expert a relevé une puissance insuffisante du système et des anomalies dans les réseaux et organes de distribution se traduisant notamment par une surchauffe du local de réserve et des vestiaires due à un calepinage inadapté des canalisations en dallage, à un mauvais positionnement des organes permettant la purge et l'entretien, à un défaut de calorifugeage en chaufferie sur des tubes allers et retours vers les réseaux enterrés ; que toutefois il résulte de l'instruction que le désembouage des réseaux de chauffage et l'équilibrage et le remplacement des organes de réglage en cours d'expertise ont permis d'observer des températures proches des valeurs conventionnelles ; qu'il résulte de l'instruction que ces dommages ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, dès lors qu'ils sont imputables à un simple défaut d'entretien de la part de la commune de Louresse Rochemenier ; qu'à cet égard, et en tout état de cause, si la commune demande que la société Savelys, aujourd'hui dénommée ENGIE Home Services, soit condamnée sur le fondement de la garantie décennale, il résulte de l'instruction que cette société n'est pas intervenue en qualité de constructeur mais en qualité de société en charge de la maintenance de la chaufferie de l'école ;

8. Considérant, toutefois et en quatrième lieu, que s'agissant de la ventilation, l'expert a constaté une insuffisance du volume d'entrée d'air neuf dans les menuiseries, une non-conformité de l'entrée d'air au niveau de la cuisine, l'air neuf provenant des pièces connexes et une extraction trop importante d'air dans la salle de motricité ; que ces désordres, qui engendrent une surconsommation d'énergie et favorisent les ponts thermiques, ont pour cause le caractère incomplet, succinct, des prescriptions contractuelles relatives à la VMC et leur contradiction avec les exigences du dispositif technique réglementaire en vigueur, l'absence de coordination entre l'étude thermique du bâtiment, qui aurait du être effectué par le titulaire du lot n° 15 " chauffage ", l'entreprise Josse aujourd'hui radiée du registre du commerce et des sociétés, et les besoins en renouvellement d'air, que ne pouvait ignorer la société AG2E, titulaire du lot VMC ; que ces désordres, qui affectent notamment la cuisine et la salle de motricité, sont de nature à rendre l'école impropre à sa destination ; que ces désordres sont imputables pour partie à M.H..., dès lors qu'il n'a pas assuré la part de sa mission de direction de l'exécution des travaux " DET " sur les documents d'exécution d'entreprises, à la société OKA qui en fin de mission d'assistance aux opérations de réception (AOR) et en direction de travaux, n'a pas exigé la réalisation d'essais de la VMC avant la réception, à la société Josse qui n'a pas assuré la coordination des études nécessaires entre son lot " chauffage " et le lot " VMC " alors qu'elle y était tenue et à la société AG2E titulaire du lot VMC, qui en tant que professionnelle aurait dû souligner le caractère succinct du CCTP concernant la ventilation mécanique, et effectuer en coordination avec le lot chauffage une étude qui n'aurait pas manqué de mettre en évidence l'anomalie du traitement aéraulique des locaux de la cuisine et de la salle d'animation ; que la société AG2E ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés le 7 décembre 2015 et ne pouvant en conséquence plus être condamnée du fait de la perte de sa personnalité morale, la commune de Louresse-Rochemenier s'est désistée de ses conclusions la visant par un courrier du 5 septembre 2017 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 8 que la commune est seulement fondée à demander la mise en oeuvre de la responsabilité décennale des constructeurs que sont M. H...et la société OKA pour la réparation des désordres thermiques causés par la réalisation du lot n°11 " VMC " ; qu'il n'est pas contesté que le montant des travaux de réparation de ces désordres s'élève à la somme de 27 600 euros TTC ; que compte tenu des manquements décrits au point 8, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de M. H...et de la société OKA la somme de 27 600 euros ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il est constant que les travaux en cause ont été réceptionnés sans réserve ou lorsqu'il y en avait que les réserves ont levées, ce qui a mis fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les différents participants à ces travaux ; que la commune de Louresse Rochemenier n'est donc pas fondée à rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des constructeurs pour ce type de désordres ;

En ce qui concerne les autres désordres :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport déposé par l'expert, que les deux faces de l'ouvrant de la porte métallique du local TGBT sont trouées sous l'effet de l'oxydation et que la fonction de coupe-feu de la porte n'est plus assurée du fait des altérations des parements en tôle ; que, par suite, cet ouvrage est impropre à sa destination ; que toutefois si ce désordre est, par suite, au nombre de ceux qui peuvent engager la responsabilité des constructeurs en vertu des principes qui régissent la garantie décennale, il résulte de ce qui a été énoncé au point 6 que la responsabilité décennale de la société A2F Menuiserie ne peut être engagée pour la réparation de ce dommage ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne la faïence et le sol de la salle de motricité, pour lesquels l'expert a constaté des décollements, ces dommages qui sont esthétiques ne sont pas de nature à compromettre la solidité des ouvrages ou à les rendre impropres à leur destination ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été énoncé au point 1, il est constant que les travaux en cause ont été réceptionnés sans réserve ou lorsqu'il y en avait que les réserves ont levées, ce qui a mis fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les différents participants à ces travaux ; que la commune de Louresse Rochemenier n'est donc pas fondée à rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des constructeurs pour ce type de désordres ;

Sur la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre :

14. Considérant que la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils s'est abstenu d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 7, que si des anomalies ont été relevées au cours de l'expertise sur la puissance du système de chauffage de l'établissement scolaire, c'est un défaut d'entretien du réseau imputable à la maitrise d'ouvrage qui est à l'origine principale des désordres affectant cet élément ; que s'agissant des menuiseries extérieures, si la société Oka avait à sa charge la mission relative à 1'assistance apportée au maître d'ouvrage lors des opérations de réception et une partie de la mission liée à la direction de l'exécution des contrats de travaux, la commune de Louresse Rochemenier a été informée de la mise en oeuvre des changements par M.G..., titulaire des lots menuiseries, et a réceptionné les travaux sans réserve à ce titre le 25 octobre 2006 ; que celui-ci a informé la société Norisko, contrôleur technique, de ces changements, ce dernier ayant attiré l'attention du maître d'ouvrage sur ce point le 27 février 2006 ; que le 17 juillet 2006, la société Norisko a émis un avis favorable s'agissant des menuiseries ; qu'il est établi que la commune a été informée des modifications sans les contester et qu'elle a signé les actes d'engagement auxquels étaient annexés les devis mentionnant les menuiseries litigieuses, le montant du devis étant identique à celui figurant sur l'acte d'engagement ; qu'enfin, la légère dégradation du plan de collage du revêtement PVC dans la salle de motricité ne peut être imputée à un problème d'infiltration sur lequel les maitres d'oeuvre auraient dû attirer l'attention de la commune de Louresse Rochemenier ; qu'il en résulte que M. H...et la société OKA n'ont commis aucune faute pour défaut de conseil lors de la réception de l'ouvrage de nature à engager leur responsabilité contractuelle ;

Sur les autres demandes d'indemnisation :

16. Considérant, d'une part, que la commune de Louresse Rochemenier fait valoir qu'en raison du mauvais système de fonctionnement de chauffage et de la mauvaise isolation thermique elle a le droit d'être indemnisée du surcoût de consommation d'énergie, qu'elle estime à la somme de 49 930,03 euros, à laquelle elle ajoute le prix d'achat des deux radiateurs électriques d'appoint ; que, toutefois, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros compte tenu de la part de ce dysfonctionnement imputable au mauvais entretien du système de chauffage ;

17. Considérant, d'autre part, que la commune de Louresse Rochemenier n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct lié à l'occupation de l'école ;

Sur la demande d'indexation :

18. Considérant que si la commune de Louresse Rochemenier demande l'indexation des sommes allouées sur l'indice BT01 du coût de la construction, l'évaluation des dommages subis doit être faite à la date à laquelle, leur cause ayant été déterminée et leur étendue prévisible étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier et à les réparer ; qu'en l'espèce, cette date est celle du 31 mars 2014, à laquelle l'expert a déposé son rapport, lequel définit avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; que la commune de Louresse Rochemenier ne justifie ni même n'allègue s'être trouvée dans l'impossibilité technique ou financière de faire effectuer les travaux à cette période ; que sa demande d'actualisation ne peut donc être accueillie ;

Sur les intérêts :

19. Considérant que la commune de Louresse Rochemenier a droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 32 600 euros à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes, soit le 19 novembre 2014 ; que ces intérêts seront capitalisés à compter de l'expiration d'un délai d'un an à compter de cette date et à chaque échéance annuelle suivante ;

Sur les frais d'expertise :

20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 17 707,28 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 13 février 2015 à hauteur de 50 % à la charge de la commune de Louresse-Rochemenier et à hauteur de 50 % à la charge solidaire de M. H...et de la société OKA ; que la commune de Louresse-Rochemenier ne peut prétendre au remboursement des frais relatifs à l'expertise qui n'a pas été ordonnée par le tribunal administratif de Nantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Axa France Iard n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 1er mars 2017 est annulé.

Article 3 : M. H...et la société OKA sont condamnés solidairement à verser la somme de 32 600 euros à la commune de Louresse Rochemenier. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à l'expiration d'un délai d'un an à compter de cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.

Article 4 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 17 707,28 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 13 février 2015 sont mis à la charge définitive de la commune de Louresse-Rochemenier à hauteur de 8 853,64 euros et de M. H...et la société OKA à hauteur de 8 853,64 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Louresse Rochemenier et celles présentées par la société ENGIE Home Services, la société A2F Menuiserie, la société OKA et M. K...H...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Louresse Rochemenier, à la société OKA, à M. H..., à la société A2F Menuiserie, à la société Roux, à la Société ENGIE Home Services et à la société Axa France Iard.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01503
Date de la décision : 06/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP DELAGE BEDON ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-06;17nt01503 ?
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