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02/07/2018 | FRANCE | N°16NT02685

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 02 juillet 2018, 16NT02685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler :

1 - la décision n° 2014-2 du 2 janvier 2014 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat du Mans, " Le Mans Habitat ", lui a attribué, à compter du 11 avril 2011, un régime indemnitaire comprenant une indemnité spécifique de service du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 840,23 euros et une prime de service et de rendement du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 153

,37 euros.

2 - la décision n° 2014-4 du 2 janvier 2014 par laquelle le directeu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler :

1 - la décision n° 2014-2 du 2 janvier 2014 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat du Mans, " Le Mans Habitat ", lui a attribué, à compter du 11 avril 2011, un régime indemnitaire comprenant une indemnité spécifique de service du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 840,23 euros et une prime de service et de rendement du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 153,37 euros.

2 - la décision n° 2014-4 du 2 janvier 2014 par laquelle le directeur général de l'office public de l'habitat du Mans lui a attribué, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, un régime indemnitaire comprenant une indemnité spécifique de service du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 844,53 euros et une prime de service et de rendement du grade d'ingénieur principal d'un montant brut mensuel de 153, 37 euros

Par un jugement n° 1402161, 1402162 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016, M.A..., représenté par Me Gabard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 ;

2°) d'annuler les décisions n° 2014-2 et n° 2014-4 du 2 janvier 2014 du directeur général de l'office public de l'habitat du Mans ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'office public de l'habitat du Mans de lui verser les sommes indûment non versées au regard du régime indemnitaire appliqué jusqu'au 31 décembre 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat du Mans la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les décisions attaquées ne méconnaissaient pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs :

* le champ des situations susceptible d'être concerné par la dérogation au principe de non-rétroactivité est nécessairement restreint et ne saurait comprendre l'hypothèse de la fixation, pour une période passée, d'un régime indemnitaire ;

* la responsabilité de l'établissement dans la situation dans laquelle elle a été conduite à prendre de nouvelles décisions fait obstacle à ce qu'elle se prévale de la nécessité de régulariser sa situation, ou d'assurer la continuité de sa carrière, pour s'affranchir du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

* le tribunal ne pouvait se fonder sur un cadre de référence des critères de modulation de son régime indemnitaire adopté en mars 2012, soit postérieurement aux dates d'effet des décisions en cause ;

- même si les décisions du 2 janvier 2014 ont pu valablement produire effet pour une période passée, elles sont illégales par exception d'illégalité de la délibération du 18 juin 2004 alors en vigueur, qui ne pouvait légalement fonder ces décisions ;

* la délibération du 18 juin 2004, modifiée le 30 mai 2008, ne fixait pas les critères de modulation du régime indemnitaire puisqu'elle renvoyait à l'adoption ultérieure d'un cadre de référence qui devait permettre aux chefs de service de déterminer les indemnités dues à chaque agent en fonction de leur situation individuelle, or ce cadre de référence a été défini par une délibération du 7 mars 2012 ;

* les décisions contestées sont irrégulières dans la mesure où elles ont procédé à un abattement du montant des indemnités prévues en application de la délibération du 18 juin 2004, alors que ladite délibération se bornait à prévoir que " des abattements pourront être appliqués en fonction des manquements à la qualité de service de l'agent ", sans préciser quels étaient les critères à retenir par les chefs de service pour procéder à la modulation ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les décisions contestées n'étaient pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

* au vu du cadre de référence fixée en mars 2012 sur lequel s'est appuyé l'office pour justifier la modulation effectuée, à supposer qu'il soit fondé à en faire application rétroactivement, sa manière de servir était insusceptible de conduire à ce qu'il soit opéré un abattement sur le taux maximal des indemnités qu'il aurait pu percevoir, car aux termes du cadre de référence, il est exigé que plus de la moitié des objectifs assignés à l'agent n'aient pas été atteint pour qu'un abattement de 30 % puisse être décidé par l'autorité hiérarchique ;

- les décisions du 2 janvier 2014 ont le caractère de sanctions déguisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2017, l'office public de l'habitat du Mans conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A...à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Gabard, avocat de M. A...et de Me Carrère, avocate de Le Mans Métropole Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ingénieur principal au sein de l'office public l'office public de l'habitat du Mans depuis le 17 mai 1982, exerçait les fonctions de responsable du service maintenance et relation clientèle et percevait à ce titre une indemnité spécifique de service et une prime de service et de rendement. Il a été nommé directeur du développement du patrimoine le 27 août 2010. Par une décision n° 2010-855 du 17 janvier 2011, la directrice générale de l'office a diminué l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement perçues par le requérant, en les fixant respectivement à 840,23 et 153,37 euros mensuels bruts pour deux mois à compter du 1er janvier 2011, puis a maintenu ce régime indemnitaire pour les 9 mois restants de l'année 2011 par une décision n° 2010-319 du 4 avril 2011. Le 31 décembre 2011, la directrice générale de l'office a pris une nouvelle décision n° 2011-923 portant attribution de primes à l'intéressé au titre de l'année 2012, à hauteur respectivement de 844,43 et 153,37 euros. Par deux décisions n° 2014-1 et n° 2014-3 du 2 janvier 2014, la directrice générale de l'office a retiré les décisions n° 2010-319 du 4 avril 2011 et n° 2011-923 du 31 décembre 2011. La directrice générale de l'office public a ensuite pris deux nouvelles décisions le même jour, une décision n° 2014-2 portant attribution à M. A..., pour la période du 11 avril au 31 décembre 2011, d'une indemnité spécifique de service d'un montant brut de 840,23 euros et d'une prime de service et de rendement d'un montant brut de 153,37 euros, et une décision n° 2014-4 portant attribution à l'intéressé au titre de l'année 2012 d'une indemnité spécifique de service d'un montant brut de 844,53 euros et d'une prime de service et de rendement d'un montant brut de 153,37 euros. Par sa présente requête, M. A... demande à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions n° 2014-2 et n° 2014-4 du 2 janvier 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions n° 2014-2 et 2014-4 du 2 janvier 2014 :

2. Si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, toutefois et s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration peut leur conférer une portée rétroactive dans les mesures nécessaires pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de leur situation. Cette exception au principe de non rétroactivité des actes administratifs est susceptible de concerner l'attribution d'un régime indemnitaire dans la mesure nécessaire à la régularisation de la situation de l'agent concerné.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision n° 2010-319 du 4 avril 2011 fixant le montant de l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement du requérant à compter du 1er mars 2011 a été retirée par la décision n° 2014-1 du 2 janvier 2014. La décision n° 2011-923 portant attribution desdites primes à l'intéressé au titre de l'année 2012 a, quant à elle, été retirée par la décision n° 2014-3 du 2 janvier 2014. Les décisions n° 2014-1 et n° 2014-3 n'ont pas été contestées par M. A... et sont devenues définitives. Dans ces conditions, dès lors que l'attribution du régime indemnitaire en cause impliquait une décision individuelle d'attribution pour chaque agent bénéficiaire, l'administration était tenue de prendre les décisions en litige pour procéder à la régularisation de la situation de M. A..., sans qu'y fasse obstacle l'éventuelle responsabilité de l'établissement dans l'illégalité des décisions retirées. En prenant les décisions n° 2014-2 et 2014-4 du 2 janvier 2014 en litige, la directrice générale de l'office public de l'habitat du Mans n'a, dès lors, pas méconnu le principe de non rétroactivité des actes administratifs.

4. En deuxième lieu, pour déterminer le régime indemnitaire du requérant, les décisions en cause se fondent sur une délibération du 7 mars 2012, postérieure aux dates d'effet des décisions contestées, modifiant une précédente délibération du 18 juin 2004, modifiée par une délibération du 30 mai 2008, établissant le principe d'un nouveau régime indemnitaire pour les agents titulaires et stagiaires et fixant le cadre de référence déterminant les critères d'allocation ou de modulation à la baisse du régime indemnitaire des agents. Il ressort des pièces du dossier que cette délibération du 7 mars 2012 est intervenue pour combler un vide juridique, laissé par la délibération du 18 juin 2004, caractérisé par l'absence de cadre de référence déterminant les critères d'allocation ou de modulation à la baisse du régime indemnitaire des agents. D'une part, la délibération du 7 mars 2012 ne comporte, en elle-même, aucune réduction du régime indemnitaire des agents de la collectivité. D'autre part, la délibération du 18 juin 2004 prévoyait expressément " qu'un cadre de référence déterminant les critères selon chaque catégorie sera établi ". Dans ces conditions, les agents de l'office ont été informés au préalable de l'effet rétroactif que comporterait ultérieurement l'établissement de ce cadre de référence, qui ne porte ainsi pas atteinte à leur sécurité juridique. Par suite, la délibération du 7 mars 2012 pouvait légalement revêtir un caractère rétroactif et servir de fondement aux décisions en litige n° 2014-2 et 2014-4 du 2 janvier 2014 du 2 janvier 2014.

5. En troisième lieu, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le cadre de référence adopté le 7 mars 2012 pour la détermination du régime indemnitaire des agents titulaires et stagiaires de l'office pouvait s'appliquer de manière rétroactive, à supposer même que la délibération du 18 juin 2004, modifiée le 30 mai 2008, ait été illégale faute de fixation des critères de modulation du régime indemnitaire en question, cette illégalité a été purgée par l'intervention de la délibération du 7 mars 2012. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 18 juin 2004 ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, les décisions attaquées, qui portent diminution du montant de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement allouées à l'intéressé pour la période du 11 avril au 31 décembre 2011 et au titre de l'année 2012 sont motivées par les circonstances que M. A...a, " par son attitude réitérée, [dont les diverses manifestations sont rappelées dans une note en date du 29 décembre 2010] manqué à sa manière de servir " et que " par différentes notes de service des 6 janvier, 14 mars, 24 juin, 11 juillet, 26 juillet, 27 juillet, 23 septembre, 11 octobre et 15 décembre 2011 adressées à M.A..., ainsi que lors de son entretien d'évaluation 2011 et de la réunion du comité de direction du 8 juillet 2011, plusieurs remarques ont été faites à cet agent sur sa manière de servir ". Il ressort des pièces du dossier que si M. A...a à plusieurs reprises alerté sa hiérarchie quant aux difficultés de fonctionnement de sa direction, les notations de l'intéressé au titre des années 2010 et 2011 sont critiques quant à sa manière de servir, faisant notamment état de ce que " les priorités doivent être données à la prise de décision (...) et au management y compris l'organisation ", pointant la nécessité de mettre en place un " coaching managérial ", ainsi que d'une " grande insatisfaction en terme de résultats " de la part de sa hiérarchie. L'évaluation 2011 relevant que : " Les objectifs 2011 ne sont pas atteints qualitativement, notamment en terme de fonctionnement de la direction de développement du patrimoine ". L'intéressé ne conteste pas que " les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes respectives, malgré un investissement personnel important " et que des " problèmes " ont été rencontrés. Il ressort également des pièces versées au dossier que M. A...n'a pas su conduire à bien le pilotage du plan stratégique de patrimoine (PSP), mission qui lui avait été assignée lors de sa désignation en tant que directeur en août 2010, et qu'il a rencontré de réelles difficultés dans le management de son équipe et dans son implication au sein de l'équipe de direction. Dans ces conditions, en se bornant à alléguer un " fort investissement dans le travail ", M. A...ne conteste pas utilement les éléments qui fondent la diminution de son indemnité.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que plus de la moitié des objectifs assignés à M. A...au titre des années 2011 et 2012 n'ont pas été atteints, notamment en terme de pilotage du plan stratégique de patrimoine de l'office, de management des équipes de la direction du développement du patrimoine et du fonctionnement général de la direction dont le requérant avait la charge. Ces manquements sont de nature à induire des répercussions fortes sur les dimensions financières, juridiques et la notoriété de l'office. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la directrice générale de l'office aurait méconnu le cadre de référence fixé par la délibération du 7 mars 2012 pour moduler à la baisse le régime indemnitaire octroyé à l'intéressé pour la période du 11 avril au 31 décembre 2011 et au titre de l'année 2012 et que les décisions en litige seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En sixième et dernier lieu, si M. A...soutient que l'abaissement de ses primes constitue une sanction déguisée infligée en raison des tensions apparues depuis la nomination d'une nouvelle directrice générale, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions visées ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'office public de l'habitat du Mans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais de procédure. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'office public de l'habitat du Mans la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A...et à l'office public de l'habitat Le Mans Métropole Habitat.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, où siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT02685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02685
Date de la décision : 02/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : GABARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-02;16nt02685 ?
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