Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 56 221,64 euros, avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité, d'une part, de la décision du 20 mars 2007 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour ainsi que de la décision rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision, et, d'autre part, de la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour du 24 avril 2013.
Par un jugement n° 1508932 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2017 et 26 mai 2018, M.B..., représentée par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision implicite de refus est illégale dès lors qu'elle méconnaît les 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et lui ouvrant droit à la réparation intégrale des préjudices directs et certains en résultant ;
- il a droit au versement de la somme de 42 721, 64 euros au titre de son préjudice matériel du fait de l'impossibilité de percevoir le revenu de solidarité active entre le mois de mars 2007, date à la laquelle un refus de titre lui a été opposé, et 2015, date à laquelle un titre lui a finalement été délivré, de la somme de 3 500 euros au titre de sa perte de chance d'avoir pu occuper un emploi et de la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral du fait du stress et de l'angoisse résultant du refus alors qu'il est père de deux enfants français nés en 1998 et en 2001.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se reproduit se borne à reproduire intégralement et exclusivement sa demande et son mémoire complémentaire de première instance et ne satisfait pas ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une décision du 29 novembre 2017, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle ;
- et les observations de MeE..., représentant la préfète de la Loire-Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant marocain né en 1974, est entré en France en 1994 au titre du regroupement familial et a bénéficié d'une carte de résident de dix ans valable du 30 août 1994 au 29 août 2004. Sa demande de renouvellement a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission du titre de séjour le 15 novembre 2006 et a été rejetée par une décision du 20 mars 2007 du préfet de la Loire-Atlantique, confirmée implicitement sur recours hiérarchique. Il a alors présenté une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission du titre de séjour le 14 décembre 2011 suivie d'une décision implicite de rejet du préfet. Il a réitéré sa demande le 24 avril 2013, laquelle a fait également l'objet d'une décision implicite de rejet. M. B...en a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 8 avril 2015, a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation en raison de la délivrance d'un titre de séjour par le préfet de la Loire-Atlantique le 5 février 2015, en cours d'instance. A sa suite, M. B...a adressé au préfet une demande tendant au versement d'une somme globale de 56 221,64 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait du refus de lui délivrer un titre de séjour, laquelle a été implicitement rejetée. Il relève appel du jugement du 14 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 20 mars 2007 ainsi que du rejet de son recours hiérarchique contre cette décision, d'une part, et de la décision implicite de rejet de sa demande du 24 avril 2013, d'autre part.
2. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
3. En premier lieu, il ressort de la décision du 20 mars 2007 et des écritures de la préfète de la Loire-Atlantique s'agissant de la décision implicite née en 2013, que les refus opposés sont fondés sur la menace à l'ordre public que représentait M. B...conformément, d'ailleurs, aux deux avis de la commission du titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du 10 janvier 2013 fait par l'unité judiciaire de la police aux frontières de la Loire-Atlantique au préfet, et il n'est pas contesté, que le requérant s'est rendu coupable, en tant qu'auteur ou complice, entre juillet 1995 et octobre 2012, des infractions, parfois réitérées, consistant notamment en des vols avec violence ou en réunion, port d'armes prohibé, usage illicite ou offre de stupéfiants, vol avec destruction ou dégradation, recel de biens provenant d'un vol, violence sur personne dépositaire de l'autorité publique ou menace d'atteinte aux personnes. Il a fait l'objet de dix-sept condamnations pénales prononcées par le tribunal correctionnel de Nantes entre 1995 et 2011 et incarcéré pendant une durée de plus de sept ans au total, sa dernière période d'incarcération prenant fin le 27 novembre 2011. Compte tenu de la nature et du caractère répété des infractions, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que M. B...constituait une menace pour l'ordre public et refusé pour ce motif de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, si, à la date des décisions concernées, M. B...était présent depuis environ treize et dix-neuf ans en France où réside régulièrement une grande partie de sa famille, et s'il est père de deux enfants français nés en 1998 et 2001, le préfet, compte tenu des conditions de son séjour en France telles qu'évoquées au point 3, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En dernier lieu, si M. B...est père de deux enfants français ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'apporte aucun élément de nature à justifier l'existence de liens effectifs qu'il aurait entretenus avec ces derniers à la date des décisions concernées par-delà la mention d'un droit de visite, y compris pendant ses périodes d'incarcération. Il résulte au contraire du rapport du 10 janvier 2013 évoqué au point 3 que, selon son ancienne compagne, il " ne participait aucunement à la contribution et à l'éducation " des enfants et que " lorsque qu'il les prenait en charge une à deux fois par mois (...), il était souvent alcoolisé ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'une ou l'autre des décisions a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant en méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Il suit de là que le préfet de la Loire-Atlantique, en rejetant les demandes de délivrance d'un titre de séjour présentées par M.B..., n'a pas commis d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 juin 2018.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
J.-E. Geffray
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 17NT03919