Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Jean-Paul Gautier a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle, au titre de l'année 2009, et de cotisation foncière des entreprises, au titre des années 2010 à 2012, auxquelles elle a été assujettie pour un montant total de 65 022 euros.
Elle a également demandé au même tribunal la décharge, en droits, des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 pour un montant total de 18 162 euros.
Par un jugement n° 1308476-1404059 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai 2016 et 13 mars 2017, la SAS Jean-Paul Gautier, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- selon le n° 40 du BOI-IF-TFB-20-10-50-10, c'est à titre tout à fait exceptionnel que les établissements exploités par des artisans ou prestataires de services imposables à la cotisation foncière des entreprises comme les menuisiers pourront être reconnus comme industriels dès lors que les intéressés n'utilisent généralement qu'un matériel peu important ;
- pour déterminer si un établissement est industriel afin de fixer sa valeur locative selon la méthode comptable, la jurisprudence retient deux critères cumulatifs tenant, le premier, à l'importance des installations techniques, matériels et outillages et, le second, à leur rôle prépondérant pour les besoins de l'activité ;
- elle n'exploite pas un établissement industriel dès lors que son matériel technique n'est ni prépondérant, ni important au regard de la jurisprudence, et notamment du jugement n° 075534 du 19 mars 2009 du tribunal administratif de Nantes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre 2016 et 25 octobre 2017, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Jean-Paul Gautier, qui dispose d'un site de production situé aux Clouzeaux (Vendée) et d'un magasin situé à La Roche-sur-Yon (Vendée), exerce les activités de fabrication, d'achat-revente et de pose de menuiseries en bois et PVC, de serrurerie, de charpente ainsi que d'aménagements et d'agencements. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2012 pour la période allant du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration a estimé que l'établissement des Clouzeaux constituait non un local commercial mais un établissement industriel dans sa partie dédiée à la fabrication et dont la valeur locative devait être appréciée non plus selon la méthode dite par comparaison à compter des impositions dues au titre de l'année 2009 mais selon la méthode dite comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts. De ce fait, par une proposition de rectification notifiée selon la procédure contradictoire, le service a modifié la valeur locative et a procédé à des rehaussements de taxe professionnelle, au titre de l'année 2009, et de cotisation foncière des entreprises, au titre des années 2010 à 2013. La SAS Jean-Paul Gautier relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes, qu'il a jointes, tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations supplémentaires pour un montant total de 65 022 euros au titre des années 2009 à 2012, d'une part, et un montant de 18 162 euros au titre de l'année 2013, d'autre part.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. En vertu des 1° et 2° de l'article 1467 du code général des impôts en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 et applicable au titre de l'année 2009, la taxe professionnelle prévue à l'article 1447 du même code a pour base, dans le cas des contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires, les fiduciaires pour l'accomplissement de leur mission et les intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et non soumis à l'impôt sur les sociétés, la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle. Selon le 1° de l'article 1469 du même code, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009, pour les biens passibles d'une taxe foncière, la valeur locative est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. En vertu de l'article 1467 de ce code, dans sa rédaction applicable à partir du 1er janvier 2010, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France sauf exception, laquelle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession, à l'article 1498 pour tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et, enfin, à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Le premier alinéa de cet article 1499 dispose que : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. ". Revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
3. D'une part, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la SAS Jean-Paul Gautier réalise une activité de transformation de matières premières, notamment par découpe et assemblage, et de fabrication de menuiseries, mobiliers et agencements tels que des escaliers ou des huisseries. Elle exerce de ce fait une activité de fabrication de biens corporels mobiliers au regard de l'article 1499 du code général des impôts. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 2, qu'elle ne peut pas, en tout état de cause, soutenir que le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre ne revêt pas un caractère prépondérant.
4. D'autre part, l'administration a évalué l'ensemble des moyens techniques utilisés par la SAS Jean-Paul Gautier pour son activité de fabrication à la somme de 244 371 euros au cours de l'exercice 2010, dernier vérifié. Ce chiffre comprend 181 967 euros pour les principaux matériels tels que mentionnés en comptabilité au compte 21500 " Matériel et outillage industriel ", 6 494 euros pour la valeur de rachat en 1999 du matériel de l'ancien exploitant mentionné au même compte et 55 940 euros pour la " centrale d'aspiration " intégrée au bâtiment. L'ensemble correspond en outre, selon le service, à environ 45 % de la valeur totale des immobilisations. Il résulte de l'instruction que la SAS Jean-Paul Gautier exerce son activité de fabrication dans des bâtiments d'une superficie totale de 1 375 mètres carrés, dont 1 025 mètres carrés accueillant son atelier. Il résulte également de l'instruction, et notamment des photographies produites par la société elle-même, qu'elle utilise dans ce cadre des outillages spécifiques et notamment une corroyeuse, une dégauchisseuse, une entailleuse, une mortaiseuse à bédane, une mortaiseuse à chaîne, une perceuse multi-broches, une plaqueuse de chant, une ponceuse à bande, une ponceuse à large bande, une raboteuse, une scie à panneau mural verticale, une scie à ruban, une scie radiale, deux scies à format, une tenonneuse et une toupie. Le compte 21500 comptabilise notamment la " scie à panneaux Striebig " pour une valeur de 14 178 euros hors taxes, la " scie à format Altendrof " pour une valeur de 22 700 euros hors taxes ou la " tenonneuse à dérouleurs Sautereau " pour une valeur de 18 109 euros hors taxes. L'atelier est en outre équipé d'une centrale d'aspiration d'une valeur de 55 940 euros, laquelle, si elle ne participe pas directement à la fabrication, est techniquement indissociable de celle-ci. Compte tenu de la nature de cet outillage, et quand bien même la défonceuse, le chariot élévateur, le compresseur piston, la benne de 30 mètres cubes d'une valeur totale de 36 192 euros devraient être rattachés à l'activité d'achat-revente avec pose de la société, compte tenu des indications non contestées données par celle-ci, son activité de fabrication doit être regardée comme nécessitant d'importants moyens techniques, sans qu'il soit besoin en l'espèce d'apprécier leur prix de revient par rapport à l'ensemble des immobilisations affectées à celle-ci.
5. Il résulte des points 3 et 4 que le bâtiment de l'établissement des Clouzeaux de la SAS Jean-Paul Gautier accueillant son activité de fabrication doit être regardé, pour la détermination de sa valeur locative, comme étant un établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts. C'est donc à bon droit, au regard de la loi fiscale, que le service a mis en oeuvre la méthode comptable.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. La SAS Jean-Paul Gauthier fait état du paragraphe 40 de l'instruction publiée au BOI-IF-TFB-20-10-50-10 le 10 décembre 2012 qui énonce que : " D'une manière générale, ne présentent pas un caractère industriel les établissements exploités : / (...) / - (...) par des artisans ou prestataires de services imposables à la cotisation foncière des entreprises, dès lors que les intéressés n'utilisent généralement qu'un matériel peu important (mécaniciens-réparateurs, boulangers, pâtissiers, couvreurs, maçons, menuisiers, etc). / Ce n'est donc que dans des cas tout à fait exceptionnels que les établissements dont il s'agit pourront être considérés comme des établissements industriels. ". Toutefois, cette doctrine ne comporte aucune interprétation formelle de l'article 1499 différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. La SAS Jean-Paul Gauthier n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
7. Il résulte de tout ce que précède que la SAS Jean-Paul Gautier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que la SAS Jean-Paul Gautier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Jean-Paul Gautier est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Jean-Paul Gautier et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 juin 2018.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
J.-E. Geffray
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16NT016612