Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sofi-Ifs a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009.
Par un jugement no 14001716 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Caen a déchargé, en droits et pénalités, la société Sofi-Ifs des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009 (article 1er) et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).
Procédure devant la cour :
Par un recours et deux mémoires, enregistrés les 26 juillet 2016, 29 décembre 2017 et 16 mai 2018, le ministre chargé des finances demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la société Sofi-Ifs les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009, ainsi que les pénalités correspondantes.
Il soutient que :
- l'écart de prix entre le prix de cession des titres et leur valeur vénale, apprécié au regard des faits de l'espèce, est significatif même s'il n'atteint pas 20 % de la valeur vénale, dès lors qu'il relève d'une libéralité ; l'intention libérale se présume en cas de communauté d'intérêts ;
- le montant du rappel ne peut être déterminé que par référence à la méthode d'évaluation imposée par le mouvement Leclerc, appliquée aux dernières données connues avec certitude au moment de la cession, qui ne peuvent être que celles de l'exercice clos le 31 janvier 2007.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet 2017 et 4 mai 2018, la société Sofi-Ifs, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 mai 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 25 720 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, sous déduction de la prise en charge de 1 500 euros accordés par le tribunal administratif de Caen.
Elle fait valoir que :
- elle reprend ses écritures de première instance ;
- les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sofi-Ifs, créée le 15 octobre 2007 par M. D...A..., a acquis, le 31 janvier 2008, auprès de M. et Mme B...A..., 13 186 actions de la société Ifs Distribution qui exploite un hypermarché, au prix unitaire de 1 000 euros. A l'issue d'un contrôle sur pièces de la société Sofi-Ifs, l'administration a estimé que ce prix était inférieur à la valeur vénale réelle de ces titres et que M. et Mme B...A...avait consenti une libéralité à la société Sofi-Ifs. Elle a en conséquence rehaussé l'actif net de la société Sofi-Ifs au titre de l'exercice clos en 2009 en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 18 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a accordé à la société Sofi-Ifs la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009.
2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...) b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure où l'acquisition a été faite à titre gratuit. Ainsi, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration corrige à la hausse la valeur d'origine des titres acquis par la société Sofi-Ifs et augmente en conséquence son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés.
4. Il résulte également de l'ensemble de ces dispositions que lorsqu'une société acquiert une immobilisation pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour le vendeur d'octroyer, et, pour l'entreprise bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la vente. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a d'abord évalué la valeur vénale des titres de la société Ifs Distribution en pondérant la valeur patrimoniale (actif net y compris le fonds de commerce), la valeur de rentabilité (actualisation des bénéfices attendus), l'écart d'acquisition (excédent du bénéfice sur la rémunération des capitaux engagés), la valeur par marge brute d'autofinancement et la valeur de rendement (dividendes capitalisées), estimant qu'il n'y avait pas de transaction révélant un prix de marché. Toutefois, dans le cadre du recours hiérarchique initié le 17 novembre 2011, l'administration a pris en compte les contraintes imposées par l'appartenance de la société Ifs Distribution au mouvement E. Leclerc et a admis que la société Sofi-Ifs ne pouvait pas adopter une évaluation différente de la plus élevée des méthodes préconisées par ce mouvement, soit la méthode d'évaluation validée par l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec), soit celle validée par la Société Coopérative d'Approvisionnement Normande (centrale d'achat - SCA Normande). L'administration a ainsi calculé une valeur vénale définitive de l'action qui s'élève à 1 141 euros à partir des données de l'exercice clos le 31 décembre 2007 de la société Ifs Distribution.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la preuve d'une libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour le vendeur d'octroyer, et, pour l'entreprise bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la vente. La société Sofi-Ifs a acquis, le 31 janvier 2008, auprès de
M. et Mme B...A..., 13 186 actions de la société Ifs Distribution au prix unitaire de 1 000 euros. L'administration a évalué la valeur vénale définitive de l'action au prix unitaire de 1 141 euros. L'écart entre le prix convenu des titres et leur valeur vénale s'élève à 14,10 % du prix convenu. Par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que cet écart est significatif et elle ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'intention libérale des parties, même s'il existe une communauté d'intérêts unissant M. et Mme B...A...et le principal actionnaire de la société Sofi-Ifs, à savoir leur fils, M. D...A...et que cette cession permet à ce dernier de prendre le contrôle de la société Ifs-Distribution.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre chargé des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, à l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles la société Sofi-Ifs a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2009 et a, à l'article 2, mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre chargé des finances est rejeté.
Article 2 : L'État versera à la société Sofi-Ifs une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sofi-Ifs et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Phémolant, présidente de la Cour,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
B. Phémolant
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No16NT02416