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15/06/2018 | FRANCE | N°17NT02479

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 juin 2018, 17NT02479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 juin 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé l'Angola comme pays de destination ou tout pays pour lequel il établit être admissible.

Par un jugement n°1603285 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête enregistrée le 4 août 2017, M. B..., représenté par Me Greffard-Poisson, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 juin 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé l'Angola comme pays de destination ou tout pays pour lequel il établit être admissible.

Par un jugement n°1603285 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2017, M. B..., représenté par Me Greffard-Poisson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 janvier 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 20 juin 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Greffard-Poisson, d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L.311-12 et du 11° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, compte tenu de l'état de santé de son enfant, qui souffre de cécité et a besoin de soins en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant angolais, relève appel du jugement du 3 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2016, par lequel le préfet du Loiret lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...)".

3. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Le préfet du Loiret, qui s'est approprié l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé du Centre Val de Loire, a estimé que l'état de santé de l'enfant Moises Geovani nécessitait une prise en charge médicale, dont il pouvait toutefois bénéficier en Angola, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 4 mars 2016 précisant qu'il n'existait aucun traitement de l'affection en cause, ni en Angola, ni en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux du 23 septembre 2015 et du 11 mai 2016, que l'enfant du requérant, né en 2008, est atteint d'une pathologie ophtalmologique dégénérative d'origine génétique dite maladie de Leber, dont le diagnostic complet a pu être effectué en France, qui entraîne une cécité bilatérale et nécessite une prise en charge spécialisée. Par décision du 2 novembre 2015, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées s'est prononcée pour une orientation scolaire collective en ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) troubles des fonctions visuelles du 1er septembre 2015 au 31 juillet 2019 ainsi qu'une orientation en service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) du 2 novembre 2015 au 31 juillet 2019. Cette même commission a reconnu à l'enfant, le 27 juin 2016, un taux d'incapacité de 80 %. L'enfant est à la date de l'arrêté contesté scolarisé à Orléans dans une école disposant d'un dispositif ULIS Troubles des fonctions visuelles. Son projet d'accompagnement, en accord avec sa famille, prévoit des séances d'orthoptie à partir de janvier 2017, un suivi auprès d'un psychologue et un bilan en locomotion. Un éloignement de M. B...contraindrait l'enfant à interrompre ce suivi dans des conditions préjudiciables pour lui. Dans ces conditions, et alors même que l'Angola s'est doté d'un système de scolarisation inclusive des enfants handicapés, la décision contestée, qui a pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine la situation de l'enfant de M. B...et est contraire à l'intérêt supérieur de cet enfant, méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté en litige et sous réserve de l'absence d'un changement de circonstances de droit ou de fait, le présent arrêt implique que le préfet du Loiret délivre à M. A...B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Loiret de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Me Greffard-Poisson de la somme de 1200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1979 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 janvier 2017 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 20 juin 2016 du préfet du Loiret sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M. B...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Greffard-Poisson, avocate de M.B..., la somme de 1 200 euros, dans les conditions fixées aux articles 37 de la loi du 10 juillet 1979 et 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2018.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02479
Date de la décision : 15/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL OMNIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-15;17nt02479 ?
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