Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 9 février 2016 et le 17 novembre 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 13 décembre 2017, la société par actions simplifiée (SAS) Midis et la société civile immobilière (SCI) Sercor, représentées par Me F..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler la décision du 25 novembre 2015 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a refusé leur projet de création, sur le territoire de Pontivy, d'un supermarché, à l'enseigne " Super U ", d'une surface de vente de 3 500 mètres carrés et d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, d'une emprise au sol de 175 mètres carrés ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de statuer de nouveau sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat, de la société Pontivy Distribution et de la société Vynatya, le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'acte attaqué constitue une décision leur faisant grief ;
- le refus opposé par la commission nationale d'aménagement commercial méconnaît l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour du 26 juin 2015 annulant la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial avait refusé le projet ;
- en retenant que le projet génèrerait une consommation de terres agricoles et favoriserait l'étalement urbain, la commission a fait une mauvaise appréciation de la situation locale et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort qu'elle a estimé que le projet accentuerait le déséquilibre existant entre le centre-ville et la périphérie ;
- alors qu'il est prévu d'améliorer la desserte par le bus du projet et que celui-ci est accessible par des modes de déplacement doux, le motif tiré de l'insuffisance de desserte par les transports collectifs n'est pas fondé ;
- contrairement à ce qu'a estimé la commission, les flux motorisés induits par le projet sont compatibles avec les infrastructures routières existantes ;
- c'est à tort que la commission s'est fondée, sans porter de véritable appréciation, sur l'insuffisante insertion paysagère du projet alors que celui-ci, situé en deuxième rideau et accompagné d'une végétalisation significative, s'intègre, grâce à ses dimensions, son architecture et ses coloris, à son environnement.
Un mémoire en production de pièces, présenté par la commission nationale d'aménagement commercial, a été enregistré le 16 février 2016.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 mai 2016 et le 7 novembre 2017 ainsi que des mémoires récapitulatifs, enregistrés les 7 et 13 décembre 2017, la société par actions simplifiée (SAS) Pontivy Distribution, représentée par MeC..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée est inopérant dès lors que le juge de l'excès de pouvoir ne saurait se substituer à l'autorité administrative ni, lorsqu'il lui enjoint de prendre une nouvelle décision, lui imposer les motifs et le dispositif ;
- les autres moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés ;
- elle ne saurait supporter la charge des frais de litige s'agissant d'un recours formé par un tiers et dirigé contre une décision administrative.
Par des mémoires en défense enregistrés le 31 mai 2016 et le 4 décembre 2017, ainsi qu'un mémoire récapitulatif, enregistré le 10 janvier 2018, la société anonyme (SA) Vynatya, représentée par Me E...et MeD..., conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérantes du versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête, dirigée contre un avis dépourvu de caractère décisoire, est irrecevable ;
- l'autorité de la chose jugée ne peut être utilement invoquée dès lors que la commission nationale d'aménagement commercial, qui a statué dans une composition nouvelle et en faisant application de textes différents de ceux sous l'empire desquels elle s'était prononcée le 3 juillet 2014, s'est fondée sur des motifs qui ne sont pas identiques à ceux opposés dans sa décision du 3 juillet 2014 ;
- les autres moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeF..., représentant la SAS Midis et la SCI Sercor, et les observations de MeD..., représentant la SA Vynatya.
1. Considérant que, par une décision du 27 février 2014, la commission départementale d'aménagement commercial du Morbihan a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Midis, en qualité de future exploitante, et à la société civile immobilière (SCI) Sercor, en qualité de future propriétaire, l'autorisation d'exploitation commerciale d'un hypermarché à l'enseigne " U " d'une surface de vente de 3 500 mètres carrés et d'un point de retrait permanent d'achats effectués par voie télématique d'une emprise au sol de 175 mètres carrés, sur la commune de Pontivy (Morbihan) ; que la décision du 3 juillet 2014 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial, saisie de recours formés contre la décision de la commission départementale, a refusé le projet, a été annulée par un arrêt de la présente cour du 26 juin 2015 ; qu'à la suite du réexamen de la demande d'autorisation, consécutif à cette annulation, la commission nationale d'aménagement commercial a, le 25 novembre 2015, rendu un " avis défavorable " ; que la SAS Midis et la SCI Sercor demandent à la cour d'annuler cet acte ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; que l'article L. 752-6, dans sa version applicable au présent litige, dispose : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;
4. Considérant, en premier lieu, que si la commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée, en motivant sa décision dans les mêmes termes, sur certaines des observations contenues dans l'avis du ministre chargé de l'urbanisme, notamment celles relatives à l'insertion paysagère du projet et à l'impact de ce dernier sur les flux de transport, il ne résulte pas de cette circonstance qu'elle ne se serait pas livrée à une appréciation propre de la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la commission nationale d'aménagement commercial a notamment estimé que les flux de déplacements motorisés induits par le projet risquaient d'entraîner une saturation entre le giratoire des Cités unies et l'accès au projet, notamment en fin de semaine et durant les heures de pointe ; qu'il ressort du dossier de la demande que le projet sera accessible depuis l'embranchement, relié à la sortie sud du giratoire situé avenue des Cités unies, qui dessert le magasin " Décathlon " et les surfaces commerciales existantes et que " seul un rattrapage en enrobé sur la partie sud permettra de desservir efficacement le nouveau site commercial " ; que " l'étude de l'impact circulatoire " réalisée en juillet 2015 et jointe au dossier de la demande affirme que le trafic estimé est compatible avec l'état actuel de la RD 764 et que le giratoire de l'avenue des Cités unies dispose d'une " réserve de capacité satisfaisante et pérenne, même en période de pointe du soir et du samedi " ; que, toutefois, cette étude s'est fondée, pour évaluer les flux journaliers de circulation de véhicules, sur un seul comptage routier, réalisé en 2013, sur le tronçon de la RD 764 compris entre la RD 767 et la RD 768 ; que cet unique point de comptage ne permet pas de rendre compte du trafic sur les autres principaux axes de desserte du projet, notamment l'avenue des Cités unies, ni des flux en provenance de la RD 768 et de la partie de la RD 764 située au nord du giratoire des Cités unies ; qu'en outre, si l'analyse prévisionnelle des flux de déplacement générés par le projet repose sur le trafic observé aux abords de six magasins à l'enseigne " Décathlon " et de quatre magasins " Super U ", sans d'ailleurs qu'il ne soit justifié de la pertinence des éléments de référence choisis, elle ne tient pas compte des autres activités commerciales et de services, notamment du centre commercial implanté au nord du projet, également desservies par la voie d'accès au projet ; qu'enfin, l'étude n'analyse pas l'incidence sur la fluidité du trafic de la configuration particulière de l'accès au site alors qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est enclavé et ne sera accessible depuis la voie publique qu'au moyen d'une servitude de passage longeant la façade est de l'ensemble commercial implanté sur la parcelle le jouxtant au nord et que cette voie d'accès, étroite et unique en entrée et en sortie tous gabarits confondus, rejoint l'embranchement en retrait du giratoire distant de seulement quinze mètres de sa sortie sud ; qu'en outre, l'itinéraire permettant d'accéder au projet, lequel est implanté d'après le dossier de la demande sur un terrain fortement accidenté, se caractérise par un tracé sinueux ; qu'ainsi, " l'étude de l'impact circulatoire " dont se prévalent les requérantes ne permet pas d'établir que les infrastructures de transport existantes présenteraient des capacités résiduelles d'accueil suffisantes ; que le projet ne prévoit aucun aménagement routier spécifique en vue d'assurer la fluidité de la circulation ; que, dans ces conditions, en se fondant, pour refuser le projet, sur le risque de saturation qu'il est susceptible d'engendrer entre son point d'accès et le giratoire des Cités unies, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la commission nationale d'aménagement commercial aurait pris la même décision de refus si elle ne s'était fondée que sur ce motif ; que, par suite, les moyens que les requérantes dirigent contre les autres motifs retenus par cette commission doivent être regardés comme inopérants ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la SA Vynatya, que la SAS Midis et la SCI Sercor ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 25 novembre 2015 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ;
Sur les frais liés au litige :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, de la SAS Pontivy Distribution et de la SA Vynatya, lesquels ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Midis et de la SCI Sercor le versement à la SA Vynatya d'une somme au titre des frais de même nature ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Midis et de la SCI Sercor est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Vynatya sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Midis, à la société civile immobilière Sercor, à la société anonyme Vynatya, à la société par actions simplifiée Pontivy Distribution, à la commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
M.A...'hirondel, premier conseiller,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le greffier,
K. BOURON
Le président,
A. PEREZ
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00423