Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 octobre 2014 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté pour irrecevabilité sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1410677 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 mars et le 30 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. C...B....
Le ministre soutient que :
- le tribunal administratif ne pouvait pas régulièrement écarté le motif tiré de l'absence de méconnaissance des dispositions de l'article 21-27 du code civil sans avoir préalablement vérifié si la décision attaquée n'était pas susceptible d'être fondée sur l'autre motif relevé par l'administration pour rejeter comme irrecevable la demande de M. C...B... ;
- sa décision du 16 octobre 2014 était également fondée sur la méconnaissance des dispositions de l'article 21- 13 du code civil ;
- aucun des motifs d'annulation soulevés en première instance n'était opérant à l'encontre de la décision attaquée ;
- sa décision finale ne dépend en aucun cas du résultat de l'enquête menée dans le cadre de l'instruction de la demande de naturalisation ;
- l'ancienneté des faits reprochés à M. C...B..., dont celui-ci ne conteste pas la matérialité, ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient pris en compte dans l'appréciation du comportement d'un candidat à la naturalisation ;
- la naturalisation constitue une mesure de faveur et que la gravité des actes commis suffit à justifier un refus ;
- M. C...B...ne remplit pas la condition posée par l'article 21-23 du code civil ;
- la seule circonstance qu'un refus de naturalisation puisse avoir un impact sur la vie privée et familiale d'un individu est sans incidence sur la légalité de cette décision ;
- le refus opposé à la demande de naturalisation de M. C...B...n'a pas d'incidences particulières sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2017, M. D...C...B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...B...fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- et les observations de MeA..., représentant M. C...B....
1. Considérant que M. C...B..., ressortissant portugais, a déposé le 27 juin 2014 une demande de naturalisation que le préfet de Loire Atlantique a rejetée le 22 juillet suivant pour irrecevabilité, sur le fondement des articles 21-23 et 21-27 du code civil ; que M. C...B...a formé le 7 août 2014 un recours hiérarchique contre cette décision ; que celui-ci a été rejeté par une décision du ministre chargé des naturalisations en date du 16 octobre 2014, le ministre confirmant l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de l'intéressé pour les mêmes motifs ; que le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement en date du 14 février 2017, annulé cette décision ; que le ministre chargé des naturalisations relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-17 du code civil : " Sous réserve des exceptions prévues aux articles 21-18, 21-19 et 21-20, la naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande " ; qu'aux termes de l'article 21-23 du même code : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'est pas de bonnes vies et moeurs ou s'il a fait l'objet d'une des condamnations visées à l'article 21-27 du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article 21-27 du même code : " Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamnée à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mention de l'article 21-17 du code civil ne peut qu'être regardé que comme relevant d'une erreur matérielle dès lors que, compte tenu des dispositions de cet article et de ce que le ministre, après avoir rappelé que le refus du préfet dont il était saisi par la voie du recours hiérarchique trouvait son fondement légal dans les dispositions des articles 21-23 et 21-27 du code civil, y a indiqué que l'intéressé avait été condamné le 27 août 1999 à un an d'emprisonnement pour arrestation, séquestration et détention arbitraire suivie d'une libération avant le 7ème jour et tentative d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien ; que, par suite, le ministre doit être regardé comme confirmant la décision du préfet sur le fondement de la même base légale tirée de l'article 21-27 du code civil ;
4. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif s'est uniquement fondé sur la circonstance que M. C... B...avait fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit et que le ministre avait ainsi inexactement appliqué les dispositions de l'article 21-27 du code civil ; que, cependant, et comme indiqué par le ministre, la circonstance que M. C...B...avait fait l'objet d'une réhabilitation n'interdisait pas à l'autorité administrative d'opposer l'irrecevabilité de la demande de ce dernier au seul motif qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article 21-23 du code civil ; que, par suite, le ministre chargé des naturalisations est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nantes a entaché son jugement d'une omission à statuer en annulant la décision contestée au seul motif que M. C...B...avait fait l'objet d'une réhabilitation sans se prononcer sur l'application des dispositions de l'article 21-23 du code civil et en conséquence à demander l'annulation de ce jugement en raison de l'irrégularité ainsi commise par les premiers juges ;
5. Considérant qu'il ya lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer sur l'ensemble des moyens invoqués tant en première instance qu'en appel ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...B...ne conteste pas la matérialité des faits pour lesquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement ; que ni la circonstance qu'il ait fait l'objet d'une libération conditionnelle et n'ait ainsi pas entièrement exécuté sa peine, ni celle qu'il se soit abstenu depuis sa sortie de prison de tout agissement délictueux ou criminel ne faisaient obstacle à ce que le ministre, compte tenu, d'une part, du très large pouvoir d'appréciation dont il dispose dans l'appréciation des mérites d'un étranger sollicitant l'acquisition de la nationalité française et, d'autre part, de la gravité des agissements commis par M. C...B...en 1999, qui ne sont pas excessivement anciens à la date de la décision attaquée, puisse considérer, en se fondant sur les dispositions de l'article 21-23 précité du code civil, que ce dernier n'était pas de bonne vie et moeurs et, pour ce seul motif, rejeter pour irrecevabilité sa demande ; que la circonstance que la condamnation dont M. C...B...a fait l'objet ne figure plus sur le bulletin n° 2 du casier judicaire de l'intéressé en vertu d'un jugement du Tribunal de grande instance de Melun du 14 mars 2016, postérieur à la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de cette dernière ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les circonstances que fait valoir M. C...B..., tirées de ce qu'il vit en France depuis l'âge de six ans, que ses enfants sont français, qu'il occupe un emploi et paie des impôts en France où il serait parfaitement inséré sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée eu égard aux motifs qui la fondent ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée, qui se borne à déclarer irrecevable la demande de naturalisation de M. C... B...et qui n'a aucune conséquence particulière sur la situation personnelle de l'intéressée, constitue une ingérence excessive dans sa vie privée et familiale ; qu'elle ne méconnaît pas, de ce fait, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 16 octobre 2014 ;
Sur les conclusions en injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation de M. C...B..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution ; que les conclusions en injonction sous astreinte présentées par l'intéressé ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce titre par
M. C...B... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1410677 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. C...B...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C...B...relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D... C...B....
Délibéré après l'audience du 25 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 juin 2018.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
H. LENOIRLe greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00918