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04/06/2018 | FRANCE | N°16NT01367

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 04 juin 2018, 16NT01367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Zinc, a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions des 7 et 10 avril 2014 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Centre a rompu le contrat d'apprentissage conclu par la société avec M. A...I....

Par un jugement n° 1500702 du 24 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions des 7 et 10 avril 2014.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2016, M. I..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Zinc, a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions des 7 et 10 avril 2014 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Centre a rompu le contrat d'apprentissage conclu par la société avec M. A...I....

Par un jugement n° 1500702 du 24 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions des 7 et 10 avril 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2016, M. I..., représenté par MeH..., demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mars 2016.

Il soutient que :

- la demande introductive d'instance était tardive ;

- les décisions des 7 avril et 10 avril 2014 n'ont pas été signées par une autorité incompétente ;

- les faits ayant motivé les décisions querellées sont matériellement établis ; M. D... a reconnu avoir exercé des violences physiques, verbales et morales ; la SARL Le Zinc est demeurée inerte face aux signalements qui lui étaient adressés à ce sujet et n'a pris aucune mesure particulière avant l'intervention de la décision de rupture du contrat d'apprentissage ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, la SARL Le Zinc, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. I...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier et notamment le jugement du 22 décembre 2016 du tribunal de commerce de Chartres prononçant la liquidation judiciaire de la SARL Le Zinc avec autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 31 janvier 2017 à minuit, mettant fin à la mission de MeG..., administrateur judiciaire, et désignant la SELARL PJA en qualité de liquidateur judiciaire.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...I...a conclu le 17 mai 2013 un contrat d'apprentissage avec la SARL Le Zinc, dans le cadre de la préparation d'un baccalauréat professionnel " cuisine " ; que par un courrier du 17 janvier 2014, M. K...I...a alerté M.C..., gérant de la SARL Le Zinc, sur la dégradation des conditions dans lesquelles se déroulait l'apprentissage de son fils mineur ; que constatant de nombreuses appréciations négatives figurant au dossier de A...I..., les responsables du centre de formation des apprentis de Tours ont organisé le 21 janvier 2014 un entretien de médiation entre l'apprenti et son maitre d'apprentissage, M.D... ; qu'un second rendez-vous de médiation impliquant M. C..., M.D..., A...I...alors mineur et les parents de ce dernier s'est déroulé le 11 mars 2014 ; qu'après avoir pris connaissance d'un rapport établi par l'inspection du travail le 26 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre a suspendu le contrat d'apprentissage par une décision du 27 mars 2014 ; que par deux décisions des 7 avril et 10 avril 2014, la même autorité a rompu ce contrat ; que la SARL Le Zinc a saisi le ministre du travail d'un recours hiérarchique à l'encontre de la décision du 7 avril 2014 ; que M. I...relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions des 7 avril et 10 avril 2014 rompant le contrat d'apprentissage ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le ministre du travail produit, pour la première fois en appel, l'arrêté du 18 juillet 2013 portant délégation de signature du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi du Centre ; qu'en vertu de cet arrêté, M. F...J..., responsable de l'unité territoriale d'Eure-et-Loir, bénéficie d'une délégation permanente à l'effet de signer notamment les décisions de rupture de contrats d'apprentissage prévues par l'article L. 6225-5 du code du travail ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, délégation est donnée à M. L...B..., directeur adjoint du travail, signataire des décisions en litige ; que, dès lors, les décisions des 7 avril et 10 avril 2014 portant rupture du contrat d'apprentissage n'ont pas été signées par une autorité incompétente ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage. " ; qu'aux termes de l'article L. 6225-5 du même code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. / Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraine la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son ou jusqu'au terme de la période d'apprentissage. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors du rendez-vous de médiation du 11 mars 2014, M. D...a réfuté avoir insulté M. A...I...tout en indiquant l'avoir bousculé lors d'une altercation dans le vestiaire du restaurant ; qu'ainsi que le soutient l'employeur, le certificat médical faisant état d'une légère boiterie à la jambe gauche et de douleurs à l'épaule gauche, établi le 14 janvier 2014 à la demande de l'apprenti, ne suffit pas à justifier l'existence des violences physiques que M. I...impute à M.D... ; qu'il ressort toutefois du rapport de l'enquête diligentée par l'inspecteur du travail en mars 2014, que le ministre produit pour la première fois en appel, que les relations entre M. I...et M. D... se sont rapidement et continuellement dégradées après la fin de la période d'essai du contrat ; que M. D...a reconnu s'être emporté contre le jeune apprenti dans le vestiaire du restaurant, le prenant par l'épaule pour le faire sortir en lui disant " vas-y dégage " ; que plusieurs témoignages de salariés du restaurant font état des relations tendues qu'ils entretiennent avec l'apprenti en raison du comportement de ce dernier, et précisent pour cette raison éviter de le fréquenter ; qu'enfin, M.E..., second de cuisine, y indique avoir menacé verbalement l'apprenti en lui déclarant, selon ses termes, " viens sur le parking que je t'éclate (...), je vais t'emplafonner dans le mur " ; qu'au vu de ces éléments, l'inspecteur du travail a pu à bon droit regarder comme matériellement établis les violences physiques, verbales, les comportements menaçants et vexatoires ainsi que l'isolement de l'apprenti au sein de l'entreprise, qu'il a pris en compte pour décider la rupture du contrat d'apprentissage ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions des 7 avril et 10 avril 2014, ainsi que la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la SARL Le Zinc, aux motifs que les décisions avaient été signées par une autorité incompétente et que la matérialité des faits qui motivaient cette rupture n'était pas établie ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par la SARL Le Zinc au soutien de ses conclusions en annulation ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que si la société soutient que les conclusions de M. I...à l'encontre de la décision du 7 avril 2014 portant rupture du contrat d'apprentissage sont irrecevables, au motif que cette décision a été remplacée par une décision du 10 avril suivant, laquelle n'a pas été attaquée, il résulte des pièces du dossier que la décision du 10 avril 2014 n'a eu pour objet et pour effet, à la suite d'une erreur matérielle, que de rectifier la désignation de l'apprenti bénéficiaire des sommes dont l'employeur restait redevable à son égard, la rupture du contrat résultant de la seule décision du 7 avril 2014, non modifiée sur ce point par la décision du 10 avril suivant ; que la fin de non recevoir soulevée par la société doit dès lors, être écartée ;

Sur la légalité de la rupture du contrat d'apprentissage :

7. Considérant, en premier lieu, que la SARL Le Zinc ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 6225-1 du code du travail dès lors que ces dernières, qui ne concernent que la procédure d'opposition par l'autorité administrative à l'engagement d'apprentis, ne sont pas applicables aux décisions par lesquelles l'inspecteur du travail décide la rupture d'un contrat d'apprentissage ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL Le Zinc soutient qu'en estimant qu'aucune mesure n'avait été prise pour garantir la reprise de la formation professionnelle de Ryan I...dans des conditions satisfaisantes, l'inspecteur du travail a entaché les décisions litigieuses d'une erreur appréciation ; qu'elle indique que des mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre de M.D... ; qu'elle fait également valoir que des mesures visant à garantir à son apprenti la poursuite de sa formation dans des conditions conformes au code du travail ont été mises en oeuvre avant l'enquête de l'inspection du travail ;

9. Considérant cependant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 17 janvier 2014, le père de A...I...a adressé à l'employeur de son fils un courrier l'alertant sur la dégradation des relations entre l'apprenti et son maitre d'apprentissage, lui décrivant de façon exhaustive les agissements imputés par son fils à M. D...et lui rappelant ses obligations légales en matière de protection et de sécurité des salariés ; que le 21 janvier 2014, une rencontre entre M. A...I..., M. D...et une médiatrice du centre de formation des apprentis de Tours a été organisée à l'initiative de cette dernière ; qu'un second rendez-vous de médiation s'est déroulé le 11 mars 2014, au cours duquel l'employeur a évoqué plusieurs hypothèses pour remédier au désordre causé par la querelle entre l'apprenti et son maitre d'apprentissage sans qu'il n'en ressorte toutefois de mesure précise ; que l'employeur ne justifie d'aucune mesure concrète visant à faire cesser ce conflit avant l'enquête de l'inspection du travail qui a eu lieu dans les locaux du restaurant les jours suivant le rendez-vous de médiation, les 21 mars et 25 mars 2014 ; qu'en outre, si des mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre de M. D..., il ressort des pièces du dossier que la mise à pied conservatoire et le licenciement pour faute grave ne sont intervenus qu'après les décisions contestées, soit respectivement le 11 avril 2014 et le 29 avril 2014 ; que, dès lors, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'employeur n'avait pris aucune mesure concrète pour rétablir des relations normales entre le jeune A...I...et son maître d'apprentissage ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. I...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions des 7 avril et 10 avril 2014 par lesquelles le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de 1'emploi du Centre a refusé la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage conclu entre la SARL Le Zinc et M.I... ;

Sur les frais de la procédure :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Le Zinc demande au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Le Zinc devant le tribunal administratif d'Orléans et les conclusions qu'elle présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...I..., à la société à responsabilité limitée le Zinc et à la société d'exercice libéral à responsabilité limité PJA en qualité de liquidateur de la société à responsabilité limitée Le Zinc et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2018

Le président,

J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,

F. PONS

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01367
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : VAUNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-04;16nt01367 ?
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