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31/05/2018 | FRANCE | N°16NT04159

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 31 mai 2018, 16NT04159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me C...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) Le Nombre d'Or, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 202 884 euros auxquels la SAS a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 21 novembre 2012 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugeme

nt n° 1402077 du 26 octobre 2016, le tribunal administratif de Rennes a, à l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me C...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) Le Nombre d'Or, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 202 884 euros auxquels la SAS a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 21 novembre 2012 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1402077 du 26 octobre 2016, le tribunal administratif de Rennes a, à l'article 1er, prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 9 023 euros et, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande.

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2016, MeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de faire droit au surplus de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée pour une période d'imposition allant du 1er avril 2012 au 21 novembre 2012 ne sont pas fondés au regard de l'article L. 237-2 du code de commerce et de la jurisprudence du Conseil d'Etat dès lors qu'elle a été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2012 et qu'elle n'était pas tenue de clôturer par anticipation l'exercice en cours à la date de la liquidation ni d'établir les déclarations fiscales relatives à cet exercice ;

- aucune présomption fiscale ne permet de considérer que la SAS Le Nombre d'Or a de fait encaissé à la date du 21 novembre 2012 l'ensemble des créances clients figurant au bilan arrêté au 31 décembre 2011 alors que, s'agissant d'une activité de prestation de service, la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux créances clients n'est pas exigible en l'absence d'encaissement en vertu du c de l'article 2 de l'article 269 du code général des impôts précisé par le paragraphe 100 du BOI-TVA-BASE-20-20-20120912 ;

- il résulte de la réponse au sénateur Herment (JO Sénat, 27 avril 1989, p.373 n° 595) que " l'ouverture d'une procédure collective ne rend pas immédiatement exigible la taxe sur la valeur ajoutée portant sur des sommes restant à encaisser " ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la période du 1er avril 2012 au 21 novembre 2012 ne peuvent concerner que des encaissements enregistrés sur cette période et non des créances clients à la clôture de l'exercice 2011 ;

- à titre subsidiaire, il résulte des écritures du grand livre clients que le compte clients s'élève, au 31 décembre 2012, à 769 623,12 euros et que les clients douteux représentent 24 352,99 euros, soit un solde clients non réglé au 31 décembre 2012 de 793 976 euros toutes taxes comprises et non de 972 171 euros toutes taxes comprises mentionnée dans proposition de rectification, ce qui doit entraîner la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur la différence ;

- elle justifie du caractère irrécouvrable au 31 décembre 2011 ou au 21 novembre 2012 des créances de la société civile de construction vente Pentagone, de la commune de Livré-sur-Changeon, de la société civile immobilière Cordor Sarge, de la société Aiguillon Construction, de la société Novoprom, du cabinet B...et de SOFIBA ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au passif au titre de l'exercice 2011 pour un montant de 59 369 euros n'est pas fondé dès lors qu'il s'appuie sur le compte " créances clients " au 31 décembre 2011 alors qu'aucun encaissement n'est intervenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 mars 2018 en vertu d'une ordonnance à effet immédiat prise en application des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté par MeA..., représentée par MeD..., a été enregistré le 30 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

- et les observations de MeE..., représentant MeA....

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Le Nombre d'Or, anciennement Metev Ingénierie, qui exerçait une activité de prestation de services d'ingénierie et d'études techniques, a cessé son activité le 31 mars 2012 et a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 21 novembre 2012 du tribunal de commerce de Rennes. A la suite de ce jugement, l'administration fiscale a fait une déclaration provisoire puis définitive de créances les 17 janvier et 16 juillet 2013 et a, entre temps, notifié au mandataire liquidateur, MeA..., une proposition de rectification du 4 avril 2013, procédant selon la procédure contradictoire à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2011 et 2012 pour un montant total en droits de 202 884 euros. Après la mise en recouvrement de ces rappels et le rejet de sa réclamation le 27 février 2014 après compensation, Me A...a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 26 octobre 2016, a, à l'article 1er, prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 9 023 euros, et a, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande. Me A...relève appel de l'article 2 de ce jugement.

2. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à MeA..., ainsi que l'ont estimé les premiers juges par des motifs non contestés qu'il y a lieu d'adopter, de démontrer le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 :

3. Il résulte de l'instruction que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 65 552 euros après compensation et mis à la charge de Me A...au titre de l'année 2011 correspond à un montant de taxe inexpliqué, figurant au passif du bilan de la SAS Le Nombre d'Or au 31 décembre 2011.

4. Si Me A...soutient que ce rappel n'est pas fondé en l'absence d'encaissement, elle n'apporte aucun élément, en tout état de cause, à l'appui de ses allégations.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er avril au 21 novembre 2012 :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 137 332 euros mis à la charge de Me A...au titre de la période du 1er avril 2012 au 21 novembre 2012, et dont 128 309 euros restent en litige, correspondent à la taxe afférente aux créances clients acquises au 31 décembre 2011 et qui n'avaient pas été portées sur les déclarations CA3 déposées par la société jusqu'au 31 mars 2012.

6. En vertu de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est, sauf exception ou option, exigible pour les prestations de services lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération. Aux termes du 1 de l'article 287 du même code : " Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. ".

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la décision du 28 février 2014 rejetant la réclamation contentieuse de MeA..., que, pour procéder au rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2012 au 21 novembre 2012, le service ne s'est pas borné à se fonder sur le placement en liquidation judiciaire de la SAS Le Nombre d'Or mais a retenu l'absence de justification des mouvements affectant la comptabilité de la société de nature à permettre d'apprécier les encaissements effectués.

8. En deuxième lieu, pour justifier au cours de la période l'absence d'encaissement des créances clients acquises au 31 décembre 2011, Me A...se prévaut du Grand-livre Clients provisoire édité le 11 avril 2014 au nom de la SAS Metev, portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Toutefois, ce document dépourvu de caractère définitif et établi deux ans après la période concernée et au nom de l'ancien exploitant, ne permet pas de le regarder comme retraçant de manière exhaustive ses écritures et, par suite, de vérifier, par sa seule consultation, quelles sont parmi les créances clients acquises au 31 décembre 2011 celles qui n'avaient toujours pas été recouvrées au 21 novembre 2012.

8. En troisième lieu, en se bornant à produire le Grand-livre Clients provisoire, dépourvu de caractère probant ainsi qu'il vient d'être dit au point 8, Me A...ne justifie pas que le montant des créances restant à recouvrer s'élèverait à la somme de 793 976 euros contrairement à ce qu'il soutient.

9. En dernier lieu, Me A...se prévaut du caractère irrécouvrable de certaines créances.

10. Toutefois, la seule circonstance alléguée que la société civile de construction vente Pentagone ait fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 11 octobre 2011 n'est pas, par elle-même, de nature à établir le caractère irrécouvrable de la créance due par celle-ci.

11. S'agissant de la créance détenue sur la commune de Livré-sur-Changeon d'un montant de 7 961,98 euros, la double circonstance qu'il ait existé un litige entre les différents intervenants du chantier correspondant et qu'elle ait été comptabilisée en " clients douteux " au 31 décembre 2012 n'est pas de nature à établir son irrécouvrabilité.

12. En ce qui concerne la créance de 3 348,80 euros détenue sur la société civile immobilière Cordor Sarge, Me A...ne justifie pas sérieusement de diligences pour procéder à son recouvrement en se bornant à produire deux courriers des 17 mai et 3 juin 2013 d'un cabinet d'avocat faisant seulement état de l'absence de signature d'un contrat, sans que cette seule circonstance suffise.

13. Concernant les créances détenues sur la société anonyme d'habitations à loyer modéré Aiguillon construction pour les montants respectifs de 1 095,63 euros et 17 626,41 euros, Me A...n'établit pas que leur montant global a été ramené à 6 022 euros par une transaction validée le 13 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Rennes en se bornant à produire un courrier du 14 septembre 2016 faisant seulement état d'un désistement d'instance intervenu à la suite des versements effectués par la société conformément à une conciliation, sans identifier les créances concernées, leurs montants et les dates des paiements.

14. Selon le Grand-livre Clients provisoire produit, la SAS Le Nombre d'Or détenait au 31 décembre 2011 une créance d'un montant de 181 471,45 euros sur la société anonyme (SA) Novoprom. Me A...soutient que cette créance a été ramenée à la somme de 108 222,54 euros par un jugement du 13 septembre 2012 du tribunal de commerce de Rennes et est irrécouvrable, pour la partie non admise par le tribunal administratif, ainsi que l'atteste un certificat d'irrécouvrabilité établi le 8 juillet 2015 par le liquidateur de la SA Novoprom. Il résulte toutefois du jugement du tribunal de commerce qu'à la suite du placement en liquidation judiciaire de cette société le 11 octobre 2011, la SAS Metev Ingénierie a déclaré la seule créance de 108 222,54 euros et que les créances concernées correspondaient à des prestations facturées en 2007 et 2008 dans le cadre de deux programmes de travaux alors que la majeure partie des créances sur la SA Novoprom figurant au Grand-livre clients provisoire l'ont été en 2010. Dès lors, Me A...n'établit pas que les créances visées par ce jugement et ce certificat d'irrécouvrabilité correspondraient, en tout ou partie, à celles mentionnées dans le Grand-livre Clients provisoire sans que la liquidation judiciaire de la SA Novoprom suffise à les rendre irrécouvrables.

15. Enfin, s'agissant des deux créances concernant M. B...pour les montants respectifs de 121 890,26 euros et 28 345,20 euros inscrits sur les comptes " 411TESSIER " et " 411SOFIBA " au Grand-livre Clients provisoire, si Me A...soutient que cette créance totale de 150 235,46 euros a été ramenée à 10 615 euros sans pouvoir être réglée au 31 décembre 2011 ou au 31 décembre 2012, les décisions judiciaires qu'elle produit émanant du tribunal de commerce de Rennes, des cours d'appel de Rennes puis d'Angers et de la Cour de cassation ne sont pas de nature à l'établir, en tout état de cause, eu égard, notamment, à la différence de sommes et à l'absence de toute précision permettant de rattacher le litige traité aux créances concernées.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

16. Me A...se prévaut de la réponse ministérielle faite à la question n° 595 du sénateur Herment et publiée au Journal officiel du Sénat du 27 avril 1989, p. 673 selon laquelle " l'ouverture d'une procédure collective ne rend pas immédiatement exigible la taxe sur la valeur ajoutée portant sur des sommes restant à encaisser ". Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, cette réponse ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Me A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que Me A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Me A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

J.-E. Geffray

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 16NT041592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT04159
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-05-31;16nt04159 ?
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