Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Guingamp à lui verser la somme de 26 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'atteinte portée à son détriment par cet établissement au principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires.
Par un jugement n° 1402635 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 septembre 2016, 22 mai et 16 octobre 2017 MmeE..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Guingamp à lui verser la somme globale de 37 782 euros augmentée des intérêts au taux légal capitalisés en réparation de ses préjudices, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Guingamp la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- son employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement des agents appartenant à un même corps dès lors qu'elle a bénéficié depuis le transfert de son contrat de travail d'un salaire inférieur à celui d'une de ses collègues occupant un poste équivalent au sien ;
- les clauses substantielles de son contrat de travail n'ont pas été reprises, sans que ne soit rapportée la preuve du caractère éventuellement disproportionné de sa rémunération initiale ; lors de la reprise de son contrat de travail, sa rémunération a été calculée sur le fondement de son salaire de base, sans la prime " de complément d'établissement ", alors que pour sa collègue cette prime avait auparavant été intégrée dans son salaire de base ;
- elle a subi une perte de revenus de 374 euros par mois depuis 2009, soit 34 782 euros.
Par des mémoires enregistrés les 9 janvier et 28 septembre 2017 le centre hospitalier de Guingamp, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de
2 500 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeF..., représentant MmeE..., et de Me A..., substituant MeB..., représentant le centre hospitalier de Guingamp.
1. Considérant que MmeE..., née en 1963, était salariée de la polyclinique Montbareil à Guingamp (Finistère) devenue polyclinique d'Armor et d'Argoat, lorsque cet établissement a été placé en liquidation judiciaire et son activité chirurgicale reprise par le centre hospitalier de Guingamp à compter de décembre 2008 ; que dans ce cadre Mme E...s'est vue proposer un contrat de droit public à durée indéterminée en vertu des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail ; qu'ayant alors subi une perte de salaire et constaté qu'une de ses collègues percevait un traitement supérieur au sien, Mme E...a saisi son employeur le 20 janvier 2014 d'une demande indemnitaire tendant à obtenir réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis de ce fait, demande implicitement rejetée ; qu'elle relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation du centre hospitalier de Guingamp à l'indemniser de ces mêmes préjudices ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la faute du centre hospitalier de Guingamp :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. (... ) " ;
3. Considérant, d'une part, que Mme E...soutient qu'il a été fait une application de ces dispositions contraire au principe d'égalité entre agents publics lors de la reprise de son contrat de travail par le centre hospitalier de Guingamp en décembre 2008 dès lors qu'une de ses collègues occupant des fonctions équivalentes s'est vue proposer une rémunération supérieure au titre de son nouveau contrat de travail ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les postes occupés par Mme E...et sa collègue au sein de la polyclinique d'Armor et d'Argoat étaient différents, la requérante étant alors employé administratif alors que sa collègue, qui bénéficiait au demeurant d'une ancienneté de quatre ans supérieure, était comptable, à un niveau de compétences et de responsabilités plus important ; que cette différence a pu justifier que la requérante soit intégrée dans les effectifs du centre hospitalier de Guingamp au 6ème échelon du grade d'adjoint administratif hospitalier, sa collègue l'étant au 7ème échelon ; que peu importe à cet égard la circonstance selon laquelle la collègue de Mme E...aurait bénéficié de conditions de rémunération plus avantageuses que cette dernière dans le cadre de son contrat de droit privé, avant sa reprise par l'établissement hospitalier ; que, par suite, Mme E...n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance du principe d'égalité entre agents publics, qui n'a vocation à s'appliquer qu'aux agents placés dans la même situation ;
4. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail citées au point 3 ne permettent pas à la personne publique de proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonctions dans l'organisme d'accueil à la date du transfert ; qu'en revanche, elles font obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l'ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales que la personne publique a, le cas échéant, fixées pour la rémunération de ses agents non titulaires ; qu'en l'absence de telles règles au sein de l'organisme public, la reprise de la rémunération antérieure n'est, en tout état de cause, légalement possible que si elle peut être regardée comme n'excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l'autorité administrative compétente de fixer, sous le contrôle du juge, en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l'agent non titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents de l'Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues ; qu'à cette fin, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération les primes éventuellement accordées à l'agent et liées à l'exercice normal de ses fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre du mois de novembre 2008, la polyclinique d'Armor et d'Argoat a versé à Mme E...une rémunération composée d'un salaire brut de base et d'une prime temporaire pour un montant total de 1 515,24 euros et d'un " complément d'établissement " de 275,93 euros ; que le contrat de travail ensuite conclu par la requérante avec le centre hospitalier de Guingamp comprend un traitement brut de 1 515,76 euros ; que si l'établissement hospitalier en déduit ainsi que Mme E...a vu les clauses substantielles de son contrat de travail initial reprises en termes de montant de son salaire brut, il n'en reste pas moins que la requérante a perdu le bénéfice de la prime de complément d'établissement que lui versait son précédent employeur ; qu'en faisant valoir que ce complément résultait d'un accord collectif conclu au sein de la polyclinique d'Armor et d'Argoat concernant certains de ses salariés et que cette prime n'avait, par suite, pas vocation à être versée à la requérante dans le cadre de son nouveau contrat de travail, le centre hospitalier de Guingamp n'établit pas qu'il ne pouvait légalement accorder à Mme E...une rémunération équivalente à celle qu'elle percevait en tant que salarié de cette polyclinique du fait que cette rémunération aurait été manifestement excessive au regard des règles applicables en son sein ou en celui de la fonction publique hospitalière ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier de Guingamp a manqué aux obligations résultant pour lui des dispositions citées au point 3 de l'article L. 1224-3 du code du travail et, par suite, commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de MmeE... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;
En ce qui concerne les préjudices de MmeE... :
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que pour la période courant du 1er janvier 2009 au 18 mai 2018, date de lecture du présent arrêt, la requérante peut être considérée comme ayant perdu le bénéfice mensuel d'une somme de 275,93 euros, montant du complément d'établissement dont elle bénéficiait en dernier lieu en tant que salariée de la polyclinique de l'Armor et de l'Argoat ; qu'il convient de déduire de cette somme la différence de salaire brut en sa faveur dont elle a bénéficié lors de la reprise de son contrat, soit 0,52 euros par mois ; que le montant de l'indemnisation à laquelle peut prétendre la requérante s'élève ainsi à 31 011,17 euros ;
8. Considérant, d'autre part, que si Mme E...sollicite également la réparation d'un préjudice moral qu'elle estime à 3 000 euros, elle impute ce préjudice à la rupture du principe d'égalité entre agents publics dont il résulte des énonciations du 4 du présent arrêt qu'elle n'est pas établie en l'espèce ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'indemniser ce préjudice ;
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
9. Considérant que Mme E...a droit, comme elle le sollicite, aux intérêts de la somme de 31 011,17 euros à compter du 21 mai 2014, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Rennes ; que ces intérêts seront capitalisés à compter du 21 mai 2015, date à laquelle une année d'intérêt était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Guingamp est condamné à verser à Mme E...la somme de 31 011,17 euros augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 21 mai 2014, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 21 mai 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Sur les frais de l'instance :
11. Considérant, d'une part, qu'aucun dépens n'a été exposé à l'occasion de la présente instance ; que les conclusions présentées par le centre hospitalier de Guingamp tendant à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge de Mme E...doivent, dès lors, être rejetées en tant qu'elles sont sans objet ;
12. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Guingamp la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme E...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier de Guingamp ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402635 du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Guingamp est condamné à verser à Mme E...la somme de 31 011,17 euros augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 21 mai 2014, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 21 mai 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le centre hospitalier de Guingamp versera à Mme E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Guingamp tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge de Mme E...sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à MmeD... E... et au centre hospitalier de Guingamp.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018, où siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2018.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03080