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14/05/2018 | FRANCE | N°17NT01895

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 14 mai 2018, 17NT01895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel la préfète de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes, et d'autre part l'arrêté du même jour par lequel la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement n° 1704706 et n°1704708 du 31 mai 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la

cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT01895 le 20 juin 2017, M.C..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel la préfète de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes, et d'autre part l'arrêté du même jour par lequel la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante cinq jours.

Par un jugement n° 1704706 et n°1704708 du 31 mai 2017 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT01895 le 20 juin 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704706-1704708 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 22 mai 2017 prononçant sa remise aux autorités italiennes ;

2°) d'annuler l'arrêté de remise aux autorités italiennes du 22 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou à défaut de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son avocat, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- la date de réception de la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes n'est pas établie, de sorte qu'aucun accord tacite n'est intervenu ;

- les obligations d'information, dans une langue qu'il comprend, prévues par l'article 18 du règlement 2725/2000 du 11 décembre 2000 et par les articles 4 et 26 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'ont pas été respectées ;

- l'obligation d'entretien individuel prévue par l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été respectée ;

- les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- l'arrêté contesté n'a pas été précédé d'un examen de sa situation ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2017, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 17NT01896 le 20 juin 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704706-1704708 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 22 mai 2017 l'assignant à résidence ;

2°) d'annuler l'arrêté l'assignant à résidence du 22 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son avocat, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- il est illégal du fait de l'illégalité de la remise aux autorités italiennes ;

- il n'a pas été précédé d'un examen de sa situation ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2017, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.

1. Considérant que les requêtes n° 17NT01895 et 17NT01896 concernent la situation de la même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M.C..., ressortissant de la République du Congo, relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 22 mai 2017 par lesquels la préfète de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes, et d'autre part, l'a assigné à résidence pendant quarante cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes:

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 22 mai 2017 vise les articles 3 et 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise que M. C...est entré en France le 9 janvier 2017 muni d'un visa délivré par les autorités italiennes valable du 11 janvier au 9 février 2017, périmé depuis moins de six mois le 21 mars 2017 lorsqu'il s'est présenté à la préfecture de Maine-et-Loire pour solliciter l'asile, et que sa demande de prise en charge par les autorités italiennes était donc fondée sur l'article 21 de ce règlement n° 604/2013 ; que cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit ; que le préfet de Maine-et-Loire fait état de la situation personnelle de M. C...et précise qu'il n'établit pas être exposé à des risques d'atteinte au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes et, qu'eu égard à sa situation de célibataire sans enfant, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, dans ces conditions, la décision contestée est également suffisamment motivée en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a adressé une demande de prise en charge de M. C...aux autorités italiennes le 21 mars 2017 ; que, par suite, en application du 7° de l'article 22 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'absence de réponse des autorités italiennes a fait naître une décision implicite d'acceptation au terme d'un délai de deux mois à compter du 21 mars 2017, soit le 22 mai 2017 ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, qui s'est substitué à l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, est relatif aux droits des personnes concernées et édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées ; qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; qu'il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse comporte l'information requise par l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 sur les voies et délais de recours ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)" ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a reçu lors du dépôt de sa demande d'asile, le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement " Dublin " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A) ; que ces documents étaient rédigés en français, langue que M. C...a déclaré comprendre lorsqu'il a été reçu en préfecture et qu'au demeurant il ne conteste pas connaître ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information due au demandeur d'asile doit être écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a bénéficié le 21 mars 2017 d'un entretien individuel, qui s'est déroulé en français, langue que M. C...ne conteste pas parler et comprendre, et qu'il a pu, au cours de cet entretien, exposer son parcours et sa situation personnelle ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

10. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., pour solliciter l'asile en France, s'est présenté à la préfecture de Maine-et-Loire ; qu'il a ainsi saisi directement l'autorité compétente pour procéder à l'enregistrement de sa demande et ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles concernent les demandes présentées directement à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

11. Considérant, en huitième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen de la situation personnelle de M. C...et a pris en compte, pour prendre l'arrêté litigieux, les éléments dont il avait été fait état lors de l'entretien du 21 mars 2017 relatifs à son état de santé et à la présence en France de son oncle ;

12. Considérant, enfin, que si M. C...réside en France chez son oncle, n'a plus d'attache familiale en République du Congo depuis le décès de ses parents et suit un traitement médicamenteux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché l'arrêté litigieux d'une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 mai 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 22 mai 2017 décidant sa remise aux autorités italiennes ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

14. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé ; qu'il indique que M. C...est domicilié chez son oncle et que son éloignement demeure une perspective raisonnable; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 12 que l'exception d'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes doit être écartée ;

16. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été précédé d'un examen de la situation personnelle de M.C... ;

17. Considérant, enfin, que les circonstances que M. C...réside en France chez son oncle, n'a plus d'attache familiale en République du Congo et suit un traitement médicamenteux ne sont pas de nature, à elles seules, à établir que l'arrêté l'assignant à résidence serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 mai 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la préfète de Maine-et-Loire du 22 mai 2017 l'assignant à résidence pendant une durée de quarante cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de M. C...tendant à ce que le préfet lui délivre une autorisation provisoire de séjour, ou à défaut réexamine sa situation, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. C...demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 17NT01895 et 17NT01896 de M. C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. GUERIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT01895 et n° 17NT01896 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01895
Date de la décision : 14/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-05-14;17nt01895 ?
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