Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lang et le groupement d'entreprises Lang et autres ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le marché relatif à la conception, réalisation et rénovation de la cité universitaire de Saint-Nazaire, signé entre le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) des Pays de la Loire et la société SPIE Batignolles et de condamner le CROUS des Pays de la Loire à leur verser la somme de 1 734 175 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction du marché, assortie des intérêts moratoires composés.
Par un jugement n° 1407434 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai 2017, les 8 et 25 janvier 2018, le 16 mars 2018 et le 29 mars 2018, la société Lang et le groupement d'entreprises Lang et autres, représentés par MeE..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2017 ;
2°) d'annuler le contrat signé entre le CROUS des Pays de la Loire et la société SPIE Batignolles, relatif au marché public de conception-réalisation pour la rénovation de la cité universitaire Heinlex à Saint-Nazaire ;
3°) de condamner le CROUS des Pays de la Loire à leur verser la somme de 1 734 175 euros en réparation des préjudices subis du fait de leur éviction du marché, assortie des intérêts moratoires composés ;
4°) de mettre à la charge du CROUS des Pays de la Loire une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier ; le groupement d'entreprises même non doté de la personnalité morale a qualité pour demander l'annulation de ce contrat ; il est insuffisamment motivé ; par ailleurs, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les critères de sélections des offres retenus par le pouvoir adjudicateur n'étaient pas en rapport avec l'objet du marché de sorte que l'article 53 du code des marchés publics a été méconnu ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 69 du code des marchés publics est opérant ; la composition irrégulière d'un jury, constitué dans la perspective de l'attribution d'un contrat public, altère l'issue de la procédure de passation ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du code des marchés publics, du fait de la communication d'une information inexacte sur un élément essentiel du contrat que constitue le montant de l'enveloppe financière offerte par le pouvoir adjudicateur, est fondé ;
- l'article 37 du code des marchés publics a été méconnu ; le pouvoir adjudicateur a utilisé irrégulièrement la procédure dérogatoire du marché de conception-réalisation ;
- l'article 53 du code des marchés publics a été méconnu dès lors que les critères de sélection n'étaient pas en rapport direct avec l'objet du marché ;
- les dispositions de l'article 45 du code des marchés publics et de l'article 45-d de la directive 2004/18/CE sont fondés ; la Société SPIE Batignolles a adopté un comportement anticoncurrentiel à plusieurs reprises, et dans des proportions substantielles, en allant jusqu'à vicier le consentement des personnes publiques, par le biais d'une manoeuvre dolosive caractérisant une entente, au sens du droit de la concurrence ;
- ils avaient une chance sérieuse de remporter le contrat ; la SAS Lang enregistre un préjudice financier de près de 15% du montant du contrat ; ce préjudice financier s'élève en conséquence à la somme de 1 724 175 euros ; elle a subi en outre un préjudice moral évalué à 10 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2017, le 23 janvier 2018, le 6 février 2018 et le 27 mars 2018, le CROUS des Pays de la Loire, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Lang et du groupement d'entreprises Lang et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande en tant qu'elle est présentée par le groupement d'entreprises Lang et autres est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par la société Lang sont inopérants et ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2004/18/CE du parlement européen et du conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Lang et le groupement d'entreprises " Lang et autres " et de MeA..., représentant le CROUS des Pays de la Loire.
1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence publié le 13 décembre 2013, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) des Pays de la Loire a lancé une procédure d'appel d'offres restreint en vue de la passation d'un marché public de travaux ayant pour objet la conception réalisation de la rénovation de la cité universitaire Heinlex, à Saint-Nazaire ; que, candidat à l'attribution de ce contrat, le groupement d'entreprises " Lang et autres ", constitué des sociétés Lang, Etpo, In situ ae, Albdo, Age, Arest, Itac et Zephyr, a été informé par décision du 24 avril 2014, après examen de sa candidature, que son offre, classée troisième, n'avait pas été retenue ; que par leur requête, la société Lang, agissant en son nom propre, et le groupement d'entreprises relèvent appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation du contrat conclu le 5 juin 2014 entre le CROUS des Pays de la Loire et la société Spie Batignolles, mandataire du groupement attributaire, et à la condamnation du CROUS des Pays de la Loire à leur verser la somme de 1 734 175 euros en réparation des préjudices subis du fait de leur éviction, assortie des intérêts moratoires ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées par le groupement d'entreprises " Lang et autres " :
2. Considérant que ce groupement d'entreprises, qui n'a pas de personnalité morale, ne dispose d'aucune qualité pour interjeter appel du jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant, d'une part, que la société Lang, qui avait candidaté au marché en litige dans le cadre d'un groupement conjoint avec d'autres sociétés, disposait de la qualité pour demander au tribunal administratif l'annulation du marché de conception-réalisation relatif à la rénovation et à la restructuration de la cité universitaire Heinlex à Saint-Nazaire conclu par le CROUS des Pays de la Loire et la condamnation de celui-ci à lui verser une somme en réparation des préjudices subis ; qu'en revanche, la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes, en tant qu'elle émanait directement du groupement Lang et autres, groupement momentané d'entreprises n'ayant pas de personnalité morale lui permettant d'agir en justice, était irrecevable ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à exposer dans son mémoire enregistré le 16 janvier 2017 devant le tribunal administratif de Nantes que " si le tribunal ne partageait pas l'analyse des exposants, à propos du caractère injustifié du recours à la conception-réalisation, ces derniers invoqueraient en retour la méconnaissance de l'article 53 du code des marchés publics, dans la mesure où les critères de sélection des offres, retenus par le pouvoir adjudicateur, n'étaient pas en rapport direct avec l'objet du marché, puisqu'aucun critère ne portait sur la pertinence de l'offre, au regard de l'exigence de " l'optimisation des performances thermiques ", qui conditionnait le recours à la conception-réalisation. ", la société Lang n'a pas développé un moyen tendant à l'annulation du contrat conclu le 5 juin 2014 sur lequel les premiers juges auraient omis de statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat :
5. Considérant que tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que les tiers au contrat, autres que les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné et le représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; que le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de consultation prévoit que le jury chargé d'émettre un avis sur les offres déposés par les candidats, est composé de six membres avec voix délibérantes, dont deux représentants des maîtres d'oeuvre désignés conformément aux dispositions du I de l'article 69 du code des marchés publics ; que cette composition a été strictement identique pour l'analyse des candidatures de tous les candidats ; que si la société Lang fait valoir que le jury chargé d'examiner les offres était irrégulièrement composé, un membre du jury ayant été remplacé en cours de procédure, elle n'établit pas que cette circonstance, à la supposer établie, serait en lien direct avec l'éviction du groupement évincé dont elle faisait partie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 69 du code des marchés publics ne peut qu'être écarté comme inopérant ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Lang soutient que le CROUS des Pays de la Loire a méconnu les dispositions de l'article 37 du code des marchés publics, en utilisant irrégulièrement la procédure dérogatoire des marchés de conception-réalisation de travaux, il résulte de l'instruction, notamment de l'article 4.2 du programme de travaux porté à la connaissance de l'ensemble des candidats, que le marché comportait des engagements contractuels sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique, en rapport direct avec l'objet du marché conclu en vue de la rénovation de la résidence ; que, par ailleurs, cette irrégularité, à la supposer établie, qui se rapporte à une phase de la procédure antérieure à la sélection des offres, n'est pas susceptible d'avoir lésé la société requérante, dont la candidature au sein du groupement a été admise et qui a présenté une offre correspondant à l'objet du marché, laquelle n'a été écartée qu'au motif qu'elle n'était pas la plus avantageuse économiquement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 37 du code des marchés publics doit être en tout état de cause écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'aux termes du règlement de la consultation, il devait être procédé au jugement des offres sur le critère du prix et celui de la valeur technique de l'offre ; que la combinaison des critères et sous-critères fixés permettait, eu égard à l'objet du marché, de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse ; que, par suite, la société Lang n'est pas fondée à soutenir que le CROUS des Pays de la Loire aurait dû retenir un critère de sélection des offres en matière de performance énergétique, alors au demeurant que l'optimisation des performances thermiques de la cité universitaire constituait une prescription du marché ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que si la société Lang soutient que l'offre de la société SPIE Batignolles aurait dû être rejetée comme irrégulière dès lors que cette société a commis une faute professionnelle grave, en raison d'un manquement au droit de la concurrence sanctionné par l'autorité de la concurrence de nature à exclure sa candidature, ni les dispositions de l'article 45 du code des marchés publics, ni celles du d. du 2 de l'article 45 de la directive 2004/18/CE n'imposent d'exclure automatiquement la candidature d'une entreprise condamnée par le passé pour un tel manquement ; que, par ailleurs, il n'est pas établi par les allégations de la société Lang que l'entreprise attributaire aurait présenté une candidature irrégulière en raison de l'existence d'une " entente " ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 45 du code des marchés publics et du d) du 2 de l'article 45 de la directive du 31 mars 2004 ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'avis d'appel public à la concurrence faisait état pour les travaux de restructuration de la cité universitaire de Heinlex à Saint-Nazaire d'une " enveloppe financière globale de 9 700 000 euros " ; que le règlement de consultation indiquait en son article 4 " Montant des travaux " que " l'enveloppe financière disponible (études, travaux) est estimée à 12 300 000 euros " ; qu'à la question du groupement " Lang et autres " de savoir, compte tenu de l'écart constaté entre ces deux documents, quel était le montant à prendre en compte pour l'enveloppe globale, le CROUS des Pays de la Loire a répondu que " l'enveloppe financière se monte à 12 300 000 euros " ; que la société Lang soutient que des informations erronées ont été nécessairement délivrées au groupement dont elle faisait partie et que le pouvoir adjudicateur a donc manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors que son offre d'un montant de 11 494 500 euros était en concurrence avec trois autres offres portant sur des montants compris entre 8 900 000 euros et 9 371 000 euros ; que, toutefois, l'écart du montant de l'enveloppe financière contenu dans l'avis d'appel public à la concurrence et dans le règlement de la consultation ne caractérise pas en lui-même une mauvaise définition de ses besoins par le pouvoir adjudicateur dès lors que cette différence s'explique par l'accord donné par le conseil régional, intervenu après la publication de l'avis d'appel à la concurrence, au financement pour partie de l'opération ; que, par ailleurs, à une demande d'information complémentaire sur ce point du groupement, il lui a été précisé que l'enveloppe financière s'élevait à 12 300 000 HT ; que d'autres candidats concurrents ayant posé la même question au CROUS ont bénéficié de la même information ; qu'ainsi la société requérante, dont le montant de l'offre est imputable à son choix de proposer une reconstruction après démolition, n'établit pas qu'elle a disposé d'une information erronée sur le montant des travaux, expliquant que les trois autres groupements concurrents ont déposé une offre n'excédant pas le coût de 9 700 000 euros ; que, par suite, le moyen tiré d'une inégalité de traitement entre les candidats manque en fait ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Lang et le groupement d'entreprises Lang et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du CROUS des Pays de la Loire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société Lang et le groupement d'entreprises au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lang le versement au CROUS des Pays de la Loire d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Lang et du groupement " Lang et autres " est rejetée.
Article 2 : La société Lang versera au CROUS des Pays de la Loire une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lang, au Groupement d'Entreprises Lang et au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires des Pays de la Loire.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01662