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27/04/2018 | FRANCE | N°17NT00364

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 avril 2018, 17NT00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 22 novembre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique.

Par un jugement n° 1609801 du 25 novembre 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, M. A...représenté par Me B...dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 22 novembre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique.

Par un jugement n° 1609801 du 25 novembre 2016 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, M. A...représenté par Me B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 novembre 2016 ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 22 novembre 2016 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté portant réadmission :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée et n'a aucunement explicité les raisons qui le conduisaient à refuser la demande de M. A...de prendre en charge sa demande d'asile en dehors du cadre des critères hiérarchiques définis par le règlement Dublin III ;

- la situation personnelle de M. A...n'a pas été examinée ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- l'illégalité de l'arrêté portant réadmission entraîne l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 26 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente.

1. M.A..., ressortissant guinéen, entré irrégulièrement en France le 22 août 2016 a formé une demande d'asile en préfecture de Loire-Atlantique le 6 septembre 2016. Le préfet, informé de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré les 2 et 3 août 2016 en Italie où il a sollicité l'asile, a saisi le 7 septembre 2016 les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. A...sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté le 22 septembre 2016 cette reprise en charge. Par deux arrêtés du 22 novembre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique d'une part, a ordonné la remise de M. A...aux autorités italiennes, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département pour une durée maximale de quarante cinq jours. M. A...relève appel du jugement du 25 novembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté contesté qu'il vise, en particulier les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New York, les règlements (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, n°603/2013 du même jour et n°118/14 du 30 janvier 2014 et les différentes dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est ainsi suffisamment motivé en droit. Par ailleurs, il indique les éléments de fait propres à la situation de M. A...et est ainsi également suffisamment motivé en fait. Dès lors une telle motivation ne révèle ni un défaut d'examen particulier de sa demande ni que le préfet aurait fait une application automatique et stéréotypée des dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

3. En deuxième lieu, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement n°603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision de remise aux autorités italiennes.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu remettre le 6 septembre 2016 en préfecture, lors de l'entretien individuel organisé pour le dépôt de sa demande d'asile, le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin rédigée par la Commission (guide B) et une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes, rédigée par la Commission (guide A). Cette information lui a été donnée en langue française, langue que M. A...a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

6. D'une part, le requérant a bénéficié le 6 septembre 2016 d'un entretien, assuré par un agent de la préfecture dont le règlement applicable n'exige pas que l'identité soit mentionnée dans la procédure. D'autre part, aucun élément du dossier n'établit que cet agent ne serait pas une personne qualifiée en vertu du droit national. Enfin, il ressort des pièces du dossier que cet entretien, au cours duquel l'intéressé a pu faire valoir ses observations et poser des questions, a été conduit en langue française, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable " et aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'une demande d'asile est en principe examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Le paragraphe 1 de cet article prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".

8. D'une part, si M. A...a informé le préfet avoir des problèmes de santé sérieux et fait valoir qu'un frère et un demi-frère résident en France, il n'est pas établi qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie des soins appropriés à son état de santé. En outre sa présence en France est récente et la présence de membres de sa famille sur le territoire national n'est pas avérée. Dans ces conditions le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. D'autre part, si M. A...fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, il n'établit pas que cette seule circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage, par les pièces et documents à caractère général qu'il produit, qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la commission de l'Union européenne n'a aucunement suspendu les transferts vers l'Italie des demandeurs d'une protection internationale dans le cadre du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

10. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les articles L. 561-2, R.561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique les raisons pour lesquelles M. A...est assigné à résidence ainsi que la durée et les modalités de cette mesure. Par suite, l'arrêté contesté est suffisamment motivé.

11. En dernier lieu, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 novembre 2016. Doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

La présidente,

N. TIGER-WINTERHALTERL'assesseur le plus ancien,

S. RIMEU

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT00364 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00364
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-27;17nt00364 ?
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