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30/03/2018 | FRANCE | N°16NT03600

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 mars 2018, 16NT03600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 avril 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer des visas de long séjour à son épouse et à ses deux enfants en qualité de membres de la famille d'un réfugié statutaire.

Par un jugement n° 1404719, 1408823 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 31 octobre 2016 M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 avril 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer des visas de long séjour à son épouse et à ses deux enfants en qualité de membres de la famille d'un réfugié statutaire.

Par un jugement n° 1404719, 1408823 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2016 M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 18 avril 2014 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau la situation des demandeurs, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision contestée n'était pas entachée d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, alors que les actes d'état civil produits à l'appui des demandes de visa permettent d'établir les liens familiaux qui l'unissent aux demandeurs de visas ; la seule circonstance qu'il existe une discordance sur ces actes quant au lieu de naissance des membres de sa famille n'est pas de nature à permettre de considérer que ces actes sont frauduleux ; aucune procédure de vérification de la validité de ces actes n'a été mise en oeuvre par l'administration ; les erreurs commises dans la tenue de l'état civil soudanais ne lui sont pas imputables ; il a produit le certificat de mariage que lui a délivré l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a valeur d'acte authentique en vertu de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la valeur probante n'est remise en cause par aucun des éléments produits par l'administration ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'elle fait obstacle à la préservation de l'unité de sa famille.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...A...ne sont pas fondés.

M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2016 rectifiée le 12 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant soudanais né en 1982, est entré en France le 25 août 2010 et a obtenu la qualité de réfugié statutaire le 22 septembre 2011 ; qu'il a formulé en 2012 une demande de réunification familiale puis des demandes de visas de long séjour en faveur de son épouse, Mme G...F...B..., et de leurs deux enfants, Randa D...A...B...et Abdeullatif D...A...B..., nés en 2007 et 2009 ; que, par une décision du 8 janvier 2014, les autorités consulaires françaises à Khartoum (Soudan) ont refusé de délivrer ces visas ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision le 18 avril 2014 aux motifs, d'une part, que les documents d'état civil et passeports présentés par les trois demandeurs de visa comportaient des anomalies et des discordances leur ôtant tout caractère probant et, d'autre part, qu'il n'y avait pas de preuve du maintien d'échanges réguliers entre les époux allégués, M. B... A...n'apportant, par ailleurs, aucun élément permettant d'établir qu'il ait contribué ou contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants dont il sollicitait la venue en France, ni qu'il leur apporterait un soutien affectif ou communiquerait régulièrement avec eux ; que M. B...A...relève appel du jugement du 22 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant du refus de visa opposé à Mme F...B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays. Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 752-1 de ce même code, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. / (...) " ;

3. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, lendemain de leur publication au Journal officiel, à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas sollicités sur le fondement du respect du principe de l'unité familiale du réfugié ou du protégé subsidiaire tel qu'issu des stipulations de la convention du 28 juillet 1951 ; qu'il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font foi, quelle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile et, en cours d'instance, à l'article R. 633-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...A..., bénéficiaire du statut de réfugié, a produit un certificat établi par le directeur de l'OFPRA le 16 septembre 2011, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, attestant de son mariage avec Mme F...B...le 5 mai 2005 à Abu Suruj ; qu'en l'absence de mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence du lien matrimonial unissant M. B...A...à Mme F...B... ; que c'est, par suite, à tort que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour présentée par Mme F...B... ; que la décision contestée du 18 avril 2014 doit, dans cette mesure, être annulée ;

S'agissant des refus de visa opposés aux enfants Randa et Abdeullatif :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ; que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet la réunification familiale des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figure notamment au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa ;

6. Considérant qu'à l'appui des demandes de visas présentées pour les enfants Randa et Abdeullatif ont été produits pour chacun d'eux la copie d'un acte de naissance établie le 9 octobre 2013 ainsi que celle d'un passeport daté de juin 2013, faisant état d'une naissance à Sirba pour l'enfant Randa et à El Ginaina / Algenaa pour l'enfant Abdeullatif ; que de nouvelles copies d'actes de naissance ont été produites à l'appui du recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, datées cette fois du 19 août 2013, soit antérieurement aux premières, et faisant état d'un lieu de naissance différent pour l'enfant Randa ; qu'ont été également été fournies à cette occasion les copies de nouveaux passeports datant de 2014, alors que les premiers documents étaient encore valides, mentionnant un lieu de naissance différent pour l'enfant Abdeullatif ; qu'enfin, dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif, de nouvelles versions des actes de naissance des intéressés ont été produites, indiquant un troisième lieu de naissance pour les deux enfants ; que dans ces conditions, les documents produits ne peuvent pas permettre, eu égard à leur multiplicité et aux discordances qu'ils comportent, de regarder comme établi l'état civil exact des enfants demandeurs de visa ni, par voie de conséquence, leur lien de filiation avec M. B...A... ; que le requérant ne se prévaut, par ailleurs, en appel d'aucun élément de possession d'état permettant d'établir ce lien de filiation ; que la décision contestée n'est, par suite, pas entachée d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en ce qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour aux enfants Randa et Abdeullatif ;

7. Considérant, enfin, que dès lors qu'il résulte des énonciations du point 6 du présent arrêt que le lien de filiation dont se prévaut M. B...A...à l'égard des deux enfants demandeurs de visa n'est pas établi, celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... A...n'est fondé à soutenir qu'en ce qui concerne le refus de visa opposé le 18 avril 2014 par la commission de recours à Mme F...B...que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Considérant que le présent arrêt implique uniquement, pour son exécution, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur d'examiner à nouveau la demande de visa de long séjour présentée pour Mme F...B..., et ce dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais de l'instance :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme dont M. B...A...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404719, 1408823 du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2016 en tant qu'il rejette les conclusions de M. B...A...tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un visa de long séjour à Mme F...B...contenue dans la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 18 avril 2014 ainsi que cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur d'examiner à nouveau la demande de visa de long séjour présentée pour Mme F...B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

Le rapporteur,

B. MassiouLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03600
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CHENEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-30;16nt03600 ?
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