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30/03/2018 | FRANCE | N°16NT01900

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 mars 2018, 16NT01900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...D..., néeC..., Mme A...C...et M. F...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur mère, JeanneH..., la somme de 135 600,30 euros en réparation des préjudices résultant des infections nosocomiales contractées par cette dernière à la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 3 septembre 2009 au

centre hospitalier universitaire de Brest, et de condamner l'ONIAM à leur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...D..., néeC..., Mme A...C...et M. F...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur mère, JeanneH..., la somme de 135 600,30 euros en réparation des préjudices résultant des infections nosocomiales contractées par cette dernière à la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 3 septembre 2009 au centre hospitalier universitaire de Brest, et de condamner l'ONIAM à leur verser diverses sommes au titre de leurs préjudices propres.

Par un jugement n° 1304537 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Rennes a notamment condamné l'ONIAM à verser aux consorts D...- C...la somme de 47 332,65 euros en leur qualité d'ayants droit de Jeanne H...et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par ces derniers en leurs noms propres.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 juin 2016 et le 6 novembre 2017, Mme D..., Mme C...et M.C..., représentés par MeG..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer ce jugement du 31 mars 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur verser, en leur qualité d'ayants droit de JeanneH..., la somme de 144 659,45 euros et, au titre de leurs propres préjudices moral et d'accompagnement une somme de 14 000 euros, sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2013, date de réception de leur demande préalable, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a mal évalué le montant de la réparation qui leur est due en qualité d'ayants droit de leur mère au titre des préjudices suivants : frais divers, assistance par tierce personne, dépenses de santé futures, frais d'aménagement de la douche, préjudice esthétique temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique permanent et préjudice d'agrément ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ils sont fondés à demander la réparation de leur préjudices propres.

La requête a été communiquée le 20 juin 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-Morbihan qui n'a pas produit de mémoire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 juillet 2016 et les 25 octobre et 20 novembre 2017 l'ONIAM, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que JeanneH..., néeC..., a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Brest le 3 septembre 2009 pour une pose de prothèse de la hanche droite ; que les suites de cette intervention ont notamment été compliquées par l'apparition d'infections qui ont nécessité un traitement par antibiothérapie et plusieurs reprises chirurgicales ; que la prise en charge de ces complications a duré jusqu'au 1er juillet 2011, date du retour à son domicile de JeanneH... ; que celle-ci, estimant avoir été victime d'infections nosocomiales, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne le 8 juin 2011 ; que, sur la base d'une expertise du 20 février 2012, cette commission a rendu un avis favorable à l'indemnisation de Jeanne H...au titre de la solidarité nationale ; que, le 12 décembre 2012, l'ONIAM a fait une offre d'indemnisation partielle à l'intéressée qui ne l'a pas acceptée ; que Jeanne H...est décédée le 27 janvier 2013 de causes étrangères à la pathologie en litige ; que Mme I...D..., néeC..., Mme A...C...et M. F...C..., ses enfants, relèvent appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes n'a fait que partiellement droit aux demandes indemnitaires présentées contre l'ONIAM ;

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : /1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté en appel par l'ONIAM que Jeanne H...a été victime de plusieurs infections nosocomiales dans les suites de l'opération de pose de prothèse de hanche qu'elle a subie le 3 septembre 2009 au centre hospitalier universitaire de Brest ; qu'il résulte également de l'instruction que le taux d'incapacité permanente résultant pour la patiente de ces infections est supérieur à 25% ; que, par suite, les préjudices subis par Jeanne H...sont indemnisables par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;

Sur les préjudices de MmeH... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Jeanne H...a engagé les services d'un médecin pour l'assister pendant les opérations d'expertise ; qu'il y a lieu d'indemniser les requérants d'une somme de 600 euros au titre des honoraires versés à ce médecin et d'une somme de 35,94 euros correspondant aux frais de mise à disposition par l'administration du dossier médical de sa patiente ; qu'en revanche, comme l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, les requérants ne justifient pas du paiement d'une somme de 380 euros correspondant à la rédaction d'un rapport médical qui n'est pas produit et dont l'utilité pour la résolution du présent litige n'est pas démontrée ; que, par suite, l'indemnisation au titre de ce chef de préjudice doit être maintenue à 635,94 euros ;

5. Considérant que les requérants n'apportent pas la preuve que Jeanne H...aurait engagé des dépenses pour l'aménagement d'une douche ou pour l'adaptation de son fauteuil roulant ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à en demander le remboursement ; qu'en revanche, ils justifient de dépenses de santé restées à la charge de Jeanne H...après la date de consolidation de son état de santé pour un montant total de 248,88 euros ; qu'il y a donc lieu de les indemniser de ce chef de préjudice à hauteur de ce montant ;

6. Considérant que l'expert a estimé le besoin quotidien de Mme H...en assistance par tierce personne à compter du 11 juillet 2011 à 4 heures et 15 minutes, décomposées comme suit : 1 heure et 15 minutes pour les soins à domicile, 2 heures pour l'assistance familiale et 1 heure pour l'aide au ménage ; que la période indemnisable prend fin le 27 janvier 2013, date du décès de JeanneH... ; qu'il résulte de l'instruction que celle-ci a eu recours à des prestations privées pour les soins à domicile, qui lui ont été facturées 24 euros de l'heure en moyenne, et pour l'aide au ménage, au coût horaire moyen de 13,47 euros en 2011 et 15,94 euros en 2012 ; que sur la base des frais réellement engagés par Jeanne H...au titre de ces deux prestations et du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des charges sociales (12,86 euros en 2011, 13,16 euros en 2012, 13,20 euros en 2013) pour l'assistance familiale, le montant indemnisable est de 39 486,73 euros ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Rennes, il y a lieu de déduire de cette somme le montant de l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA) que le département du Finistère a versée à Jeanne H...pour compenser sa perte d'autonomie, dès lors que l'APA est une aide versée pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie, qui peut notamment servir à rémunérer une aide à domicile, et qu'elle est restée définitivement acquise à Jeanne H...et ne peut faire l'objet d'une action en remboursement sur sa succession, en application des dispositions de l'article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles ; qu'il résulte de l'instruction que Jeanne H...a perçu au titre de l'APA 13 010 euros entre le 14 juin 2011 et le 21 janvier 2013 ; qu'il n'y a pas lieu de déduire de ce montant, comme l'a fait le tribunal administratif, la somme versée à Jeanne H...avant le 1er juillet 2011, dès lors que l'APA lui a été attribuée dans sa totalité pour compenser la perte d'autonomie résultant des infections nosocomiales dont elle a été victime ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du montant indemnisable au titre de l'assistance par tierce personne en accordant aux requérants la somme de 26 476,73 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

7. Considérant que le déficit fonctionnel permanent de Jeanne H...a été estimé à 35% par l'expert ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice doit prendre en compte l'espérance de vie moyenne et la circonstance que la victime est décédée avant son indemnisation ; qu'eu égard à la circonstance que Jeanne H...avait une espérance de vie d'environ 8 ans à la date de consolidation de son état de santé et qu'elle a vécu un peu plus d'un an après cette même date, il y a lieu de confirmer l'évaluation faite par les premiers juges de ce chef de préjudice en allouant aux requérants une somme de 8 000 euros, somme acceptée par l'ONIAM ;

8. Considérant que l'expert a estimé que Jeanne H...a subi un préjudice esthétique temporaire et permanent en raison de son obligation de se présenter aux autres en fauteuil roulant ; qu'il a évalué à 3 sur une échelle de 0 à 7 le préjudice esthétique permanent et n'a pas chiffré le préjudice temporaire ; qu'il convient de tenir compte pour l'évaluation de ce préjudice de l'âge de Jeanne H...à la date de la consolidation de son état de santé et de la circonstance que son décès est survenu un an environ après cette date ; que, dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de ces deux chefs de préjudice en allouant aux requérants une somme globale de 1 000 euros ;

9. Considérant que les requérants n'établissent pas la matérialité du préjudice d'agrément dont aurait souffert JeanneH... ; que le rejet de ce chef de préjudice par le tribunal administratif doit donc être confirmé ;

10. Considérant que les montants accordés en première instance aux requérants en compensation des autres chefs de préjudice sont acceptés en appel par les requérants et par l'ONIAM ; qu'il y a donc lieu de maintenir les indemnités octroyées par le tribunal administratif aux titres de l'achat de petit matériel pour un montant de 1 280,19 euros, des frais d'hébergements restés à la charge de Jeanne H...pendant sa convalescence à raison de 1 841,78 euros, du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 13 500 euros et des souffrances endurées pour un montant de 12 000 euros ;

Sur les préjudices propres des requérants :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II.- Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; que s'il résulte de ces dispositions que le régime d'indemnisation au titre de la solidarité nationale qu'il prévoit ne peut bénéficier qu'à la victime du dommage corporel et, en cas de décès, à ses ayants droit, celles de l'article L. 1142-1-1 du même code, citées au point 2, instituent un régime spécifique de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales les plus graves qui a vocation à réparer l'ensemble de ces dommages, qu'ils aient été subis par les patients victimes de telles infections ou par leurs proches ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Jeanne H...a fait appel à des prestataires pour l'aide quotidienne dont elle avait besoin et que les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice d'accompagnement qu'ils invoquent ; qu'en revanche le préjudice d'affection résultant pour eux des souffrances endurées par leur mère et de sa perte d'autonomie doit être regardé comme établi ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce dernier préjudice en leur allouant à chacun une somme de 2 000 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser aux requérants en leur qualité d'ayants droit de Jeanne H...une somme de 64 983,52 euros et en réparation de leurs préjudices propres une somme globale de 6 000 euros ;

14. Considérant que les consorts D...- C...ont droit aux intérêts sur les sommes accordées au point précédent à compter du 22 octobre 2013, date de réception de leur demande indemnitaire préalable ; que les intérêts échus à compter du 22 octobre 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts D...- C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme totale que l'ONIAM a été condamné à verser aux consorts D...par le tribunal administratif de Rennes est portée à 70 983,52 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 22 octobre 2013. Les intérêts échus le 22 octobre 2014 seront capitalisés à cette date, puis à chaque date anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n°1304537 du tribunal administratif de Rennes du 31 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à MmeD..., Mme C...et M. C...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...D..., à Mme A...C..., à M. F... C..., à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère-Morbihan.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur

- M. Berthon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01900
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SOCIETE AVOCATS CARTRON-LHOSTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-30;16nt01900 ?
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