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30/03/2018 | FRANCE | N°16NT01630

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 mars 2018, 16NT01630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C...et A...E...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner in solidum la commune de Bourgueil et son assureur, la société MMA IARD, à leur verser la somme de 61 363,50 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant le mûr de clôture de leur propriété.

Par un jugement n° 1503179 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune de Bourgueil à leur verser à ce titre la somme de 31 577,60 euros.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 mai, 21 octobre et 8 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. C...et A...E...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner in solidum la commune de Bourgueil et son assureur, la société MMA IARD, à leur verser la somme de 61 363,50 euros en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant le mûr de clôture de leur propriété.

Par un jugement n° 1503179 du 31 mars 2016, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la commune de Bourgueil à leur verser à ce titre la somme de 31 577,60 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 mai, 21 octobre et 8 décembre 2016, MM.E..., représentés par MeF..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 mars 2016 en tant qu'il a limité à 31 577,60 euros le montant de la somme mise à la charge de la commune de Bourgueil ;

2°) de condamner la commune de Bourgueil à leur verser la somme globale de 71 886,52 euros, ainsi que celle de 100 euros par mois, à compter du 28 août 2016 et jusqu'à la date de notification de l'arrêt à intervenir, au titre de leurs différents chefs de préjudice ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par la commune de Bourgueil ;

4°) de condamner la commune de Bourgueil à leur verser la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité sans faute de la commune de Bourgueil est engagée à leur égard ; ils n'ont commis aucune faute de nature à exonérer partiellement la commune de cette responsabilité ;

- la pose de contreforts porte atteinte à leur droit de propriété ; les travaux de confortement impliquent une dépossession partielle de leur propriété ;

- l'indemnisation allouée par le tribunal administratif ne permet pas la réparation intégrale de leur préjudice matériel, qui doit consister en une démolition puis une reconstruction du mur de clôture ; les travaux de réfection sont estimés à 61 363,50 euros TTC ; ils sollicitent la somme de 5 000 euros chacun au titre de la réparation de leur préjudice moral ; à titre subsidiaire, ils sollicitent la somme de 32 597 euros au titre de la réparation des préjudices esthétique, économique, de jouissance et de libre disposition de leur propriété consécutifs à la pose de contreforts ; ils sollicitent la somme de 100 euros par mois à partir du 28 août 2016 et jusqu'à la date de notification de l'arrêt à intervenir au titre du préjudice moral, esthétique et de jouissance résultant de la pose de ces contreforts ; ils sollicitent la somme de 2 452,72 euros au titre du remboursement des dépenses qu'ils ont exposées pour la réalisation des travaux de conservation et la somme de 249,20 euros correspondant aux frais engagés pour faire établir un constat d'huissier le 21 octobre 2016.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juillet et 27 décembre 2016, la commune de Bourgueil, représentée par MeB..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge l'intégralité du préjudice réparable, au rejet des conclusions présentées par les consorts E...et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de ces derniers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut d'entretien du mur de clôture par les requérants constitue une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité à hauteur de 20 % des dommages causés ;

- les moyens soulevés par MM. E... ne sont pas fondés.

L'instruction a été close au 9 novembre 2017, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour MM. E...a été enregistré le 5 mars 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que MM. E...sont propriétaires d'une maison située 11 clos des Coursannes à Bourgueil (Indre-et-Loire), leur terrain étant entouré d'un mur en pierre le séparant, au nord, de la rue des Coursannes dont ce mur assure le soutènement ; qu'ayant constaté le basculement de ce mur vers l'intérieur de leur propriété, les consorts E...ont déclaré ce sinistre à leur assurance le 25 novembre 2010 ; qu'après qu'une expertise a été diligentée par l'assureur, aucun accord amiable n'ayant pu être trouvé avec la commune de Bourgueil, les consortsE... ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire, qui a déposé son rapport le 24 avril 2015 ; que sur la base des conclusions de ce rapport, les requérants imputent le dommage causé au mur aux effets de l'intensification de la circulation sur la rue des Coursannes ; qu'ils ont saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande indemnitaire dirigée contre la commune de Bourgueil et son assureur, chiffrée à 61 363,50 euros ; que par un jugement du 31 mars 2016, ce tribunal a condamné la commune de Bourgueil à leur verser la somme de 31 577,60 euros à ce titre ; que MM. E...relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a ainsi limité le montant alloué au titre de la réparation de leurs préjudices ; que la commune de Bourgueil sollicite, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a retenu son entière responsabilité ;

Sur la responsabilité de la commune de Bourgueil :

2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; qu'il appartient toutefois préalablement à la victime de démontrer tant le caractère anormal et spécial de son préjudice que l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice subi et le ou les ouvrages incriminés ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;

3. Considérant qu'il ressort d'un acte notarié du 24 février 1966 produit par les consorts E...que ceux-ci sont propriétaires du mur qui fait l'objet des dommages ; que la rue des Coursannes, ouvrage public appartenant à la voirie communale de Bourgueil, borde ce mur qui en constitue, par ailleurs, le soutènement ; que les consortsE..., tiers à cet ouvrage, soutiennent que les désordres affectant ce mur sont imputables à l'intensification de la circulation dans cette rue ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise, qu'une portion du mur de la propriété des consorts E...au droit de la rue des Coursannes présente une forte inclinaison vers l'intérieur constitutive d'un début de basculement, sur une longueur d'environ trente-cinq mètres ; qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire qu'en l'absence de travaux de réfection ou de confortement, ce mur menace ruine ; que cette dégradation du mur est liée, au vu des deux rapports d'expertise, à la poussée de l'ouvrage public, les efforts subis par ce mur étant exclusivement causés par l'amplification de la circulation sur cette rue en termes de poids, de vitesse et de nombre de véhicules, jusqu'à dépasser la limite admissible par le mur ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction que la partie du mur d'enceinte de la propriété des requérants qui n'assure pas le soutènement de la voie communale n'a pas subi de tels mouvements et que le muret situé de l'autre coté de la rue des Coursannes connaît les mêmes désordres ; qu'en faisant valoir, sans apporter davantage d'éléments, que la date d'apparition de ces désordres n'est pas certaine et ainsi pas nécessairement liée à celle de l'intensification de la circulation sur la rue des Coursannes, dont le sens a été modifié en 2010, la commune de Bourgueil ne conteste pas utilement l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage subi par les consortsE... ; que ce dommage présente un caractère anormal et spécial ; que les requérants sont, par suite, fondés à solliciter l'engagement à cet égard de la responsabilité sans faute de la commune de Bourgueil ;

5. Considérant que la commune de Bourgueil fait valoir que le défaut d'entretien de leur mur, au demeurant vétuste, par les consortsE..., serait constitutif d'une faute de nature à l'exonérer partiellement de sa responsabilité ; que, toutefois, la seule circonstance selon laquelle ce mur n'aurait pas été entretenu depuis 1998 n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une telle faute, alors par ailleurs que la partie du mur ne longeant pas la rue des Coursannes ne connaît pas de désordres, qu'il n'avait pas été relevé de dommage particulier avant la déclaration de sinistre effectuée en 2010 et que le mur faisant face à celui des consorts E...au droit de la rue des Coursannes est affecté du même phénomène de dégradation ; que la commune de Bourgueil doit, par suite, être reconnue entièrement responsable des préjudices subis par les consortsE... ;

Sur les préjudices des consorts E...:

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que deux solutions techniques pourraient être envisagées pour mettre fin au dommage, l'une consistant à conforter le mur par la pose de contreforts reliés par une poutre, l'autre à démolir puis reconstruire le mur sur la longueur affectée par les désordres ; que les consorts E...sollicitent la réparation de leur préjudice matériel par la mise en oeuvre de cette seconde option ; que l'estimation de celle-ci à 61 303,50 euros, sur la base d'un taux de taxe sur la valeur ajouté de

10 %, selon un devis du 15 juin 2015, ne comprend toutefois pas l'incidence de la déconstruction du mur sur la voirie ni sur la digue d'un cours d'eau située à proximité et susceptible d'être affectée ; que, par ailleurs, si le mur concerné est endommagé, il ne s'est pas effondré et peut être conforté ; qu'ainsi, les travaux de réfection de cet ouvrage n'apparaissent pas strictement nécessaires pour assurer la cohérence de l'ensemble de la structure et le rendre conforme à sa destination, qui se limite à assurer la séparation matérielle de la propriété avec la voie communale et à en assurer le soutènement ni, par suite, à la réparation du dommage subi par les consortsE... ; qu'il y a lieu, par suite et ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, de chiffrer à 28 766,50 euros le montant du préjudice matériel des requérants, correspondant à celui des travaux de confortement estimés par un devis établi le 26 mars 2015 et en tenant compte du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % applicable en vertu des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les consorts E...sollicitent l'indemnisation des préjudices moral, de jouissance, de libre disposition et économique qu'ils subiraient dans l'hypothèse qui serait retenue de la pose de contreforts, seule la réfection du mur de leur propriété étant, selon eux, de nature à permettre la réparation complète de leur préjudice ; qu'eu égard, toutefois, aux énonciations du point 6 du présent arrêt, aucune indemnisation ne peut leur être allouée à ce titre ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas contesté que les requérants, alors même que la propriété en cause est à usage de résidence secondaire, y ont passé des vacances ou des week-ends, la demeure étant anciennement celles de leurs parents et la maison de leur enfance ; que, dans ces conditions, les consorts E...sont fondés à solliciter l'indemnisation d'un préjudice moral lié à la crainte de l'effondrement du mur et au trouble de jouissance subséquent ; que ce préjudice peut être évalué à la somme de 2 000 euros ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier d'un constat d'huissier dressé le 21 octobre 2016, que MM. E...ont, à titre conservatoire et à la suite des préconisations de l'expert judiciaire, fait installer sur la portion du mur endommagé huit contreforts en bois d'une largeur de trois mètres chacun ; que s'ils sont fondés à solliciter l'indemnisation du montant de ces travaux, à hauteur du montant justifié de 2 452,72 euros, ils n'établissent pas, en revanche, avoir subi un préjudice esthétique, de jouissance ou moral, du fait notamment de l'impact visuel limité depuis l'habitation et de l'importance de la taille du jardin de leur propriété ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants sont fondés à obtenir le remboursement des frais exposés, qui ont été utiles à la solution du litige et à la préservation de leurs droits, au titre de l'expertise judiciaire et du constat d'huissier du 21 octobre 2016, pour des montants respectifs de 2 811,10 euros et de 249,20 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, de porter à 36 279,52 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Bourgueil aux consorts E...et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans, d'autre part, de rejeter les conclusions en appel incident de la commune de Bourgueil ;

Sur les frais de l'instance :

12. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Bourgueil la somme de 1 500 euros au bénéfice de MM. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge des consorts E...le versement de la somme sollicitée au même titre par la commune de Bourgueil ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Bourgueil a été condamnée à verser aux consorts E...par le jugement n° 1503179 du tribunal administratif d'Orléans du 31 mars 2016 est portée à 36 279,52 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1503179 du tribunal administratif d'Orléans du 31 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Bourgueil versera aux consorts E...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions en appel incident présentées par la commune de Bourgueil et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à M. A... E..., à la commune de Bourgueil et aux Mutuelles du Mans Assurances.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

Le rapporteur,

B. MassiouLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01630
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET CORNU SADANIA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-30;16nt01630 ?
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