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16/03/2018 | FRANCE | N°17NT00877

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 mars 2018, 17NT00877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1610653 du 19 décembre 2016 le vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour : r>
1°) d'annuler ce jugement du vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 16 décembre 2016 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1610653 du 19 décembre 2016 le vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 16 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quarante huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle, au regard de la situation des demandeurs d'asile en Italie et de l'article 3 du règlement n° 604/2013 ;

- le critère de détermination de l'Etat responsable est erroné ;

- la décision, qui vise des dispositions du CESEDA qui ne lui sont pas applicables, est entachée d'erreur de droit ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le droit à l'information prévue par les articles L. 561-1 et R. 561-5 du CESEDA ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant réadmission vers l'Italie ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 562-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et renvoie également à ses écritures de première instance.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu.

1. Considérant que M.A..., ressortissant guinéen, a sollicité l'asile en France le 8 novembre 2016 ; que la consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en Italie le 16 mai 2015, le préfet de la Loire Atlantique a sollicité des autorités italiennes sa reprise en charge en application de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que cette demande a été implicitement acceptée par les autorités italiennes ; que par deux arrêtés du 16 décembre 2016, le préfet de la Loire Atlantique a décidé de remettre M. A...aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence ; que M. A...relève appel du jugement du 19 décembre 2016 par lequel le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;

Sur l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 16 novembre 2016 vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est ainsi suffisamment motivé en droit nonobstant la circonstance qu'il ne vise pas expressément l'alinéa de l'article 18 du règlement n° 604/2013, qui fonde la reprise en charge de M. A...par les autorités italiennes ; que le préfet de la Loire Atlantique fait état de la situation personnelle de M. A...et précise que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour vers l'Italie et, qu'eu égard à la durée limitée de sa présence en France, où il n'a aucun lien familial, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que dans ces conditions, la décision contestée est également suffisamment motivée en fait ; qu'en outre, la circonstance qu'elle vise des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables à la situation de M. A...n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité, dés lors que sont également visés les articles du même code applicables à la situation du requérant et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait mépris sur la base légale applicable ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'entretien réalisé le 8 novembre 2016 a été assuré par un agent de la préfecture, qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien ; que les dispositions précitées n'imposent pas que la qualité et le nom de cet agent figurent sur le compte rendu d'entretien ; qu'aucune circonstance ne permet d'établir que cet entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions en garantissant la confidentialité ; que l'entretien s'est déroulé en français, langue que M. A...ne conteste pas parler et comprendre, et il ne ressort pas du compte rendu que le requérant n'aurait pas pu faire valoir ses observations et poser des questions ; qu'enfin, aucune disposition n'interdit la remise de l'information prévue par l'article 4 du règlement n° 604/2013, lors de l'entretien prévu par l'article 5 du même règlement ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la décision est fondée sur les dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé et notamment sur le b) du 1 de son article 18, qui prévoit la reprise en charge par l'Etat membre responsable, d'une personne dont la demande d'asile est en cours d'examen ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le critère de détermination de l'Etat responsable serait erroné doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable " ; qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en s'abstenant de tenir compte des difficultés de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays confronté à un afflux massif de réfugiés ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision de remise aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

8. Considérant, d'autre part, que si l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent plusieurs Etats membres de l'Union européenne, notamment l'Italie, confrontés à un afflux sans précédent de réfugiés, il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est constant, en outre, que le requérant n'entre pas dans le champ du dispositif dérogatoire de relocalisation de l'examen des demandes d'asile prévu par la décision (UE) 2015/1601 du Conseil européen du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l'Italie et de la Grèce ; qu'ainsi, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes doit être écartée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé ; qu'il indique que M. A...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membres de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ;(...) " ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exécution de la décision de remise aux autorités italiennes ne demeurait pas une perspective raisonnable ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour " ; qu'aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie.(...)" ;

14. Considérant que la légalité d'un acte s'apprécie à la date de son édiction ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie ; qu'elle constitue ainsi une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont sans incidence sur la légalité de cette décision ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire Atlantique du 16 décembre 2016 décidant sa remise aux autorités italiennes et son assignation à résidence ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C... La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT008772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00877
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;17nt00877 ?
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