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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT04075

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 mars 2018, 16NT04075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Calvados a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Ouistreham a approuvé la proposition de lancement d'un appel à la concurrence pour la signature d'un marché de partenariat.

Par un jugement n° 1601640 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 9 mars 2016 du conseil municipal de Ouistreham.

Procédure devant la cour :

Par une requête et u

n mémoire, enregistrés les 16 décembre 2016 et 13 novembre 2017, la commune de Ouistreham, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Calvados a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 9 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Ouistreham a approuvé la proposition de lancement d'un appel à la concurrence pour la signature d'un marché de partenariat.

Par un jugement n° 1601640 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 9 mars 2016 du conseil municipal de Ouistreham.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2016 et 13 novembre 2017, la commune de Ouistreham, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande du préfet du Calvados ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la complexité du projet pour une commune de moins de 10 000 habitants aux services de dimensions réduites n'était pas avérée, alors que, tant l'évaluation préalable réalisée que l'avis de la mission d'appui au financement des infrastructures, démontrent le contraire ; son projet comporte une pluralité de prestations, de sites géographiques, de métiers et de performances très engageantes pour un volume très important ; cette approche globale est justifiée par des économies d'échelle mais également par des intérêts en termes de cohérence technique, d'efficacité de gestion et de performance énergétique ; à cet égard, la ville a connu par le passé de grandes difficultés pour exécuter et coordonner chacune de ces prestations, comme en témoigne l'état des ouvrages objets du contrat ;

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, ni l'évaluation préalable, ni aucune pièce versée par le préfet, ne permettait de conclure que le paiement différé aurait fondé le choix du contrat de partenariat, et encore moins que ce dernier en aurait constitué le motif essentiel ; l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales n'interdit pas que le paiement différé constitue, de manière non exclusive, un avantage du bilan.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2017, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Foyer de Costil, avocat de la commune de Ouistreham.

1. Considérant que, par une délibération du 9 mars 2016, la commune de Ouistreham a approuvé une proposition de lancement d'un appel à la concurrence pour la signature d'un marché de partenariat ayant pour objet l'aménagement et la rénovation de la voirie et de l'éclairage public ; que le préfet du Calvados a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d'annulation de cette délibération ; que la commune de Ouistreham relève appel du jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal a annulé ladite délibération ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : " I.-Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel une collectivité territoriale ou un établissement public local confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 1414-2 du même code, également dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : " I.-Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable précisant les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible, cette évaluation peut être succincte (...). Elle est présentée à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou à l'organe délibérant de l'établissement public, qui se prononce sur le principe du recours à un contrat de partenariat. II.-Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, il s'avère : 1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ; 2° Ou bien que le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ; 3° Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage " ;

3. Considérant que le contrat de partenariat constitue une dérogation au droit commun de la commande publique, réservée aux seules situations répondant aux motifs d'intérêt général qui y sont définis ; que répondent à un tel motif, outre l'urgence qui s'attache à la réalisation du projet, sa complexité, entendue comme mettant objectivement la personne publique dans l'impossibilité de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet et le caractère favorable du bilan entre les avantages et les inconvénients au regard d'autres contrats de la commande publique ; que l'incapacité objective de la personne publique à définir seule ces moyens doit résulter de l'inadaptation des formules contractuelles classiques à apporter la réponse recherchée ; que la démonstration de cette impossibilité incombe à la personne publique, et ne saurait se limiter à l'invocation des difficultés inhérentes à tout projet ;

4. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort de l'exposé des motifs de la délibération du 9 mars 2016 que le projet de la commune de Ouistreham serait complexe en ce qu'il comporte des travaux de rénovation ou d'entretien de voiries, des travaux de rénovation, de maintenance et de modernisation de l'éclairage public, des travaux de modernisation du système de signalisation tricolore, devenu trop vétuste, ainsi que des travaux de réaménagement de l'avenue de la Mer, principale artère commerciale de la commune, et des travaux d'aménagements de ronds-points ; que le rapport d'évaluation sur lequel s'est fondé le conseil municipal pour adopter la délibération en cause mentionne, en ce qui concerne la voirie, que " Les différents types d'interventions à envisager ... sont les suivants : réalisation ou réfection du revêtement en enrobés déjà existants, extension d'aménagement et uniformisation par quartier, réfection globale de voies, réfection de trottoirs endommagés par les réseaux racinaires et non adaptés au cheminement PMR, création de parkings végétalisés ou non. (...) aménagement de l'avenue de la Mer, (...) création de 3 giratoires franchissables ou non. " ; que cette énumération constitue un ensemble d'actions de conception, gestion et exécution de travaux de voirie et réseaux divers (VRD) dont la spécificité permettant de les soustraire au droit commun de la commande publique ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas justifiée par le rapport d'évaluation précité ; que de même, d'autre part, la description des travaux relatifs à l'éclairage public, ne permet en rien de déterminer en quoi la commune ne pouvait elle-même définir ses besoins en la matière, alors surtout qu'elle disposait d'un diagnostic précis de son éclairage public réalisé quelques années auparavant ; qu'enfin, s'agissant de la signalisation tricolore, le rapport d'évaluation se borne à constater que si le matériel est aux normes il présente une certaine vétusté, sans préciser en raison de quelle spécificité les travaux requis seraient d'une complexité telle que la commune ne pourrait elle-même définir ses besoins en vue de la passation de marchés publics ; que le rapport d'évaluation précise d'ailleurs que " Pour des marchés isolés, qui pris distinctement ne sont pas complexes, il serait délicat de justifier la complexité et donc de pouvoir recourir à la procédure de dialogue compétitif. " ;

5. Considérant, dans ces conditions, que la seule invocation, par la commune requérante, de la complexité qui résulterait de la multiplicité des travaux et prestations envisagés et de leurs difficultés techniques ne saurait suffire à justifier le recours au contrat de partenariat, en l'absence de circonstances particulières de nature à établir qu'il lui était impossible de définir, seule et à l'avance, les moyens propres à satisfaire ses besoins ; que ni le rapport final d'évaluation préalable, ni l'avis de la mission d'appui aux partenariats public privé ne sauraient constituer, devant le juge, la preuve de la complexité invoquée, alors même que la commune disposerait de services techniques réduits et que le regroupement sus-décrit de multiples travaux en un contrat global aurait été décidé dans un souci d'optimisation des coûts et de complémentarité dans la gestion des ouvrages ; que, par suite, la commune de Ouistreham n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient à tort estimé que n'était pas remplie en l'espèce la condition du recours au contrat de partenariat tenant à " la complexité du projet " prévue au 1° du II de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales précité ;

6. Considérant, en second lieu, que le rapport d'évaluation dont se prévaut la commune requérante justifie le recours au contrat de partenariat principalement par des développements généraux sur l'intérêt juridique et financier de ce contrat, sans justifier concrètement et précisément, au regard de la nature des travaux en cause et des besoins de la commune, en quoi le partenariat public privé présenterait, comme l'exige le 3° du II de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, " ... un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. " ; que, contrairement à ce qu'allègue la requérante, le tribunal administratif n'a pas jugé que ces dispositions interdiraient de regarder le paiement différé comme un avantage mais simplement qu'en l'espèce le contrat de partenariat a été choisi principalement pour bénéficier de cet avantage, en méconnaissance de la prescription desdites dispositions selon laquelle ce critère ne saurait à lui seul constituer un avantage ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Ouistreham n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 9 mars 2016 par laquelle son conseil municipal a approuvé le principe du recours à un contrat de partenariat public-privé en vue de l'aménagement et de la rénovation de la voirie et de l'éclairage public et a autorisé le maire à engager la procédure de passation de ce contrat ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Ouistreham de la somme que celle-ci sollicite au titre des frais exposés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Ouistreham est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ouistreham et au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 20 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDONLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B... La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT04075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT04075
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : CABINET PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt04075 ?
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