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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT01334

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mars 2018, 16NT01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelle de Poitiers Assurances a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat, en raison de sa responsabilité dans l'accident de la route survenu le 20 août 2010, à lui verser les sommes de 179 735,90 euros en remboursement de son intervention en réparation des préjudices liés au décès d'Hugo Le Borgne et des préjudices subis par Mme F...C..., 519 300 euros en remboursement de son intervention en réparation des préjudices subis par M. A...B..., et 41 086, 94 euros au tit

re de son intervention auprès de l'assureur du véhicule adverse en règlement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelle de Poitiers Assurances a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat, en raison de sa responsabilité dans l'accident de la route survenu le 20 août 2010, à lui verser les sommes de 179 735,90 euros en remboursement de son intervention en réparation des préjudices liés au décès d'Hugo Le Borgne et des préjudices subis par Mme F...C..., 519 300 euros en remboursement de son intervention en réparation des préjudices subis par M. A...B..., et 41 086, 94 euros au titre de son intervention auprès de l'assureur du véhicule adverse en règlement des dommages du camion accidenté.

Par un mémoire en intervention, M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 1 500 380,66 euros en réparation de son préjudice et à verser à la société Mutuelle de Poitiers Assurances la somme de 70 000 euros.

Par un jugement n° 1205060 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, M. A...B..., représenté par Me Dupont-Barrellier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 février 2016 ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 051 080,86 euros en réparation de son préjudice, en réservant le poste d'indemnisation des frais de logement adapté, et à verser à la société Mutuelle de Poitiers Assurances la somme de 519 300 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de déclarer l'Etat responsable à hauteur de la moitié des conséquences dommageables de l'accident et de le condamner à lui verser la somme de 876 118,33 euros, de réserver le poste d'indemnisation correspondant aux frais de logement adapté, de limiter à 316 439,43 euros le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et de rejeter celui de la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

4°) de rendre son arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et opposable à la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'Etat ne démontre pas l'entretien normal de l'ouvrage dont il a la charge ;

- le panneau de signalisation relatifs aux risques de chocs frontaux n'était pas visible des deux côtés de la voie, de sorte qu'ils ne pouvaient être aperçus par les usagers ;

- la signalisation était inadaptée ; le mauvais état de la chaussée n'était pas signalé ;

-la signalisation était insuffisante pour assurer la sécurité des usagers du fait de l'absence de glissière de sécurité centrale ou de muret de délimitation, de l'étroitesse de la chaussée et du mauvais état de son revêtement, tant sur sa partie centrale que sur son accotement, lequel était de nature à faire perdre à l'usager le contrôle de son véhicule ;

- des travaux d'élargissement et de mise en sécurité de la route, dont la réalisation était réclamée par les élus locaux depuis de nombreuses années, auraient dû être effectués pour assurer la sécurité des usagers ;

- aucune faute ne peut lui être imputée ; il ne ressort pas de l'enquête qu'il se serait assoupi ou aurait eu un malaise, le propos en ce sens de sa passagère constituant une simple supposition.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, représentée par MeD..., conclut à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 807 204,77 euros, assortie des intérêts au taux légal, et à ce que soit mises à la charge de l'Etat la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la responsabilité de l'Etat pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage dont il a la charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que les prétentions du requérant soient réduites à de plus justes proportions.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2017, la société Mutuelle de Poitiers Assurances, représentée par MeG..., conclut à la condamnation de l'Etat à lui indemniser les sommes exposées au titre de son intervention, à hauteur de 114 735,90 euros pour le décès d'Hugo Leborgne et pour Mme C...et la mère de celle-ci, propriétaire du véhicule conduit par M.B..., de 519 300 euros pour M. B...et de 41 086,94 euros pour l'assureur du véhicule adverse et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage dont il a la charge ;

- il ressort des procès-verbaux de gendarmerie que la partie centrale de la chaussée était en mauvais état sur les lieux de l'accident ;

- le lieu de l'accident était connu comme dangereux, la presse et les élus s'en faisant régulièrement l'écho et réclamant des travaux à l'Etat ; après l'accident, des travaux conséquents ont été effectués ;

- le panneau de signalisation relatif aux risques de chocs frontaux n'était pas visible des deux côtés de la voie, de sorte qu'il ne pouvait être aperçu par M.B... ; le mauvais état de la chaussée n'était pas non plus signalé ;

- aucune faute ne peut être imputée au conducteur du véhicule ; il ne ressort pas de l'enquête que M. B...se serait assoupi ou aurait eu un malaise, le propos en ce sens de sa passagère constituant une simple supposition.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Dupont-Barrellier, avocat de M. B...et de Me Gourdain, avocat de la société Mutuelle de Poitiers Assurances.

Une note en délibéré présentée pour M. B...par Me Dupont-Barrellier a été enregistrée le 26 février 2018.

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat l'indemnise des préjudices qu'il a subis en raison de l'accident de la circulation dont il a été victime le 20 août 2010 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère demande la condamnation de l'Etat à lui verser diverses sommes en remboursement de ses débours ; que la société Mutuelle de Poitiers Assurances conclut, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du 25 février 2016 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure ;

3. Considérant que, le 20 août 2010 vers 16h20, M. B...qui circulait à bord d'un véhicule également occupé par Mme C...et le neveu de celle-ci, Hugo Leborgne, sur le territoire de la commune de La-Ville-ès-Nonais, s'est déporté sur la gauche et a percuté violemment, au point kilométrique 32+500, un poids-lourd venant en sens inverse ; que M. B... et Mme C...ont été grièvement blessés dans cet accident et que le jeune H...est décédé ; que si cet accident de la circulation s'est produit sur une portion de la RN 176 rétrécie à deux voies, il résulte de l'instruction que le changement de configuration de la voie faisait l'objet d'une signalisation particulière destinée à attirer l'attention des usagers ; que, notamment, des panneaux de type " A18 " de signalisation du danger induit par le rétrécissement de la voie étaient apposés le long de la section bidirectionnelle de la RN 176 et que les couloirs de circulation à l'endroit de l'accident étaient séparés par une ligne blanche continue interdisant leur franchissement ; que si M. B...soutient que l'accident a été provoqué par la déformation de la chaussée, les éléments fournis par le préfet d'Ille-et-Vilaine révèlent qu'aucune aspérité ou déformation n'est susceptible d'expliquer le déport ou l'écart de son véhicule ; qu'en outre, le tronçon de voie en cause faisait l'objet d'une surveillance par la direction interdépartementale des routes Ouest, en dernier lieu le matin même du jour de l'accident, qui n'a rien révélé d'anormal ; que, par suite, ni les caractéristiques de la chaussée ni un défaut d'entretien normal de celle-ci ne sont à l'origine de l'accident dont a été victime M.B... ; que, dès lors, en l'absence de lien de causalité direct entre l'ouvrage public incriminé et le dommage subi par M. B..., c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...et la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions de la société Mutuelle de Poitiers Assurances :

5. Considérant que les conclusions de la société Mutuelle de Poitiers Assurances , présentées après l'expiration du délai d'appel, constituent un appel provoqué ; que la recevabilité d'un appel provoqué est subordonnée à l'admission de l'appel principal et à l'aggravation de la situation de l'auteur de ces conclusions ; que la situation de la société Mutuelle de Poitiers Assurances n'étant pas susceptible d'être aggravée par le présent arrêt, ses conclusions sont irrecevables et ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de déclaration de jugement commun :

6. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et à la société Mutuelle de Poitiers Assurances ayant la qualité de parties à l'instance, les conclusions de M. B... aux fins de déclaration de jugement commun sont sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes demandées par M.B..., par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et par la société Mutuelle de Poitiers Assurances au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et de la société Mutuelle de Poitiers Assurances sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, à la société Mutuelle de Poitiers Assurances et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 22 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT01334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01334
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DUPONT-BARRELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt01334 ?
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