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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT00748

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mars 2018, 16NT00748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) d'annuler, d'une part, la décision du 28 juin 2013 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Calvados et le ministre de l'intérieur ont refusé sa reprise de fonction au poste de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, la décision du 28 octobre 2013 du président d

u conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) d'annuler, d'une part, la décision du 28 juin 2013 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Calvados et le ministre de l'intérieur ont refusé sa reprise de fonction au poste de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, la décision du 28 octobre 2013 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Calvados le nommant au poste de chef de groupement de chef de pôle sécurité au centre hospitalier universitaire de Caen, enfin l'arrêté du 10 janvier 2012 de la même autorité nommant un nouveau directeur du SDIS du Calvados ;

2°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Calvados à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation de ses préjudices et d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours du Calvados et au ministère de l'intérieur de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement n° 1302175 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé les décisions précitées du 28 juin 2013 et du 28 octobre 2013, d'autre part, a condamné le service départemental d'incendie et de secours du Calvados à verser à M. F... la somme de 18 000 euros en réparation de ses préjudices et a enjoint au service départemental d'incendie et de secours du Calvados de réintégrer M. F...dans ses fonctions à compter du 28 juin 2013 et enfin a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires et rectificatifs enregistrés les 29 février 2016, 7 octobre 2016, 8 novembre 2016, 15 novembre 2017 et 29 janvier 2018 le service départemental d'incendie et de secours du Calvados, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 30 décembre 2015, à l'exception de son article 5 qui rejette le surplus des demandes présentées par M. F...;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. F...devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. F...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre les décisions du 10 juin 2012 et du 28 juin 2013 sont irrecevables ;

- la décision du 10 janvier 2012 portant nomination du colonel C...ne fait pas grief au requérant ;

* S'agissant de la décision de la décision du 28 octobre 2013 nommant M. F...au poste de chef de groupement de chef de pôle sécurité au centre hospitalier universitaire de Caen :

- la commission administrative paritaire, qui ne doit être consultée que lorsque la mutation comporte un changement de résidence ou une modification de la situation des intéressés, ne devait pas être saisie ;

- l'avis de vacance du poste a été publié par le ministère de l'intérieur ;

- l'affectation de M. F...au poste de chef de groupement résulte d'une transformation d'emploi ;

- son affectation correspond à son grade et à son expérience ;

- la décision du 26 mars 2012 a " pris acte " de la fin des fonctions de directeur du SDIS exercées par M.F... ;

- le harcèlement moral allégué n'est pas établi dès lors que M. F...a volontairement quitté ses fonctions de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados afin de poursuivre une formation au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur ;

- aucune faute ne peut être reprochée au service départemental d'incendie et de secours du Calvados en lien avec le préjudice professionnel et la dégradation de l'état de santé dont se prévaut M.F... ;

- M. F...n'assortit la demande d'indemnisation de son préjudice financier d'aucun justificatif ;

- M. F...n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice moral dès lors que le harcèlement moral dont il allègue avoir été victime n'est pas établi.

Par des mémoires enregistrés les 30 septembre 2016, 25 avril 2017, 18 janvier et 14 février 2018, M.F..., représenté par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes indemnitaires, à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours du Calvados à lui verser la somme totale de 250 000 euros et à ce que soit mise à la charge de ce dernier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

* S'agissant de la décision de la décision du 28 octobre 2013 le nommant au poste de chef de groupement de chef de pôle sécurité au centre hospitalier universitaire de Caen :

- le poste de chef de groupement et chef du pôle sécurité du centre hospitalier universitaire de Caen n'a pas été créé par une délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Calvados ;

- il a conservé juridiquement son poste de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados jusqu'au 28 octobre 2013 dès lors que sa nomination au poste de chargé de mission constituait une " nomination illégale pour ordre " ;

- le poste de chef de groupement et chef du pôle sécurité du centre hospitalier universitaire de Caen n'a pas fait l'objet d'une publicité d'avis de vacance ;

- sa nomination n'a pas été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente telle que prévue à l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- la décision contestée est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas été préalablement déchargé de ses fonctions de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados ;

- il a été nommé sur un poste ne correspondant ni à son grade, ni à son expérience dès lors qu'aucune responsabilité d'encadrement ne lui a été confiée ;

- sa nomination est entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle constitue une " sanction disciplinaire déguisée " ;

- la décision le nommant au poste de chef de groupement a été prise dans un contexte de harcèlement moral dont il a été victime ;

- la dégradation de son état de santé, imputable aux agissements du service départemental d'incendie et de secours du Calvados, lui a causé un préjudice qui doit être évalué à hauteur de la somme de 50 000 euros ;

- sa nomination au poste de chef de groupement lui a causé un préjudice professionnel qui doit être évalué à hauteur de la somme de 100 000 euros ;

- sa rétrogradation dans les fonctions de chef de groupement lui a causé un préjudice financier résultant de la perte de la nouvelle bonification indiciaire et de la prime de responsabilité attachées à l'exercice de ses fonctions de directeur du service départemental d'incendie et de secours du Calvados qui doit être évalué pour la période courant du mois de novembre 2013 au mois de mars 2016 à hauteur de la somme de 50 000 euros ;

- les agissements constitutifs de harcèlement moral et de mise à l'écart dont il a été victime lui ont causé un préjudice moral qui doit être évalué à hauteur de la somme de 50 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2017, le ministère de l'intérieur conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 28 juin 2013, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux et la décision du 28 octobre 2013, qu'il a condamné le service départemental d'incendie et de secours du Calvados à verser à M. F... la somme de 18 000 euros en réparation de ses préjudices et qu'il a enjoint à cet établissement de réintégrer M. F...dans ses fonctions.

Il soutient qu'il fait siennes les écritures présentées par le SDIS du Calvados.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Bernot, avocat de M.F....

Une note en délibéré présentée par Me B...a été enregistrée le 1er mars 2018.

1. Considérant que M.F..., colonel de sapeur-pompier professionnel a été nommé à compter du 1er mars 2002 au poste de directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados ; qu'à partir de mai 2010, un certain nombre de critiques lui ont, dans l'exercice de son activité, été adressées concernant notamment le traitement du dossier de la création d'une école de formation de sapeurs pompiers ; qu'il s'est inscrit à une formation au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur du 19 septembre 2011 au 30 juin 2012, sa candidature étant acceptée par la direction de la sécurité civile ; que pendant cette période, par un arrêté du 10 janvier 2012, le colonel C...a, à compter du 1er mars 2012, été nommé en tant que directeur du SDIS du Calvados en remplacement de M. F...dont le poste était considéré comme vacant ; que par des courriers des 26 mars et 27 mai 2013, M.F..., qui avait été en arrêt de maladie du 9 novembre 2011 au 2 avril 2012 et auquel une proposition d'affectation sur un poste de formateur à l'école nationale supérieure des officiers des sapeurs pompiers d'Aix-en-Provence avait été proposée, a manifesté le souhait d'être réintégré dans ses fonctions de directeur du SDIS du Calvados ; que par une décision du 28 juin 2013, le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et le ministre de l'intérieur ont rejeté sa demande ; que par une décision du 28 octobre 2013, le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados a alors prononcé sa mutation sur un poste de chef de groupement et chef du pôle sécurité au centre hospitalier universitaire de Caen ; que par une demande présentée le 29 novembre 2013, M. F...a saisi le tribunal administratif de Caen de demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2012 ainsi que des décisions précitées des 28 juin et 28 octobre 2013 et à la condamnation du SDIS du Calvados à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ces décisions et du harcèlement moral dont il estime avoir été la victime ;

2. Considérant que par un jugement du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, rejeté pour tardiveté la demande de M. F...en tant qu'elle était dirigée contre l'arrêté du 10 janvier 2012, d'autre part, annulé la décision précitée du 28 juin 2013 du président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et du ministre de l'intérieur, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par l'intéressé et la décision du 28 octobre 2013 du président du conseil d'administration du SDIS du Calvados, enfin, a condamné le SDIS à verser à M. F...la somme de 18 000 euros en réparation de ses différents préjudices ; que cette juridiction, faisant droit à la demande qui lui était adressée, a également, enjoint au SDIS du Calvados de réintégrer M. F...dans ses fonctions de directeur de cet établissement à compter du 28 juin 2013 ; que le SDIS du Calvados relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ; que, par la voie de l'appel incident, M. F... conclut au rejet de la requête et demande à la cour de porter à un montant total de 250 000 euros la somme que le SDIS du Calvados doit être condamné à lui verser ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la décision du 28 juin 2013 :

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 28 juin 2013 :

3. Considérant que le SDIS qui avait soutenu en première instance que la demande de M. F...dirigée contre la décision du 28 juin 2013 était irrecevable car " purement confirmative " de celle contenue dans le courrier du 26 mars 2012, fin de non recevoir qui a été écartée par le tribunal dès lors que ce courrier, à le supposer décisoire, n'était pas définitif faute de comporter mention des voies et délais de recours, soutient désormais en appel que ces deux " décisions " sont distinctes et différentes et que sont irrecevables les conclusions dirigées contre la " décision " du 26 mars 2012 qui n'ont pas été présentées dans un délai raisonnable ;

4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, repris au premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'il résulte des dispositions citées que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable ; que d'autre part toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

5. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier, et ainsi que le soutient d'ailleurs le SDIS dans ses écritures d'appel, que le courrier du 26 mars 2012 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados a informé M. F... de l'impossibilité de lui trouver une affectation en rapport avec son statut et de son intention de lui soumettre rapidement des propositions, a un objet différent de celle, intervenue 14 mois plus tard le 28 juin 2013, alors qu'au demeurant les circonstances de fait ont évolué, par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et le ministre de l'intérieur ont refusé de faire droit à la demande de M. F...tendant à sa réintégration dans ses fonctions de directeur du SDIS ; qu'il s'ensuit que le SDIS ne saurait, en se référant au principe énoncé au point précédent, utilement et en tout état de cause se prévaloir de la circonstance que l'absence de mention des voies et délais de recours dans le courrier du 26 mars 2012 faisait obstacle à l'exercice par l'intéressé d'un recours juridictionnel contre la décision contestée du 28 juin 2013 au-delà d'un " délai raisonnable " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...a adressé le 31 juillet 2013 au SDIS du Calvados et au ministre de l'intérieur deux recours gracieux dirigés contre la décision du 28 juin 2013, recours auquel il n'a pas été expressément répondu ; que le recours présenté par M. F...devant le tribunal le 29 novembre 2013, soit dans le délai de recours contentieux qui avait été prorogé, était ainsi bien recevable ;

Sur la légalité de la décision du 28 juin 2013 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 96 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. / Elle n'a d'effet qu'autant qu'elle est acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cette autorité. (...) " ;

7. Considérant que le SDIS du Calvados soutient de nouveau en appel que, dès le mois de septembre 2011, M. F...qui avait sollicité de suivre la formation au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur " avait demandé à être déchargé de ses fonctions de directeur " et avait ainsi " délibérément quitté son poste " conformément à ce qu'avait d'ailleurs indiqué le Président le 30 juin 2011 devant le conseil d'administration en présence de l'intéressé ;

8. Considérant qu'il ressort des termes de la décision contestée du 28 juin 2013 que le refus de réintégrer M. F...au poste de directeur du SDIS du Calvados a été motivé par le fait que ce dernier aurait volontairement quitté ses fonctions ; que toutefois, si le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et le ministre de l'intérieur ont considéré M. F... comme démissionnaire de ses fonctions de directeur, ce qui s'est notamment traduit par l'émission d'un avis de vacance du poste et une nomination de l'intéressé à un emploi de " chargé de mission " tout au long de sa période de formation au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur, il ne ressort toutefois pas davantage en appel qu'en première instance des pièces du dossier que M. F...ait transmis à l'autorité compétente une lettre manifestant sa volonté de démissionner de ses fonctions de directeur du SDIS du Calvados ; que la circonstance que l'intéressé ait souhaité suivre une formation, exerçant ce faisant un droit ouvert au fonctionnaire, au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur du 19 septembre 2011 au 30 juin 2012 ne saurait davantage être regardée comme manifestant une volonté non équivoque de cesser ses fonctions de directeur ; qu'en outre, si le SDIS du Calvados soutient que le courrier du 26 mars 2012, dont la teneur a été rappelée au point 6 et indiquant, en particulier, à M. F... l'impossibilité de lui trouver une affectation en rapport avec son statut n'a fait l'objet d'aucune contestation de l'intéressé, la circonstance que M. F... s'est borné, dans sa réponse du 28 mars 2012, à faire état de l'impossibilité de suivre la formation au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur sans contester expressément les éléments relatifs à son affectation contenus dans ce courrier ne peut non plus être regardée, ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, comme la manifestation d'une volonté non équivoque de quitter ses fonctions de directeur du SDIS ; que par suite, c'est à bon droit, que le tribunal a estimé que pour ces motifs, M. F...était fondé à soutenir que la décision du 28 juin 2013 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux étaient entachées d'illégalité ;

En ce qui concerne la décision du 28 octobre 2013 :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 1424-20-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les chefs de groupement officiers de sapeurs-pompiers professionnels sont nommés dans leur emploi par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours " ; qu'il est constant que la décision contestée du 28 octobre 2013 prise par le seul président du conseil d'administration du SDIS du Calvados nommant M. F...au poste de chef de groupement et chef de pôle sécurité au centre hospitalier universitaire de Caen est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées et est, par suite et comme le reconnait d'ailleurs expressément le SDIS du Calvados dans sa requête, entachée d'incompétence de son auteur ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la mutation dans l'intérêt du service ne constitue " une sanction déguisée " que s'il est établi que l'auteur de l'acte a eu en réalité l'intention de sanctionner l'agent et que la décision en cause a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier ; qu'il ressort des pièces du dossier que le SDIS du Calvados a reproché à M. F...certains faits dans l'exercice de ses fonctions de directeur du SDIS, notamment ses choix et ses carences dans le suivi de la délégation de la gestion de l'Ecole départementale des sapeurs-pompiers du Calvados ; qu'à la suite de difficultés persistantes dans le bon fonctionnement de la direction du SDIS, l'administration a d'ailleurs dans un premier temps, en décembre 2010, procédé au retrait des délégations de signature de M.F...; que dans le cadre de son affectation en qualité de chef de groupement et chef du pôle sécurité du centre hospitalier universitaire de Caen, M. F...s'est vu confier des missions de prévision opérationnelle et de formation des personnels ; que si le SDIS du Calvados persiste à soutenir devant la cour que l'affectation de M. F...au poste de chef de groupement et chef du pôle sécurité du centre hospitalier universitaire de Caen correspond à son grade et à son expérience, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la fiche de poste communiquée à l'agent par un courrier du 27 septembre 2013, que les fonctions confiées à l'intéressé n'étaient pas conformes à son grade de colonel sapeur-pompier professionnel, lequel implique nécessairement l'exercice de fonctions d'encadrement ; que, par ailleurs, le refus opposé par le nouveau directeur du SDIS de placer des sapeurs-pompiers sous la responsabilité de M. F...traduit l'intention de sanctionner l'agent ; que, dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation des circonstances de l'espèce, que les premiers juges ont pu estimer que le changement d'affection de M. F...devait être regardé comme une " sanction disciplinaire déguisée " intervenue, notamment en méconnaissance des règles relatives au respect de la procédure disciplinaire, et comme telle entachée d'illégalité ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SDIS du Calvados n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 28 juin 2013 du président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et du ministre de l'intérieur et celle du 28 octobre 2013 du président du conseil d'administration du SDIS du Calvados et lui a enjoint de réintégrer M. F...dans ses fonctions de directeur du SDIS du Calvados à compter du 28 juin 2013 ; que les conclusions présentées par le ministère de l'intérieur qui tendent aux mêmes fins ne peuvent, en conséquence et pour les motifs retenus aux points 8, 9 et10, qu'être rejetées ;

Sur l'appel incident présenté par M.F... :

12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. F...aurait été victime de faits constitutifs de harcèlement moral ; qu'en revanche, sa mise à l'écart illégale des fonctions de directeur du SDIS du Calvados que M. F...occupait, comme le refus illégal de le réintégrer dan ses fonctions ainsi que et sa nomination sur un poste ne correspondant pas à son grade révélant une " sanction disciplinaire déguisée " constituent des illégalités fautives ouvrant droit à réparation ;

13. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. F... a été contraint après l'arrêt de la formation qu'il avait commencée au Centre des hautes études du ministère de l'intérieur de " prendre son service " à son domicile pendant un an avant de se voir proposer un poste formateur à l'école nationale supérieure des officiers des sapeurs pompiers d'Aix-en-Provence puis un poste de " chargé de mission " transformé en chef de groupement sécurité incendie du CHU de Caen, placé sous l'autorité du directeur départemental, postes sans rapport avec son grade ; que, d'autre part, la santé de M. F...a été affectée du fait de la situation qui lui a été ainsi imposée, le docteur Emery, psychiatre, relevant dans un arrêt de travail qui lui avait été prescrit " l'existence d'un état dépressif majeur en relation avec sa vie professionnelle " ; que si le préjudice de carrière invoqué par M. F... n'est pas établi par les éléments de l'instruction et qu'il est constant que son traitement a été maintenu, il sera fait, en revanche, une plus juste appréciation du préjudice professionnel, du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. F... en lui allouant une somme globale de 22 000 euros ; que le jugement attaqué doit, dès lors, être réformé sur ce point ;

14. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction notamment des éléments joins au dossier relatifs à sa rémunération que M. F...en qualité de directeur du SDIS du Calvados percevait la nouvelle bonification indiciaire ainsi qu'une prime de responsabilité exceptionnelle ; que ces indemnités sont versées à tous les agents chargés des fonctions auxquelles elles sont attachées ; qu'elles doivent ainsi être prises en compte dans la détermination du préjudice financier subi par l'agent qui aurait dû les percevoir s'il n'avait été illégalement affecté à d'autres fonctions ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de paie versés au débat pour la période litigieuse que M. F...peut ainsi prétendre à ce titre, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, au versement des sommes de 6 042,44 euros et 780 euros, soit une indemnité totale de 6 822,44 euros qui sera mise à la charge du SDIS du Calvados ; qu'à cette somme doit également s'ajouter une indemnité de 3 050 euros représentant l'incidence de la perte de sa nouvelle bonification indiciaire pour la période en cause sur ses droits à pension ; que M. F... peut ainsi prétendre à une indemnité complémentaire totale de 9 872,44 euros ; que le jugement attaqué doit également être réformé dans cette mesure ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 18 000 euros que le SDIS du Calvados a été condamné à verser à M. F...en réparation de ses différents préjudices doit être portée à la somme totale de 31 872,44 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le SDIS du Calvados demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS du Calvados la somme de 1 500 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours du Calvados est rejetée.

Article 2 : La somme de 18 000 euros que le service départemental d'incendie et de secours du Calvados a été condamné à payer à M. F...est portée à la somme totale de 31 872,44 euros ;

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. F...ainsi que les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur sont rejetés.

Article 4 : Le jugement n° 1302175 du 30 décembre 2015 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 5 : Le service départemental d'incendie et de secours du Calvados versera à M. F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours du Calvados, à M. D...F..., à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-rapporteur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le président-rapporteur

O. CoiffetLe conseiller le plus ancien dans l'ordre du tableau,

E. Berthon

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00748
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL AVOXA NANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt00748 ?
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