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08/03/2018 | FRANCE | N°16NT01557

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 08 mars 2018, 16NT01557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Lib Air Ty a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 octobre 2014 par laquelle le maire de Colleville-sur-Mer a demandé à M.C..., en sa qualité de président de l'association Lib Air Ty, de cesser l'exploitation de la plate-forme ULM située au lieu-dit " La Perbulance " et de démonter la construction édifiée illégalement sur le terrain.

Par un jugement n° 1402401 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 mai 2016 et le 23 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Lib Air Ty a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 octobre 2014 par laquelle le maire de Colleville-sur-Mer a demandé à M.C..., en sa qualité de président de l'association Lib Air Ty, de cesser l'exploitation de la plate-forme ULM située au lieu-dit " La Perbulance " et de démonter la construction édifiée illégalement sur le terrain.

Par un jugement n° 1402401 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 mai 2016 et le 23 novembre 2017, l'association Lib Air Ty, représentée par son président M.C..., par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Colleville-sur-Mer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ elle a bien intérêt à agir pour attaquer la décision contestée ;

­ le maire est incompétent pour exiger le démontage de la construction au regard des dispositions des articles L.480-1 et L.480-9 du code de l'urbanisme ;

­ la décision contestée en tant qu'elle demande de cesser l'exploitation de la plate-forme est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure de régulariser sa situation et de présenter ses observations ; que cette même décision, en tant qu'elle constate une infraction aux règles d'urbanisme, aurait dû être prise selon la procédure prévue par les dispositions des articles L.480-1 et L.480-2 du code de l'urbanisme, notamment en faisant dresser un procès-verbal d'infraction et, en tout état de cause, en la mettant préalablement en demeure de présenter ses observations ;

­ la décision contestée manque de base légale dès lors que celle du préfet du Calvados du 2 avril 2014, qui a implicitement retiré l'autorisation tacite d'exploitation permanente intervenue le 11 mars 2014, est entachée d'illégalité pour avoir été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été mise en demeure de présenter ses observations en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

­ la décision du préfet du 2 avril 2014 est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que la plate-forme ULM existait depuis 2006, date à laquelle une déclaration préalable avait été déposée auprès du maire de Colleville-sur-Mer et que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ne font pas obstacle à l'utilisation d'une telle plate-forme ;

­ la décision contestée est illégale en tant qu'elle demande la cessation d'exploiter occasionnellement une plate-forme ULM.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2016, la commune de Colleville-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association Lib Air Ty la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de l'association requérante dès lors que la décision contestée est une simple mesure d'exécution de la décision préfectorale ;

­ les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du maire pour demander à l'association requérante de procéder au démontage d'une construction édifiée sans autorisation.

La commune de Colleville-sur-Mer a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public enregistrées le 23 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'aviation civile ;

­ le code de l'urbanisme ;

­ l'arrêté du 13 mars 1986 fixant les conditions dans lesquelles les aérodynes ultralégers motorisés, ou U.L.M., peuvent atterrir et décoller ailleurs que sur un aérodrome ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

1. Considérant que l'association Lib Air Ty exploite sur les parcelles cadastrées section B n°116 et B n°121, situées sur le territoire de la commune de Colleville-sur-Mer, une plate-forme ULM pour laquelle elle a déposé, le 19 juin 2006, auprès du maire de cette commune, une déclaration préalable pour pouvoir l'utiliser à titre occasionnel à des fins de vols privés ; que le 26 janvier 2014, elle a demandé au préfet du Calvados de pouvoir utiliser cette plate-forme de façon permanente pour y exercer une activité rémunérée ; que le préfet a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, au motif que les parcelles sont incluses en zone NP du plan local d'urbanisme communal dans laquelle aucune construction ne peut être autorisée en dehors de celles qui peuvent être nécessaires à la mise en valeur du milieu naturel ou des sites historiques et que le secteur concerné est inclus dans le périmètre classé d'Omaha Beach ; que se fondant sur cette décision, le maire de Colleville-sur-Mer a demandé à l'association Lib Air Ty, par un courrier du 10 octobre 2014, de cesser toute exploitation non autorisée et de procéder sans délai au démontage d'une construction édifiée sans autorisation ; que l'association Lib Air Ty relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 10 mars 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Colleville-sur-Mer :

2. Considérant qu'eu égard aux termes dans lesquels elle a été rédigée, la décision contestée du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 ne produit par elle-même aucun effet qui lui soit propre en tant qu'elle se borne, en demandant à l'association Lib Air Ty de " cesser toute exploitation non autorisée de cette plate-forme conformément à la décision préfectorale ", à tirer les conséquences de cette dernière décision ; que, dans ces conditions, cette demande ne peut être regardée comme une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il appartenait seulement à l'association Lib Air Ty, si elle s'y croyait fondée, de contester la décision préfectorale dans le délai de recours qui lui avait été notifié ;

3. Considérant, en revanche, que l'arrêté par lequel un préfet autorise, sur le fondement de l'article D 132-8 du code de l'aviation civile et de ses textes d'application, à titre précaire et révocable, l'utilisation d'un terrain comme plate-forme à usage des aérodynes ultra-légers motorisés, est pris à des fins exclusives de police de la circulation aérienne et n'est pas soumis au respect des règles d'urbanisme et en particulier de celles qui résultent des plans locaux d'urbanisme ; que, dans ces conditions, la demande, incluse dans la même décision contestée, de procéder, sans délai, au démontage d'une construction non autorisée, qui n'est pas la conséquence de la décision préfectorale, fait grief à l'association Lib Air Ty ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société requérante sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre la décision du 10 octobre 2014 lui demandant de cesser toute exploitation non autorisée de la plate-forme conformément à la décision préfectorale ; que la fin de non recevoir opposée par la commune doit donc être accueillie sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'infraction aux dispositions des projets d'aménagement et des plans d'urbanisme maintenus en vigueur dans les conditions énoncées soit à l'article L. 124-1, soit à l'article L. 150-1 (2è alinéa), ou en cas d'infraction aux dispositions des plans d'occupation des sols, des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 480-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public." ; que selon l'article L.480-2 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. / L'autorité judiciaire statue après avoir entendu le bénéficiaire des travaux ou l'avoir dûment convoqué à comparaître dans les quarante-huit heures. (...) " ; que l'article L. 480-4 dispose : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende (...) " ;

6. Considérant que si les dispositions qui précèdent donnent au maire, qui agit en qualité d'autorité administrative de l'Etat, préalablement à l'intervention de l'autorité judiciaire, l'obligation de constater par procès-verbal les infractions visées aux articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, et le pouvoir de prendre des mesures conservatoires d'interruption des travaux, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'ordonner aux personnes condamnées pour ces infractions de réaliser les travaux de mise en conformité ; que le maire de Colleville-sur-Mer, qui a constaté l'existence d'une construction édifiée sans autorisation sur les parcelles appartenant à l'association Lib Air Ty et a demandé à l'intéressée de procéder, sans délai, à son démontage, ne tenait d'aucun texte le pouvoir d'adresser à la requérante une telle demande et a ainsi entaché sa décision d'incompétence ;

7. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des moyens invoqués par l'association Lib Air Ty n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Lib Air Ty est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 en tant qu'elle lui demande de procéder, sans délai, au démontage d'une construction non autorisée ;

Sur les frais liés au litige:

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Colleville-sur-Mer la somme que l'association Lib Air Ty demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Colleville-sur-Mer soit mise à la charge de l'association Lib Air Ty, qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 est annulée en tant qu'elle demande à l'association Lib Air Ty de procéder, sans délai, au démontage d'une construction non autorisée.

Article 2 : Le jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'association Lib Air Ty tendant à l'annulation de la décision du maire de Colleville-sur-Mer du 10 octobre 2014 en ce qu'elle lui demande de procéder, sans délai, au démontage d'une construction non autorisée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association Lib Air Ty est rejeté.

Article 4: Les conclusions de la commune de Colleville-sur-Mer tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Lib Air Ty et à la commune de Colleville-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZLe greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT01557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01557
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-08;16nt01557 ?
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