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05/03/2018 | FRANCE | N°17NT01604

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 mars 2018, 17NT01604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Conakry refusant de délivrer un visa de long séjour à la jeune H...C...qu'elle présente comme sa fille ;

Par un jugement n° 1505694 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de rec

ours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au minist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Conakry refusant de délivrer un visa de long séjour à la jeune H...C...qu'elle présente comme sa fille ;

Par un jugement n° 1505694 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 24 mai 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du 16 mai 2017.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont jugé que les actes d'état civil présentés à l'appui de la demande de visa n'étaient pas apocryphes alors que la possession d'état n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2017 et régularisé le 12 juillet 2017, Mme E...C...conclut au rejet du recours et demande qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur n'est fondé dès lors que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation quant au lien de filiation, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale.

Mme E...C...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code civil ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ et les observations de MeD..., substituant Me F...-B..., représentant MmeC....

1. Considérant que Mme E... C..., qui était alors de nationalité guinéenne, est entrée sur le territoire français en 2005 ; qu'elle s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en 2006 puis la nationalité française le 23 février 2009 ; qu'elle a déposé le 19 septembre 2014 auprès de l'autorité consulaire française à Conakry une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour au profit de la jeune H...C..., née le 13 août 2003, qu'elle présente comme sa fille ; que l'autorité consulaire a refusé, par une décision du 2 février 2015, de délivrer le visa sollicité au motif que certaines données du document d'état civil présenté à l'appui de la demande de visa en vue d'établir la filiation remettaient en cause son authenticité ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé le 30 mars 2015 par Mme C...contre cette décision ; que le tribunal administratif de Nantes a annulé, par un jugement du 16 mai 2017, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité ; que le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que, s'agissant d'un enfant de moins de vingt et un ans de ressortissant français, l'autorité consulaire est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie en l'absence de caractère authentique des actes d'état-civil produits ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 175 du code civil guinéen relatif aux actes de l'état civil : " Les actes énonceront l'année, le jour et l'heure où ils seront reçus ; les prénoms et nom de l'officier de l'état civil, les prénoms, noms, professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés. Les dates et lieux de naissance : / 1. des père et mère dans les actes de naissance et de reconnaissance ; (...) " ; que selon l'article 196 de ce code relatif aux actes de naissance : " L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant, et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, âges, professions et domiciles des père et mère. Si les père et mère de l'enfant naturel ou l'un d'eux, ne sont pas désignés à l'officier de l'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 177 du code civil guinéen : " Les actes de l'état civil seront inscrits sur des registres tenus doubles " ; qu'aux termes de l'article 178 de ce code : " Les registres seront cotés par premier et dernier feuillet et paraphés sur chaque feuillet par le président du tribunal de Première instance ou par le juge qui le remplacera. " ; que selon l'article 179 de ce même code : " Les actes seront inscrits sur les registres, sur-le-champ, sans aucun blanc à raison d'un acte par folio. Les ratures et les renvois seront approuvés et signés de la même manière que le corps de l'acte. Il n'y sera rien écrit par abréviation, et aucune date ne sera mise en chiffre " ; que l'article 180 de ce code prévoit que : " Les registres seront clos et arrêtés par l'officier de l'état civil, à la fin de chaque année et, dans le mois l'un des doubles sera déposé au greffe du tribunal régional, l'autre aux archives de la Commune, de l'Arrondissement administratif ou de la Région Administrative " ;

5. Considérant, enfin, que selon l'article 182 du code civil guinéen : " Toute personne pourra, sauf l'exception prévue à l'article 183, se faire délivrer par les dépositaires des registres de l'état civil des copies des inscrits sur les registres. / Les copies délivrées conformes aux registres portant en toutes lettres la date de délivrance, et revêtues de la signature et du sceau de l'autorité qui les aura délivrées, feront foi jusqu'à inscription de faux. (...) " ;

6. Considérant que pour établir la filiation avec la jeune H...C..., Mme C... a notamment produit une copie certifiée conforme de l'extrait d'acte de naissance de l'enfant qui lui a été délivrée le 21 avril 2006 ainsi qu'une autre copie du même acte délivrée en octobre 2007 ;

7. Considérant, et contrairement à ce que soutient le ministre, la copie certifiée conforme qui a été délivrée le 21 avril 2006 à Mme C... porte, alors même que la signature est illisible, la qualité, les nom et prénom de son auteur ainsi que le sceau de l'autorité qui l'a délivrée ; que le ministre n'établit pas que l'autorité qui a délivré cet acte serait incompétente au regard des dispositions de l'article 182 du code civil guinéen ;

8. Considérant, par ailleurs, que pour écarter cet acte comme apocryphe, le ministre s'en remet au courrier des autorités locales du 15 septembre 2015 qui ont estimé qu'il est fictif au seul motif que " quand un acte d'état civil n'a pas de numéro, la recherche est impossible " ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des dispositions précédemment rappelées du code civil guinéen, qu'un acte de naissance guinéen doit obligatoirement comporter un numéro d'enregistrement, ni, en tout état de cause, que cette absence de mention eût rendu impossible toute recherche dès lors que le document présenté par Mme C... indiquait l'année, le numéro du registre et celui du feuillet alors qu'un seul acte est inscrit par feuillet conformément à l'article 179 du même code ; que les énonciations contenues dans ce document sont, par ailleurs, identiques à celles mentionnées dans la copie délivrée en octobre 2007 et qui n'a été écartée par les autorités locales que pour des seuls problèmes de forme mais dont l'exactitude des mentions n'a pas été contestée ; que la circonstance que la copie d'acte de naissance de Mme E... C... établie le 30 mars 2009 par l'officier de l'état civil du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères ne mentionne pas son mariage, n'est pas de nature à établir l'inexactitude des mentions contenues dans les extraits d'acte de naissance de la jeune H...C...concernant le lien de filiation de l'enfant ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'établit pas que le seul défaut de mention du numéro d'enregistrement, lequel pourrait au surplus résulter d'une simple erreur matérielle, est de nature à établir le caractère fictif de la pièce d'état civil présentée par Mme C... ; que, dans ces conditions, et alors que Mme C... a, en outre, depuis son arrivée en France, constamment fait état de cet enfant, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que la copie de l'extrait d'acte de naissance délivrée le 21 avril 2006 et produite par l'intéressée, n'était pas de nature à établir avec certitude le lien de filiation alors même que le second document présenté, dont les énonciations sont identiques, présentait un caractère apocryphe ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que Mme C...demande à la cour qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer, sous astreinte, le visa de long séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ; que si le tribunal administratif de Nantes a déjà fait droit à de telles conclusions, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre ait délivré le visa sollicité ; que, par suite, il y a lieu, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait et de droit, d'enjoindre à nouveau au ministre de délivrer le visa de long séjour sollicité au profit de la jeune H...C...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais liés au litige :

11. Considérant que Mme E... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me F...B...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune H...C...le visa de long séjour sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le versement de la somme de 1 000 euros à Me F...B...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme E... C....

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2018.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 17NT01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01604
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-05;17nt01604 ?
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