Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2017 du préfet de la Mayenne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 1702336 du 4 juillet 2017 le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 25 juillet 2017 le préfet de la Mayenne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur des éléments de faits postérieurs à sa décision ;
- l'hébergement temporaire de M. B...et de sa famille par des particuliers n'est pas la preuve d'une intégration dans la société française au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que l'appréciation du tribunal administratif de Nantes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la promesse d'embauche produite n'est pas probante ; les soutiens du requérant sont constitués de la seule famille des hébergeant et des associations de défense des étrangers en France ;
- les demandes d'asile formulées par le requérant ont été rejetées à deux reprises par les instances chargées de l'asile ; les premiers juges ont fait primer la tentative de suicide du requérant sur les décisions prises par ces instances et par les juridictions administratives ; les craintes en cas de retour en Albanie ne sont pas établies ; sa présence en France est récente et sa famille réside en Albanie.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2017 M.B..., représenté par Me Scalbert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Mayenne ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- et les observations de Me Landuré, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., de nationalité albanaise, né le 7 mars 1988, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 17 juillet 2014, accompagné de sa fiancée, pour y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ; que sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision de refus du directeur de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 février 2015 ; que la demande de réexamen de sa demande d'asile en procédure prioritaire a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 mai 2015 ; que le préfet de la Mayenne a, par deux arrêtés du 4 décembre 2014 et du 19 août 2015, refusé de lui délivrer une carte de séjour au titre de l'asile, a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office au terme de ce délai ; que les recours formés contre ces arrêtés ont été rejetés respectivement par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 février 2015 et par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2015 ; que M. B...a ensuite sollicité du préfet de la Mayenne son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté contesté du 13 janvier 2017, le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai l'arrêté du 13 janvier 2017 du préfet de la Mayenne refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. ; que le préfet de la Mayenne relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le préfet de la Mayenne, les démarches relatives à l'embauche de M. B...par l'entreprise " Arts et Bois production", entamées en juillet 2016, sont antérieures à l'arrêté en litige, et que les menaces qui pesaient sur la famille du fait d'une vendetta en Albanie, par ailleurs exposées devant les instances chargées de l'asile dans les conditions rappelées au point 1, avaient été portées à sa connaissance ; qu'ainsi le préfet requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges se seraient fondés sur des éléments postérieurs à son arrêté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ; " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour formulée par M. B...l'a été sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les éléments relatifs à son départ et à ses conditions de séjour et à celles de sa famille en cas de retour en Albanie du fait de la " Kanun " répondent, dans les circonstances de l'espèce, à des considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, M.B..., alors titulaire d'une promesse d'embauche par la société "Arts et Bois production", a été, depuis, embauché en CDD pour six mois avec une perspective d'occuper un emploi pérenne dans une entreprise qui indique, sans être utilement contredite, rencontrer des difficultés récurrentes d'embauche ; qu'enfin, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, M.B..., son épouse et son fils, né à Laval le 1er décembre 2015, jouissent du soutien de nombreux résidents de la commune où ils résident et de plusieurs associations ; qu'ainsi, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en s'abstenant de régulariser la situation administrative de M.B..., le préfet de la Mayenne avait porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté contesté du 13 janvier 2017 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Mayenne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 13 janvier 2017 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. B...;
Sur les frais de l'instance :
5. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat, Me Scalbert, peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Scalbert dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Mayenne est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Scalbert, avocat de M.B..., la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 février 2018.
Le rapporteur,
F. Lemoine Le président,
I. Perrot Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02272