La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2018 | FRANCE | N°16NT02896

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 février 2018, 16NT02896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme E...B...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision implicite de l'autorité consulaire française à Ankara (Turquie) refusant de délivrer à Mme C...et à leurs enfants allégués Enes, Sumeyye et Ruveyda un visa d'entrée et de long séjour et, d'autre part, d'enjoindre à l'autori

té administrative de faire délivrer les visas sollicités.

Par un jugement n° 140...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme E...B...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision implicite de l'autorité consulaire française à Ankara (Turquie) refusant de délivrer à Mme C...et à leurs enfants allégués Enes, Sumeyye et Ruveyda un visa d'entrée et de long séjour et, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité administrative de faire délivrer les visas sollicités.

Par un jugement n° 1404464 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 3 avril 2014 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à Mme E...B...et aux enfants Enes, Sumeyye et Ruveyda C...un visa d'entrée et de long séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 22 août 2016, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2016 ;

Il soutient que :

- le tribunal a inexactement qualifié les faits de l'espèce en considérant que M. C...avait reconnu les enfants Enes, Sumeyye et Ruvzeyda par un acte notarié ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que les actes de naissance de ces enfants étaient suffisamment probants pour établir leur filiation ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en ce qui concerne la date alléguée du mariage de M.C....

- les actes de naissance des enfants présentés par M. C...n'ont pas de caractère authentique et ne sont pas probants;

- c'est à bon droit que la commission a estimé que le lien patrimonial allégué par M. C...avec son épouse n'était pas établi ;

- l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.

Vu le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2016, présenté pour M. D...C..., par MeA..., qui demande à la cour de :

1°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;

2°) de condamner le ministre de l'intérieur à verser à M. D...C...et Mme E...B...épouse C...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sacher,

- et les conclusions de M. Durup de Baleine , rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., ressortissant turc, a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire en 2010 ; que le 10 février 2012, Mme B...et ses enfants Enes, Sumeyye et Ruveyda ont sollicité auprès des autorités consulaires en poste à Ankara la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en vue de rejoindre M. C...en France, en se présentant respectivement comme étant l'épouse et les enfants de ce dernier ; que du silence gardé par l'autorité consulaire est née une décision implicite de rejet ; que M. C...a saisi, le 6 février 2014, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) d'une demande d'annulation de ce refus implicite ; que cette demande été rejetée par la CRRV le 3 avril 2014 aux motifs d'une part, que les actes de naissance présentés n'établissaient pas la filiation alléguée, compte tenu des déclarations contradictoires sur l'état civil de ses enfants, et, d'autre part, qu'il n'a été produit aucun justificatif d'une relation stable et durable entre M. C...et MmeB... ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 3 avril 2014 et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la délivrance du visa sollicité ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant que M. C...déclare avoir épousé religieusement Mme E...B... ; qu'il apporte la preuve de son mariage religieux par une attestation du maire du village de Deliler signée avec trois témoins le 5 avril 2014 ; qu'il déclare être le père de trois enfants, Enes né le 12 février 2002, Sumeyye née le 14 février 2003 et Ruveyda née le 16 février 2004 ; que ces dates sont cohérentes avec celles fournies par écrit dans le formulaire de renseignement parvenu le 2 avril 2012 à la sous-direction des visas ; que ces dates sont également cohérentes avec les extraits d'actes de naissance figurant au dossier ; que le fait que la retranscription écrite de l'entretien à l'OFPRA fait apparaître la date de 1997 et non celle de 1999 pour son mariage et semble incomplète quant à l'état civil de ses enfants n'est pas de nature, à lui seul, à caractériser les documents fournis de frauduleux ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 316 du code civil : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la filiation peut s'établir par acte reçu par un officier d'état civil ou par tout autre acte authentique ; qu'il est constant que l'acte de reconnaissance de paternité en date du 28 février 2014 a été établi devant notaire ; que le ministre n'apporte pas d'éléments susceptibles d'en contester utilement l'authenticité ;

4. Considérant au surplus qu'aux termes de l'article Article 282 du code civil turc : " A l'égard de la mère, la filiation résulte de la naissance. / A l'égard du père, elle est établie par son mariage avec la mère, par reconnaissance ou par jugement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la seule reconnaissance du père, en tout état de cause, suffit en droit turc pour établir régulièrement les extraits du registre de famille dont M. C...se prévaut ; qu'il est constant que les extraits du registre de famille produits en première instance ont été établis le 21 mars 2014, soit antérieurement à la décision de la commission contestée en date du 3 avril 2014 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, qu'en l'absence d'autres éléments précis et concordants de nature à établir une intention frauduleuse, M . C...doit être regardé comme religieusement marié à MmeB... et père de ses trois enfants ; qu'en conséquence, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de refus de visa d'entrée en France du 3 avril 2014 et lui a enjoint de délivrer les visas sollicités ;

Sur les conclusions de M. C...et Mme B...épouse C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D...C...et à Mme B...épouseC....

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018 , à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président assesseur,

- M. Sacher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2018 .

Le rapporteur,

E. SACHERLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02896
Date de la décision : 12/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Eric SACHER
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : AYDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-12;16nt02896 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award