Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2016 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1601645 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2016, M.C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 1er juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à tout le moins, d'examiner à nouveau sa demande à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est irrégulière faute d'examen particulier de sa situation individuelle, dès lors notamment qu'il a justifié de la reprise de son activité salariée ;
- cette décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas conservé d'attaches fortes avec son pays d'origine, est bien inséré en France, pays où il vit depuis douze ans, est indépendant financièrement, qu'une partie de sa famille réside en France, qu'il entretient une relation suivie depuis plus de trois ans avec un ressortissant français et un réseau amical en France, a un diplôme universitaire de haut niveau et est en recherche active d'un emploi correspondant à son niveau de formation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de celle lui refusant un titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son orientation sexuelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2017, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, par renvoi à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant malgache né en 1986, est entré régulièrement en France le 27 septembre 2004 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " ; qu'il s'est vu délivrer des cartes de séjour temporaires à ce titre entre le
6 décembre 2004 et le 26 septembre 2014 ; qu'il a, ensuite, sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 1er juillet 2016 portant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer ce titre de séjour ; que M. C...relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...résidait régulièrement en France depuis environ douze ans à la date de l'arrêté contesté, sous couvert de titres de séjour portant la mention " étudiant " ; qu'il a obtenu en 2013 un diplôme de master en développement international des PME-PMI à l'université de Caen ; que s'il ne travaille que dans le cadre d'un contrat à temps partiel en qualité de livreur dans la restauration rapide, il démontre être en recherche active d'un emploi en lien avec son niveau d'études ; que le requérant établit, par ailleurs, entretenir une relation sentimentale stable avec un ressortissant français depuis mai 2011, soit plus de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, l'absence de vie commune n'étant pas de nature à remettre en cause la sincérité de cette relation, qui n'est pas contestée en défense ; que si les parents et la soeur de M. C...résident à Madagascar, l'intéressé indique, sans être contredit, ne s'être rendu dans son pays d'origine qu'à une seule reprise depuis 2004, alors qu'il établit, par ailleurs, être en lien avec un oncle, des tantes et des cousins qui vivent sur le territoire français ; qu'il démontre également avoir développé un réseau amical en France ; qu'en outre, la commission départementale du titre de séjour a émis, le 22 juillet 2015, un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé aux motifs de son niveau de qualification, sa parfaite maîtrise du français, son autonomie et ses capacités de gestion et son fort potentiel d'intégration ; que, dans ces conditions, c'est en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France que le préfet du Calvados a pris à l'encontre de M. C...l'arrêté contesté ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 1er juillet 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté contesté, implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de sa notification et de munir l'intéressé, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601645 du tribunal administratif de Caen du 10 novembre 2016 et l'arrêté du préfet du Calvados du 1er juillet 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de munir l'intéressé, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me D...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, où siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2018.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03969