La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2018 | FRANCE | N°17NT00648

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2018, 17NT00648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes confirmant implicitement la sanction de 15 jours de cellule disciplinaire prononcée à son encontre le

7 mars 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de

Rennes-Vezin.

Par un jugement n° 1403501 du 9 décembre 2016 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :r>
Par une requête enregistrée le 21 février 2017 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes confirmant implicitement la sanction de 15 jours de cellule disciplinaire prononcée à son encontre le

7 mars 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de

Rennes-Vezin.

Par un jugement n° 1403501 du 9 décembre 2016 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2017 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 décembre 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bretagne, Basse-Normandie et Pays de la Loire confirmant implicitement la sanction prononcée à son encontre le 7 mars 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le sens des conclusions du rapporteur public, communiqué aux parties avant l'audience, qui se bornait à mentionner le rejet de sa demande sans autre motivation, ne répond pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et méconnaît le droit à un procès équitable ; le jugement attaqué, qui n'est pas signé, est entaché d'irrégularité ; le tribunal a également commis plusieurs erreurs de droit dans son appréciation des faits en cause ; la procédure de recours préalable obligatoire devant le directeur interrégional n'ayant pas d'effet suspensif celle-ci porte atteinte au droit au recours effectif tel qu'il est défini à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le compte-rendu d'incident, qui n'indique pas par quel agent il a été établi, ne permet pas de vérifier que son auteur est compétent au sens des dispositions de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale ; le rapport d'enquête, qui ne comporte aucun élément recueilli auprès du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) et ne fait référence à aucun élément de personnalité, est incomplet ; la procédure disciplinaire méconnaît le droit à un procès équitable protégé par les stipulations des articles 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la sanction est entachée d'une erreur d'appréciation et ne prend pas en compte sa personnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017 le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. B...n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 désormais codifiée par le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., alors détenu au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin, a fait l'objet d'un compte-rendu d'incident le 15 février 2014 indiquant qu'il avait jeté son bol d'eau chaude sur le surveillant qui lui distribuait son petit déjeuner et qu'il avait en outre proféré des insultes à l'intention du directeur du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin ; qu'à la suite d'un rapport d'enquête rédigé le jour même, la commission de discipline s'est réunie 7 mars 2014 et a prononcé à son encontre, ce même jour, une sanction de quinze jours de cellule disciplinaire ; que M. B...a présenté un recours préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes qui a implicitement confirmé la sanction disciplinaire initiale ; que l'intéressé relève appel du jugement du 9 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 10 novembre 2016, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond " ; que le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article

R. 711-3 du code de justice administrative et que le droit à un procès équitable auraient par suite été méconnues ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de la dénaturation des faits et de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué ne relèvent pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation ; que, par ailleurs, les critiques de l'appelant relatives à l'erreur de fait, de droit et à la méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relèvent de l'examen du

bien-fondé du jugement attaqué et ne remettent pas en cause sa régularité ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes confirmant implicitement la sanction prononcée à l'encontre de M. B... le 7 mars 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale : " (...) L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires " ;

6. Considérant que l'établissement pénitentiaire a pu décider de rendre anonyme le compte-rendu d'incident afin de protéger la sécurité de son auteur ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce ce document mentionne uniquement le numéro matricule de son rédacteur, dont le requérant ne conteste pas qu'il était présent lors des faits en cause puisque ce surveillant a été victime du jet d'un bol par M.B..., ni que ce surveillant n'a pas siégé dans la commission de discipline devant laquelle il a comparu ; que, par suite, la circonstance que le nom du surveillant ayant rédigé le compte-rendu d'incident a été occulté dans le document remis à M. B...et à son conseil, puis communiqué au juge qui a la faculté mais non l'obligation d'en demander copie intégrale, ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'illégalité de la décision litigieuse ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le rapport d'enquête précise les faits reprochés à l'intéressé, rapporte ses déclarations, mentionne ses antécédents disciplinaires et comporte des éléments d'appréciation sur son comportement général en détention ; que, quand bien même certaines rubriques du formulaire n'auraient pas été renseignées, son contenu satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale ;

8. Considérant, en troisième lieu, que les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux détenus ne constituent pas des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles sont des mesures de sûreté et non des peines relevant d'incriminations pénales d'interprétation stricte ; que, si elles peuvent être regardées comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur régional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale ;

10. Considérant que la décision implicite du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes s'est entièrement substituée à la sanction initiale prononcée en commission de discipline par le directeur du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin ; que M. B..., qui n'a pas demandé la communication des motifs de la décision du directeur interrégional, ne peut dès lors utilement invoquer le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision initiale, qui est en tout état de cause est propre à cette dernière et a nécessairement disparu avec elle ;

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Considérant que M. B...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que la sanction de quinze jours de cellule disciplinaire n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation et de ce qu'elle ne méconnaît pas le principe d'individualisation des peines ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 janvier 2018.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

B. Phémolant Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00648


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00648
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-26;17nt00648 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award