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26/01/2018 | FRANCE | N°17NT00646

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2018, 17NT00646


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 janvier 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement au-delà de deux ans.

Par un jugement n° 1501527 du 9 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2017 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du 9 décembre 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cette décision du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 janvier 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement au-delà de deux ans.

Par un jugement n° 1501527 du 9 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2017 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 décembre 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cette décision du 3 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le sens des conclusions du rapporteur public, mis à la disposition des parties, qui se bornait à mentionner le rejet de sa demande sans autre motivation, ne répond pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et méconnaît le droit à un procès équitable ; le jugement attaqué, qui n'est pas signé, est entaché d'irrégularité ; le tribunal a dénaturé les faits ; le tribunal a également commis plusieurs erreurs de droit dans son appréciation des faits en cause ; c'est également en commettant une erreur de droit que le tribunal administratif de Rennes a écarté l'invocabilité de la circulaire règlementaire du

14 avril 2011 NOR JUSK1140023C ; c'est en commettant un erreur de fait que ce tribunal a estimé que la mesure en cause ne constituait pas une sanction déguisée ; il n'a pu former de référé contre la mesure litigieuse ni de demande d'aide juridictionnelle immédiate portant ainsi atteinte au droit au recours effectif, tel qu'il est défini à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la longueur de la procédure devant le tribunal administratif de Rennes a également porté atteinte à son droit au recours effectif ;

- il a été placé d'office à l'isolement le 31 décembre 2013 à son arrivée au centre de détention de Rennes-Vezin, sans que cette décision n'ait fait l'objet d'un débat contradictoire préalable ; en ne notifiant la décision litigieuse que le 10 février 2014, soit plus d'un mois après qu'elle a été prise, l'administration a indubitablement porté atteinte à son droit à un recours effectif dès lors qu'il ne pouvait pas saisir le tribunal administratif en référé sans la production de la décision litigieuse ; la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un certificat médical soulignait l'incompatibilité de son état psychique avec une telle mesure ; elle constitue une sanction disciplinaire déguisée puisqu'il été placé d'office à l'isolement à son arrivée au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017 le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. B...n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., détenu depuis le 10 février 2010, relève appel du jugement du 9 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2014 du garde des sceaux, ministre de la justice prolongeant son placement à l'isolement pour une durée de trois mois au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin à compter de cette même date ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 10 novembre 2016, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond " ; que le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article

R. 711-3 du code de justice administrative auraient, par suite, été méconnues ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de la dénaturation des faits et de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué ne relèvent pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation ; que, par ailleurs, les critiques de l'appelant relatives à l'erreur de fait, de droit, à l'erreur d'appréciation commises selon lui par les premiers juges et de l'atteinte au droit au recours effectif, relèvent de l'examen du bien-fondé du jugement attaqué et ne remettent pas en cause sa régularité ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...soutient que le délai compris entre la date d'enregistrement de sa demande le 30 juin 2014 au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui l'a ensuite transmis au tribunal administratif de Rennes le 27 mars 2015, et la date du jugement attaqué du 9 décembre 2016, porte atteinte à son droit à un procès équitable dès lors qu'il n'a pu contester en temps utile la mesure en litige ; que ce moyen est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement ; qu'il est, au surplus, constant que l'intéressé n'a contesté la mesure en litige que plus de trois mois après qu'elle ait pris fin et qu'il ne soutient ni même n'allègue qu'il aurait été privé de la possibilité de demander la suspension de cette mesure ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du garde des sceaux, ministre de la justice prolongeant son placement à l'isolement pour une durée de trois mois à compter du

3 janvier 2014 au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé le 2 janvier 2014 à 15h45 de la décision du chef d'établissement, notifiée par deux agents de l'administration pénitentiaire, de demander la prolongation de la mesure d'isolement dont il faisait l'objet à titre provisoire depuis le 31 décembre 2013 ; qu'à cette occasion, M. B... a été informé de ses droits à présenter des observations écrites ou orales, de se faire assister par le conseil de son choix et de consulter les pièces de la procédure ; que l'intéressé a refusé de signer cette notification et décidé de ne pas présenter d'observations et de ne pas se faire représenter lors de son audition dont il lui a été signalé qu'elle se tiendrait le 2 janvier 2014 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'absence de débat contradictoire préalable à la décision attaquée, qui lui est seulement imputable, serait de nature à entacher d'irrégularité la procédure, ni que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que celles du code de procédure pénale ;

7. Considérant, d'autre part, que M. B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations des articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce, en application des stipulations de l'article 51 de la même charte, l'administration pénitentiaire ne mettant pas en oeuvre, en la matière, le droit de l'Union européenne ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure contestée du garde des sceaux, ministre de la justice du 3 janvier 2014 a été notifiée à M. B... en temps utiles le 7 janvier 2014 et non le 10 février 2014 comme il le soutient ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la notification tardive de cette décision, au demeurant sans incidence sur sa légalité, aurait porté atteinte à son droit au recours effectif tel qu'il est protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du texte même de la décision en litige que celle-ci est suffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé." ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision contestée que M. B...a fait régulièrement preuve d'un comportement agressif, caractérisé notamment par la prise d'otage d'un gardien dès le 30 décembre 2013 pour laquelle il a été condamné à huit ans d'emprisonnement, et d'une tentative d'agression d'un autre gardien le lendemain

31 décembre 2013 ; que l'intéressé avait déjà, à plusieurs reprises, entre le 5 mars 2010 et le

7 mars 2013, agressé ou tenté d'agresser des codétenus et des membres du personnel des centres pénitentiaires où il a séjourné à l'aide d'armes artisanales ; qu'enfin, les inscriptions sur les murs de sa cellule témoignaient d'une instabilité psychologique ; que, par suite, et eu égard au risque que représentait M. B... pour la sécurité du personnel et des détenus, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la mesure contestée n'aurait pas été prise pour des motifs de précaution et de sécurité et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 janvier 2018.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

B. Phémolant

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00646


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00646
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-26;17nt00646 ?
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