Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 16 janvier 2017 par laquelle le préfet du Loiret a refusé de régulariser sa situation administrative en lui délivrant un titre de séjour.
Par un jugement n° 1700530 du 15 juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2017, Mme B..., représentée par Me D... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Loiret du 16 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le refus de séjour n'est pas suffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1, 5, 9 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est irrégulière ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2017, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante turque, née le 12 mai 1992, est entrée en France le 16 février 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes ; que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 mai 2013, confirmée le 18 mars 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a déposé des demandes de régularisation de sa situation administrative en invoquant le droit au respect de sa vie privée et familiale qui ont été rejetées par le préfet du Loiret le 29 avril 2014 et le 15 mars 2016, cette dernière décision étant assortie d'un obligation de quitter le territoire français ; que Mme B...s'est néanmoins maintenue sur le territoire français et a déposé, le 17 octobre 2016, une nouvelle demande de régularisation ; que Mme B... relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2017 par laquelle le préfet du Loiret a refusé, une nouvelle fois, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de régulariser la situation d'un étranger au titre de la vie privée et familiale et de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions seraient prises ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a épousé en 2010 un compatriote titulaire d'une carte de résident valide jusqu'au 27 septembre 2026 et bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ; que l'époux de la requérante a présenté en faveur de celle-ci une demande de regroupement familial qui a été rejetée le 17 décembre 2012 par l'autorité préfectorale ; que Mme B...est entrée en France en 2012, où elle a donné naissance à deux enfants, le 9 décembre 2012 et le 24 janvier 2015 ; que, dans ces circonstances, eu égard à la durée et à l'intensité de sa vie familiale en France et alors même qu'elle n'est pas sans attache en Turquie, la décision contestée du préfet du Loiret a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit, pour ce motif, être annulée ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Loiret délivre à MmeB..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans n°1700530 du 15 juin 2017 et la décision du 16 janvier 2017 du préfet du Loiret sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Loiret
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02450