Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française.
Par un jugement n° 1409997 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 24 janvier 2017 et régularisé le 27 janvier 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M.E....
Il soutient que :
- les faits pris en compte pour rejeter la demande de M.E..., qui ne sont ni isolés, ni dénués de gravité, ne sont pas très anciens ;
- il est fondé à solliciter une substitution de motifs et à se prévaloir de la condamnation de l'intéressé, prononcée le 20 février 2012, à la faillite personnelle pendant 15 ans ;
- sa décision du 25 septembre 2014 n'est dès lors pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise par une autorité compétente.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à M. F...E..., pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 25 septembre 2014 rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. F...E...et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de trois mois ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que dans sa décision du 25 septembre 2014, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le fait que M. E...avait été condamné le 13 juin 1990 par la cour d'appel de Douai à une amende de 20 000 F pour recel d'un objet provenant d'un vol, le 13 juillet 1995 par le tribunal correctionnel de Lille à 4 mois d'emprisonnement avec sursis avec annulation de son permis de conduire et interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant 6 mois, pour les infractions commises le 20 mai 1995 et enfin, le 10 janvier 2002 par le tribunal correctionnel de Lille à 3 mois d'emprisonnement pour l'exercice d'une activité professionnelle en dépit d'une interdiction judiciaire sur la base de faits constatés du 22 mars au 17 mai 1999 ;
4. Considérant que le ministre de l'intérieur demande à la cour que soit substitué aux motifs de sa décision un nouveau motif, tiré de ce que M. E...a été condamné le 20 février 2012 à une faillite personnelle pendant 15 ans en raison des fautes qu'il a commises en qualité de gérant ou de dirigeant d'une société ; que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, sous réserve toutefois que la substitution de motifs ne prive pas la personne concernée par cette décision d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que cette nouvelle condamnation qui n'avait pas été prise en compte par le ministre dans sa décision du 25 septembre 2014 et qui figure au bulletin n° 2 de son casier judiciaire est de nature à conforter la décision contestée sans pour autant priver M. E...d'aucune garantie ; que dès lors, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par le ministre ; que ce dernier est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision pour erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant qu'une délégation de signature a été accordée à M. A...B..., attaché d'administration de l'Etat, par décision du 24 octobre 2013 modifiée le 6 mars 2014, signée de Mme C...D..., administratrice civile hors classe, elle-même nommée directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité à la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur par décret du 3 octobre 2013, publiée au Journal officiel de la République française le 27 octobre suivant ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté comme manquant en fait ;
7. Considérant qu'eu égard à la substitution de motifs accordée au point 4, le moyen tiré de ce que le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en ne prenant pas en compte l'ordonnance de non-lieu concernant les faits de travail dissimilé et de gestion d'une entreprise en contravention avec une interdiction judiciaire ne peut qu'être écarté ; que pour la même raison, M. E...n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit dans la mesure où elle serait fondée sur des informations issues du "système de traitement des infractions constatées" (STIC) en méconnaissance de l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978 ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision du 25 septembre 2014 rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de M.E... et lui a enjoint de procéder au réexamen de cette demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. F... E....
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00289