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19/01/2018 | FRANCE | N°16NT02399

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 janvier 2018, 16NT02399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé l'irrecevabilité de sa demande d'acquisition de la nationalité française ainsi que la décision du 15 avril 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a initialement déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1409604 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 25 juillet 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a confirmé l'irrecevabilité de sa demande d'acquisition de la nationalité française ainsi que la décision du 15 avril 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a initialement déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1409604 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur ;

3°) d'annuler la décision du 15 avril 2014 du préfet du Bas-Rhin ;

4°) d'accorder à M. B... la nationalité française ou, subsidiairement, d'enjoindre à l'autorité administrative de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ la décision contestée du ministre de l'intérieur est insuffisamment motivée ;

­ elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, compte tenu de son âge et de son état de santé, il était dispensé du stage prévu aux articles 37 et 37-1 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 et, en tout état de cause, d'une erreur de fait dès lors qu'il a bien suivi une formation linguistique ;

­ elle est entachée d'une erreur d'appréciation, faute pour l'autorité administrative d'avoir tenu compte de sa situation particulière, alors qu'il remplit toutes les autres conditions d'accès à la nationalité française ;

­ la décision, qui se fonde sur la circonstance qu'il ne parle pas assez bien le français du fait de son handicap et de son traitement médicamenteux, viole les principes fondamentaux de l'ordre juridique, et notamment l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M.B... ne sont pas fondés.

M.B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;

­ le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., de nationalité arménienne né le 27 avril 1954, séjourne en France depuis le 14 mai 2003, sous le couvert d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ; qu'il a demandé à acquérir la nationalité française par décision de l'autorité publique ; que, par une décision du 15 avril 2014, le préfet du Bas-Rhin a déclaré cette demande irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article 21-24 du code civil ; que le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté le recours préalable obligatoire formé contre cette décision ; que M. B...relève appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur et de la décision du préfet du Bas-Rhin du 15 avril 2014 ;

En ce qui concerne la décision du 15 avril 2014 du préfet du Bas-Rhin :

2. Considérant qu'il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le premier juge, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit ; que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du préfet du Bas-Rhin du 15 avril 2014 au motif que la décision du ministre de l'intérieur s'est substituée à la décision préfectorale ; que M. B...ne conteste pas le motif d'irrecevabilité ainsi opposé à sa demande ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande sur ce point ;

En ce qui concerne la décision implicite du ministre de l'intérieur :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret (...) doit être motivée " ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait, dans les délais du recours contentieux, demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée par le ministre ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit, par suite, être écarté ; que, par ailleurs, M. B...ne peut utilement invoquer l'insuffisante motivation de la décision du préfet du Bas-Rhin, dès lors que la décision du ministre de l'intérieur s'y est substituée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française " ; qu'aux termes de l'article 37 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques " écouter ", " prendre part à une conversation " et " s'exprimer oralement en continu " du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008 (...) " ; que selon l'article 37-1 du même décret : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : / (...) 9° Un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 37 et délivré dans les conditions définies par cet article ou, à défaut, une attestation délivrée dans les mêmes conditions justifiant d'un niveau inférieur. Sont toutefois dispensées de la production de ce diplôme ou de cette attestation les personnes titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français. Bénéficient également de cette dispense les personnes souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgées d'au moins soixante ans. (...)" ; qu'enfin, l'article 41 de ce décret prévoit que : " Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande. / Lors d'un entretien individuel, l'agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37. / A l'issue de cet entretien individuel, cet agent établit un compte rendu constatant le degré d'assimilation du postulant à la communauté française ainsi que, selon sa condition, son niveau de connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française. / L'entretien individuel prévu au deuxième alinéa permet de vérifier que maîtrisent un niveau de langue correspondant au niveau exigé en vertu de l'article 37 : (...) b) Les demandeurs souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans (...) L'autorité administrative peut se fonder sur le déroulement de cet entretien pour conclure que le postulant possède le niveau linguistique requis " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'une personne souffrant d'un handicap, d'un état de santé déficient chronique ou âgée d'au moins soixante ans doit, alors même qu'elle est dispensée de produire le diplôme ou l'attestation linguistique, se soumettre à l'entretien individuel prévu à l'article 41 afin de vérifier sa maîtrise suffisante de la langue française ; que, par suite, c'est sans erreur de droit, que le ministre de l'intérieur a pu se fonder sur le compte-rendu d'entretien d'assimilation établi le 8 avril 2014 par les services de la préfecture du Bas-Rhin pour déclarer irrecevable la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B... ;

6. Considérant, d'autre part, que le requérant ne conteste pas sérieusement les énonciations de ce compte-rendu d'entretien d'assimilation, qui mentionne qu'il " s'exprime très difficilement en français, a beaucoup de mal à comprendre les questions posées, voire ne les comprend pas du tout malgré la reformulation des questions. Il lit difficilement le français " et qu'il ne peut " accomplir les démarches de la vie courante seul " ; que s'il indique avoir suivi courant 2006 une formation linguistique de 200 heures dispensée par un organisme de formation professionnelle, cette circonstance ne permet pas d'établir, compte tenu des énonciations du compte-rendu d'entretien d'assimilation, qu'il dispose d'un niveau de connaissance de la langue française équivalent au niveau B1 requis par les dispositions de l'article 37 du décret susvisé du 30 décembre 1993 ; que M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, que M. B... remplirait les autres conditions pour obtenir la nationalité française est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, eu égard au motif qui la fonde ;

8. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination résultant de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement soulevé indépendamment de l'invocation du droit ou de la liberté garantis par la convention dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que le droit pour un étranger d'acquérir la nationalité d'un Etat signataire de cette convention n'est pas au nombre des droits et libertés reconnus par celle-ci ; que, par suite, M. B... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance, par la décision contestée, de ces stipulations ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M.B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M.B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.

Le rapporteur,

M. D...Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

S. BOYERE La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16NT02399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02399
Date de la décision : 19/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET ANNABELLE MACE-RITT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-19;16nt02399 ?
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