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19/01/2018 | FRANCE | N°16NT01876

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 janvier 2018, 16NT01876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Vendée Loire Viandes a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 129 111,40 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 mars 1992 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d'animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les condition

s de l'inspection sanitaire de ces établissements, dans ses versions successives...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Vendée Loire Viandes a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 129 111,40 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 mars 1992 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d'animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les conditions de l'inspection sanitaire de ces établissements, dans ses versions successives, pour la période du 1er janvier 2009 au 10 octobre 2013.

Par un jugement n° 1402985 du 22 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande et condamné l'Etat à lui verser la somme de 18 466,40 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours enregistré le 9 juin 2016 sous le n° 16NT01876, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 avril 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Vendée Loire Viandes devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat ne peut pas être engagée du fait de l'absence de conformité de l'arrêté du 17 mars 1992 à la réglementation communautaire, dès lors que les mesures plus restrictives prévues par ce texte sont des mesures de sauvegarde régulièrement adoptées sur le fondement de l'article 4 du règlement (CE) n° 999/2001 du 22 mai 200, justifiées par des motifs graves de protection de la santé publique et présentant un caractère conservatoire ;

- le préjudice dont se prévaut la SAS Vendée Loire Viandes ne peut être indemnisé, à tout le moins pas dans sa totalité, dès lors qu'il apparait hypothétique s'agissant de l'impossibilité de commercialiser des cervelles d'agneaux et que n'a pas été pris en compte au titre du surcoût de destruction des matériels à risques spécifiés le changement de réglementation opéré par l'arrêté du 15 juin 2010, qui a retiré de la liste de ces matériels le crâne entier des agneaux de moins d'un mois.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2016 la SAS Vendée Loire Viandes, représentée par Me Lahallepuis par MeF..., conclut au rejet du recours présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle conclut également, au titre d'un appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 18 466,40 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 187 209,80 euros en réparation de ses préjudices, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 27 décembre 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 27 décembre 2014.

Elle fait valoir que :

- le recours est irrecevable, faute d'avoir été signé par le ministre, seul habilité à représenter l'Etat en appel, ou par une personne ayant reçu une délégation régulière à cette fin ;

- les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard pour méconnaissance fautive du droit communautaire, la liste des matériels à risques spécifiés fixée par la réglementation nationale s'agissant des ovins, à savoir les versions successives de l'arrêté ministériel du 17 mars 1992, étant plus large que celle résultant du règlement communautaire n° CE/999/2001 du 22 mai 2001, alors que seule l'Union européenne est compétente pour réglementer l'utilisation de ces matériels ; si un Etat-membre peut toutefois prendre des mesures conservatoires de sauvegarde, il est nécessaire qu'il existe des motifs graves de protection de la santé publique dont la Commission n'a pas pu tenir compte ou qui lui étaient inconnus lorsqu'elle a pris sa décision, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

- l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, du fait de cette réglementation nationale illégale, de commercialiser certains produits et de supporter le coût de leur destruction lui a causé un préjudice qu'elle évalue à 187 209,80 euros, la juridiction se devant d'ordonner avant dire-droit une expertise dans l'hypothèse où elle s'estimerait insuffisant informée quant au montant à retenir.

II. Par une requête enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16NT02091 la SAS Vendée Loire Viandes, représentée par Me Lahallepuis par MeF..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 avril 2016 en tant qu'il a limité à 18 466,40 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 187 209,80 euros en réparation de ses préjudices, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 27 décembre 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 27 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard pour méconnaissance fautive du droit communautaire, la liste des matériels à risques spécifiés fixée par la réglementation nationale s'agissant des ovins, à savoir les versions successives de l'arrêté ministériel du 17 mars 1992, étant plus large que celle résultant du règlement communautaire n° CE/999/2001 du 22 mai 2001, alors que seules l'Union européenne est compétente pour réglementer l'utilisation de ces matériels ; si un Etat-membre peut toutefois prendre des mesures conservatoires de sauvegarde, il est nécessaire qu'il existe des motifs graves de protection de la santé publique dont la Commission n'a pas pu tenir compte ou qui lui étaient inconnus lorsqu'elle a pris sa décision, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

- l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, du fait de cette réglementation nationale illégale, de commercialiser certains produits et de supporter le coût de leur destruction lui a causé un préjudice qu'elle évalue à la somme globale de 187 209,80 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2017 le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête. Il conclut également, au titre d'un appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par la SAS Vendée Loire Viandes devant le tribunal administratif de Nantes.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la SAS Vendée Loire Viandes ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de l'Etat ne peut pas être engagée pour les motifs exposés dans le cadre de son recours enregistré sous le n° 16NT01876 ;

- les conclusions indemnitaires présentées par la SAS Vendée Loire Viandes sont irrecevables en tant qu'elles portent sur un montant supérieur à celui sollicité au titre de la demande de première instance ; le préjudice allégué ne peut, par ailleurs, être intégralement indemnisé s'agissant du manque à gagner lié à l'absence de commercialisation des cervelles d'agneaux, dès lors que la société requérante a fait le choix de ne pas procéder à cette commercialisation pour les agneaux de moins de six mois durant la période concernée, qu'elle n'établit pas avoir vendu tout ou partie de cervelles d'agneaux de moins de six mois durant cette période, et qu'elle a omis de déduire du montant de son préjudice l'ensemble des frais ou charges variables qui auraient été induits par la commercialisation de cervelles d'ovins de six à douze mois dans l'hypothèse où la règlementation l'aurait permise ; la méthode de calcul proposée pour l'évaluation du préjudice causé par le surcoût lié à l'enlèvement des matériels à risques spécifiés ne permet pas de déterminer le montant exact du préjudice subi à ce titre, la somme pouvant être allouée à la requérante à ce titre selon une autre méthode de calcul apparaissant plus pertinente ne pouvant excéder 18 466,40 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles ;

- la directive 89/662/CEE du Conseil du 11 décembre 1989 relative aux contrôles vétérinaires applicables dans les échanges intracommunautaires dans la perspective de la réalisation du marché intérieur ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- l'arrêté ministériel du 17 mars 1992 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d'animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les conditions de l'inspection sanitaire de ces établissements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., substituant MeF..., représentant la SAS Vendée Loire Viandes.

1. Considérant que le recours n° 16NT1876 et la requête n° 16NT02091 présentés respectivement par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et par la SAS Vendée Loire Viandes sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que la SAS Vendée Loire Viandes, qui exerce une activité de production et de négoce de viande de boucherie et de produits d'abattage, a demandé à l'Etat le 26 décembre 2013, réparation des préjudices que lui a causé l'arrêté du 17 mars 1992 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les abattoirs d'animaux de boucherie pour la production et la mise sur le marché de viandes fraîches et déterminant les conditions de l'inspection sanitaire de ces établissements, dans ses rédactions résultant des arrêtés des 19 juillet 2001, 22 décembre 2009 et 15 juin 2010 en tant qu'ils ont prévu, en méconnaissance de la réglementation communautaire applicable, l'interdiction de la commercialisation et l'enlèvement des crânes d'ovins de moins de douze mois, jusqu'à l'abrogation de cette mesure par un arrêté du 10 octobre 2013 ; qu'en l'absence de réponse à cette demande, la SAS Vendée Loire Viandes a saisi le tribunal administratif de Nantes qui a, par un jugement du 22 avril 2016, fait partiellement droit à sa demande, initialement chiffrée à 129 111,40 euros, en condamnant l'Etat à lui verser 18 466,40 euros à ce titre, faute pour la requérante d'avoir justifié de la réalité du surplus de son préjudice ; que, sous le n° 16NT02091, l'intéressée relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été totalement fait droit à cette demande indemnitaire, qu'elle porte à la somme de 187 209,80 euros ; que, sous le n° 16NT01876, le ministre chargé de l'agriculture fait également appel de ce jugement et conclut à ce titre à son annulation et au rejet de la demande présentée en première instance par la SAS Vendée Loire Viandes ; qu'au titre de chacune de ces instances d'appel, le défendeur a formé un appel incident, reprenant ses conclusions présentées dans le cadre de sa requête ou de son recours ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS Vendée Loire Viandes dans le dossier 16NT01876 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les hauts fonctionnaires de défense ; (...) " ; que par un arrêté du 5 juin 2013 régulièrement publié au Journal officiel du 7 juin 2013, Mme A...B...a été nommée sous-directrice du droit des produits, des politiques sectorielles et des exploitations au service des affaires juridiques du secrétariat général du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt pour une durée de fonctions, et renouvelée dans ses fonctions pour la même durée par un arrêté du 24 mai 2016 ; qu'aux termes du II de l'article 4 de l'arrêté du 30 juin 2008 portant organisation et attributions du secrétaire général du ministère de l'agriculture régulièrement publié au Journal officiel du 1er juillet 2008 : " La sous-direction du droits des produits, des politiques sectorielles et des exploitations exerce les attributions définies au II de l'article 2 du décret du 30 juin 2008 susvisé pour les questions juridiques concernant : (...) 2° Les politiques sectorielles dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture, des produits de la mer et de l'aquaculture : (...) " ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la SAS Vendée Loire Viandes, Mme A...B...avait compétence pour signer, au nom du ministre en charge de l'agriculture, le recours du 9 juin 2016 qui entre dans le périmètre d'activité de la sous-direction dont elle est responsable ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Considérant qu'aux termes de l'annexe V du règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 : " 1. Définition des matériels à risque spécifiés / Les tissus mentionnés ci-après doivent être désignés comme matériels à risque spécifiés s'ils proviennent d'animaux originaires d'un État membre ou d'un pays tiers ou de l'une de leurs régions à risque d'ESB contrôlé ou indéterminé : / (...) b) en ce qui concerne les ovins et les caprins : / i) le crâne, y compris l'encéphale et les yeux, les amygdales et la moelle épinière des animaux âgés de plus de 12 mois ou qui présentent une incisive permanente ayant percé la gencive (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur européen, confirmant ainsi une décision de la Commission européenne n° 2000/418/CE du 29 juin 2000, a imposé une interdiction de commercialisation des têtes et encéphales d'ovins de plus de 12 mois considérés comme des matériels à risques spécifiés susceptibles d'être porteurs du prion, agent transmissible des encéphalopathies spongiformes ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 : " Mesures de sauvegarde / 1. En ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde, les principes et dispositions de l'article 9 de la directive 89/662/CEE, de l'article 10 de la directive 90/425/CEE (...) sont d'application. / 2. Les mesures de sauvegarde sont adoptées conformément à la procédure visée à l'article 24, paragraphe 2, et sont notifiées simultanément au Parlement européen avec leurs motivations " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 9 de la directive 89/662/CEE du Conseil du 11 décembre 1989 : " Chaque Etat membre signale immédiatement aux autres Etats membres et à la Commission, outre l'apparition sur son territoire des maladies prévues par la directive 82/894/CEE, l'apparition de toute zoonose, maladie ou cause susceptible de constituer un danger grave pour les animaux ou la santé humaine (...). Dans l'attente des mesures à prendre, conformément au paragraphe 4, l'Etat membre de destination peut, pour des motifs graves de protection de la santé publique ou de santé animale, prendre des mesures conservatoires à l'égard des établissements concernés ou, dans le cas d'une épizootie, à l'égard de la zone de protection prévue par la réglementation communautaire. Les mesures prises par les Etats membres sont communiquées sans délai à la Commission et aux autres Etats membres " ; que le paragraphe 4 du même article dispose que : " Dans tous les cas, la Commission procède au sein du comité vétérinaire permanent, dans les meilleurs délais, à un examen de la situation. Elle arrête, selon la procédure prévue à l'article 17, les mesures nécessaires pour les produits visés à l'article 1er et, si la situation l'exige, pour les produits d'origine ou les produits dérivés de ces produits. Elle suit l'évolution de la situation et, selon la même procédure, modifie ou abroge, en fonction de cette évolution, les décisions prises. " ;

6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes dans un arrêt du 5 décembre 2000, Eurostock Meat Marketing Ltd (C-477/98), il résulte de l'article 9, paragraphe 1, quatrième alinéa de la directive 89/662/CEE qu'un Etat membre de destination peut, pour des motifs graves de protection de la santé publique ou de la santé animale, prendre des mesures conservatoires relatives à des matériels à risques spécifiés dans l'attente des mesures devant être arrêtées par la Commission conformément au paragraphe 4 du même article ou de l'entrée en vigueur de ces mesures, proportionnées au risque qu'il s'agit de prévenir ; qu'il exclut, en revanche, lorsque la Commission a pris, en application de ces dispositions, des mesures qui sont entrées en vigueur, qu'un Etat membre arrête des mesures conservatoires temporaires, dès lors que celles-ci ne sont pas justifiées par des éléments nouveaux permettant d'estimer qu'il existe des motifs graves de protection de la santé publique dont la Commission n'a pu tenir compte lors de l'adoption de sa décision ou dont il apparaît manifestement qu'ils étaient inconnus de la Commission lorsqu'elle a pris sa décision ;

En ce qui concerne la légalité des restrictions de commercialisation en litige au regard du droit communautaire :

7. Considérant qu'il résulte de l'article 31, devenu l'article 7, de l'arrêté du 17 mars 1992, dans sa rédaction successivement modifiée par les arrêtés des 19 juillet 2001, 22 décembre 2009 et 15 juin 2010, que la réglementation française a notamment imposé l'interdiction de la commercialisation des encéphales d'ovins de plus de six mois et de moins d'un an et des crânes d'ovins de moins d'un an alors que le règlement (CE) n° 999/2001 n'avait pas fixé de telles restrictions ;

8. Considérant que pour justifier que ces restrictions devaient être regardées comme des mesures de sauvegarde admises par la réglementation européenne en vertu des dispositions précitées de l'article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, le ministre de l'agriculture faire valoir qu'elles ont été adoptées au vu d'avis rendus par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) des 14 février 2001, 18 juillet 2001, 2 septembre 2005, 17 juillet 2007, 18 février 2009 et 17 mars 2010 se référant à des études scientifiques postérieures à celles au vu desquelles a été adopté le règlement du 22 mai 2001 ; qu'il ressort toutefois de ces avis qu'ils ne comportent pas d'éléments nouveaux dont le législateur européen n'aurait pas pu disposer à la date de l'adoption de ce texte, mais que l'Etat français a choisi de retenir une appréciation du risque acceptable plus restrictive que les instances européennes ; que la rédaction de l'annexe V du règlement du 22 mai 2001 listant les matériels dont la commercialisation est interdite n'a, par ailleurs, pas été modifiée sur le point en litige lors de ses mises à jour successives par le règlement (CE) n° 722/2007 du 25 juin 2007 puis par le règlement (CE) n° 357/2008 du 22 avril 2008 comme cela aurait été le cas si des données scientifiques nouvelles l'avaient imposé ;

9. Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 17 mars 1992, dans sa rédaction modifiée par les arrêtés des 19 juillet 2001, 22 décembre 2009 et 15 juin 2010, qui ne peut être regardé comme prenant des mesures de sauvegarde au sens de l'article 4 précité du règlement du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, a illégalement dérogé aux dispositions de ce règlement et que l'Etat avait, dès lors, commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la requérante ;

Sur les préjudices de la SAS Vendée Loire Viandes :

10. Considérant, en premier lieu, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent... ; que, par suite, le ministre chargé de l'agriculture est fondé à soutenir que la SAS Vendée Loire Viandes, qui a présenté des conclusions indemnitaires au titre des mêmes chefs de préjudice que ceux dont elle s'est prévalue devant les premiers juges mais d'un montant plus élevé sans qu'il soit fait état d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, n'est pas recevable à procéder ainsi à l'augmentation du chiffrage de ses prétentions au-delà de la somme de 129 111,40 euros sollicitée en première instance ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante se prévaut de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, entre le 1er janvier 2009 et le 13 octobre 2013, de commercialiser la cervelle de 110 645 agneaux, évalué à 110 645 euros sur la base d'un euro par cervelle ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société requérante, qui expose s'être trouvée dans l'impossibilité matérielle d'organiser un tri des animaux selon leur âge à leur entrée à l'abattoir, a fait le choix de ne commercialiser aucune cervelle d'agneaux durant la période concernée, alors même qu'elle était en droit de le faire s'agissant de celles des animaux de moins de six mois ; que, par suite, le préjudice dont elle se prévaut à ce titre ne peut pas être indemnisé ;

12. Considérant, en troisième lieu, que la SAS Vendée Loire Viandes s'est prévalue également du préjudice né pour elle du surcoût généré par la nécessité de procéder à l'incinération des os de tête de ces agneaux et des cervelles de ceux âgés de plus de six mois du fait du classement de ces tissus en matériels à risques spécifiés par les dispositions modifiées de l'arrêté du 17 mars 1992, évalué à la somme de 18 466,60 euros ; que pour lui accorder cette somme, les premiers juges se sont fondés sur le nombre d'animaux concernés, le poids moyen d'une tête d'agneau tel qu'il résulte d'une étude canadienne et le montant du surcoût de destruction exposé ; que la SAS Vendée Loire Viandes n'apporte en appel aucun élément de susceptible de remettre en cause le calcul ainsi opéré ; qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement attaqué sur ce point, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

13. Considérant qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la SAS Vendée Loire Viandes a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 18 466,40 euros, courant à compter du 27 décembre 2013, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par le ministre chargé de l'agriculture ;

14. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SAS Vendée Loire Viandes par un mémoire enregistré le 8 avril 2014 au greffe du tribunal administratif de Nantes ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 avril 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et non à compter du 27 décembre 2014 comme le sollicite la SAS Vendée Loire Viandes ;

15. Considérant qu'il résulte ce qui précède le ministre chargé de l'agriculture et la SAS Vendée Loire Viandes ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la SAS Vendée Loire Viandes la somme de 18 466,40 euros assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 27 décembre 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 8 avril 2015 ; que les appels incidents formés par la SAS Vendée Loire Viandes et par le ministre chargé de l'agriculture doivent, dès lors, être également rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme dont la SAS Vendée Loire Viandes sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et la requête de la SAS Vendée Loire Viandes sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'appel incident par la SAS Vendée Loire Viandes et par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Vendée Loire Viandes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la société par actions simplifiée Vendée Loire Viandes.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, où siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.

Le rapporteur,

B. MassiouLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. Laurent

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01876, 16NT02091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01876
Date de la décision : 19/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PROXIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-19;16nt01876 ?
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