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18/01/2018 | FRANCE | N°17NT02830

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 janvier 2018, 17NT02830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 février 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, à titre principal, d'une part, de lui restituer son passeport et, d'autre part, de lui déli

vrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 février 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, à titre principal, d'une part, de lui restituer son passeport et, d'autre part, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au bénéfice de son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1605888 du 6 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 6 février 2017 du préfet de la Loire-Atlantique, à l'article 2, enjoint à la préfète de délivrer à M. E... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat au bénéfice de Me Leudet, avocate de M. E..., la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à l'article 4, rejeté le surplus conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.E....

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé ;

- elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2017, M.E..., représenté par Me Leudet, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros au bénéfice de Me Leudet en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de ce conseil à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le moyen présenté par le préfet n'est pas fondé ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par une décision du 10 novembre 2017, M. E...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle ;

- les observations de Me Leudet, représentant M. E....

1. Considérant que, selon ses déclarations, M. E..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 31 juillet 1998, est entré en France en novembre 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 27 juin 2014, il s'est présenté à la plate-forme d'accueil et d'information des demandeurs d'asile en tant que mineur isolé et a été placé en garde à vue pour faux et usage de faux documents administratifs ; qu'il a alors fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique l'obligeant à quitter le territoire français sans délai qu'il n'a pas exécuté en dépit du jugement du 15 octobre 2014 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation ; qu'il a néanmoins été placé à l'aide sociale à l'enfance par des jugements du juge des enfants du tribunal de grande instance de Nantes des 21 novembre 2014 et 25 juin 2015 ; que, toutefois, le juge des tutelles a, par une ordonnance du 18 septembre 2015, refusé l'ouverture d'une tutelle au motif que l'intéressé ne s'était pas présenté à l'expertise médico-légale prévue ; que le juge des enfants l'a de nouveau placé à l'aide sociale à l'enfance par des jugements des 12 octobre 2015 et 19 avril 2016 dont le second a fixé le terme du placement au 31 juillet 2016 ; que, par un arrêt du 8 novembre 2016, la cour d'appel de Rennes a confirmé l'ordonnance du 18 septembre 2015 refusant l'ouverture de la tutelle au motif qu'il résultait de l'analyse des services de la police aux frontières que le jugement supplétif d'acte de naissance du 19 janvier 2012 produit par M. E...devait être considéré comme dépourvu d'authenticité, qu'il en allait de même pour l'acte de naissance établi le 8 juillet 2014 au vu de ce jugement supplétif et que la consultation du fichier Visabio faisait apparaître que l'intéressé avait déposé une demande de visa auprès des autorités consulaires portugaises en Angola sous l'identité de M. D...F..., ressortissant angolais né le 31 juillet 1991 ; que, par un courrier du 16 mai 2016, M. E...a demandé au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 6 février 2017, le préfet a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé à l'expiration de ce délai ; que, saisi par M.E..., le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 6 septembre 2017, a, à l'article 1er, annulé l'arrêté du 6 février 2017, à l'article 2, enjoint à la préfète de la Loire-Atlantique de délivrer à M. E... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat au bénéfice de Me Leudet, avocate de M.E..., la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à l'article 4, rejeté le surplus de la demande ; que la préfète de la Loire-Atlantique relève appel des articles 1er à 3 de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). / (...). " ;

3. Considérant que pour annuler le refus de titre de séjour opposé à M. E... et, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi d'office, les premiers juges ont estimé que le préfet avait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'intéressé séjournait en France depuis un peu plus de trois ans, qu'il y avait fait des efforts d'intégration en suivant, avec sérieux et assiduité, une formation qualifiante en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " maintenance bâtiment de collectivités " et qu'il avait noué une relation amoureuse avec une ressortissante angolaise titulaire d'un titre de séjour avec laquelle il attendait un enfant qu'il avait reconnu par anticipation ; que, toutefois, M. E...ne justifie de sa présence en France qu'à compter du 27 juin 2014, date de sa présentation à la plate-forme d'accueil et d'information des demandeurs d'asile, soit une durée d'environ deux ans et sept mois ; que s'il a noué une relation amoureuse avec une ressortissante angolaise titulaire d'une carte de séjour temporaire de quatre ans avec laquelle il attendait un enfant qu'il a reconnu après la décision de refus de titre de séjour, il ne vit pas avec elle et ne justifie pas de l'ancienneté de leur relation avant la fin de l'année 2016 ; que, par ailleurs, lors de son audition par les services de police le 27 juin 2014, il a indiqué avoir un frère à Kinshasa, en République démocratique du Congo, et une tante chez qui il résidait dans ce pays, et, lors de son audition par les services de la gendarmerie le 4 avril 2017, il a indiqué y avoir une soeur même s'il en ignorait la résidence exacte ; qu'il indique en outre ne pas avoir de nouvelles de ses parents et non plus que ces deniers seraient décédés ainsi qu'il l'avait déclaré le 27 juin 2014 ; que, s'il fait valoir ne plus avoir de nouvelles de sa famille, il n'apporte aucune précision sur ce point et ne peut ainsi être regardé comme isolé dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, et quand bien même l'intéressé aurait fait preuve d'une volonté d'intégration professionnelle en France, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. E... à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

4. Considérant qu'il a appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. E...en première instance et en appel ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant que, par un arrêté du 31 août 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 82 de l'Etat dans le département le même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à M. A...C..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, délégation de signature pour les décisions portant notamment refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant que compte tenu des termes de l'arrêté, qui rappelle que M. E...a présenté une demande de titre de séjour fondée notamment sur le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, et de l'exposé d'éléments relatifs à l'ancienneté et la nature de la vie privée et familiale de ce dernier, d'autre part, le préfet doit être regardé comme ayant examiné sa situation au regard de ce fondement ;

7. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 1 du présent arrêt, M. E...ne justifie pas avoir été pris en charge à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

8. Considérant que, compte tenu des éléments mentionnés au point 3 du présent arrêt, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.E... ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté ;

10. Considérant que la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de son annulation doit être écarté ;

11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M.E... doivent être écartés ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi d'office :

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté ;

13. Considérant que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, le moyen tiré de l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi d'office par voie de conséquence de leur annulation doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Loire-Atlantique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, à l'article 1er, annulé son arrêté du 6 février 2017, à l'article 2, lui a enjoint de délivrer à M. E... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat au bénéfice de Me Leudet, avocate de M.E..., la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. E...présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du 6 septembre 2017 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...E...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

J.-E. Geffray

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02830
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-18;17nt02830 ?
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