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18/01/2018 | FRANCE | N°17NT02652

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 janvier 2018, 17NT02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1609827 du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2017, MmeB..., représentée par MeA....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1609827 du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et familiale ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et familiale ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle se fonde sur les articles L. 742-1 à L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont été abrogés par la loi du 29 juillet 2015 et sur l'article L. 743-3 du même code qui n'était pas applicable dès lors qu'elle a déposé sa demande d'asile avant le 1er novembre 2015 ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par une décision du 8 août 2017, Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Delesalle.

1. Considérant que Mme B..., ressortissante russe d'origine tchétchène née en 1967, déclare être entrée irrégulièrement en France le 3 novembre 2014 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 19 octobre 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 8 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile ; que par un arrêté du 22 septembre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que MmeB... relève appel du jugement du 17 mars 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle et familiale de MmeB... ;

3. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui d'un recours formé contre une décision de refus de séjour motivée uniquement par le rejet d'une demande d'asile ; que le même moyen est en revanche opérant à l'appui d'un recours formé contre une décision de refus de séjour opposée après que le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, a examiné d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile ;

4. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à Mme B...étant uniquement motivé par le rejet de sa demande d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision faisant obligation de quitter le territoire français mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée ; qu'il résulte de ses termes que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de l'obliger à quitter le territoire français ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'annulation par voie de conséquence de cette annulation doit, en tout état de cause, être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes de l'arrêté du 22 septembre 2016 que, pour obliger Mme B...à quitter le territoire français, le préfet s'est fondé sur les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il a par ailleurs cité l'article L. 743-3 de ce code dans sa rédaction applicable aux demandes d'asile présentées à partir du 1er novembre 2015 alors que la requérante avait déposé la sienne le 3 février 2015 et s'il a visé les articles L. 742-1 à L. 742-6 du même code abrogés par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, ces seules circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision qui trouve son fondement dans les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 de ce code ;

8. Considérant, en dernier lieu, que Mme B..., qui est entrée irrégulièrement en France au mois de novembre 2014, résidait sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté ; que si elle s'est mariée le 16 août 2016 à un compatriote titulaire d'une carte de résident délivrée en qualité de réfugié, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'une vie commune avant le 14 juin 2016, soit environ trois mois avant la date de la décision ; qu'elle ne présente aucune insertion particulière en France ; qu'enfin, elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans en Russie où sa mère demeure ; que, par suite, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision, qui vise notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est, par suite, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de ses termes, que le préfet se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de MmeB... ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision, que le préfet se serait estimé lié par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;

11. Considérant, en dernier lieu, que dans le cas où un étranger à l'encontre duquel une obligation de quitter le territoire français a été prise est marié avec un compatriote qui encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, la décision fixant ce pays comme pays de renvoi d'office de l'intéressé doit être regardée, compte tenu de l'impossibilité pour les époux de poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine, comme portant à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. .Considérant que le préfet a décidé que Mme B...pourrait être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays pour lequel elle établit être admissible ; que, toutefois, Mme B...est mariée à un ressortissant russe d'origine tchéchène qui bénéficie de la qualité de réfugié ; que ce dernier serait dans l'impossibilité de suivre son épouse en cas de renvoi dans leur pays d'origine ; que le préfet ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il ignorait son union ; que, dans ces conditions, la décision, en tant qu'elle fixe la Fédération de Russie comme pays de renvoi d'office, porte une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle doit être annulée dans cette mesure ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeB..., qui ne fait état d'aucun risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans un autre pays que son pays d'origine, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant la Fédération de Russie comme pays de renvoi d'office ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que le présent arrêt, qui se borne à annuler partiellement la décision fixant le pays de renvoi d'office de MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que Mme B...aurait exposés si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2016 du préfet de la Loire-Atlantique en ce qu'il fixe la Fédération de Russie comme pays de renvoi d'office.

Article 2 : L'arrêté du 22 septembre 2016 du préfet de la Loire-Atlantique est annulé en tant qu'il fixe le pays d'origine de Mme B...comme pays de renvoi d'office.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

J.-E. Geffray

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02652
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-18;17nt02652 ?
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