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18/01/2018 | FRANCE | N°17NT02581

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 janvier 2018, 17NT02581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il a également demandé au même tribunal d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoir

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il a également demandé au même tribunal d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 1702060-1702856 du 21 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a, à l'article 1er, décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête dirigée contre la décision implicite de rejet et, à l'article 2, rejeté la requête dirigée contre l'arrêté du 3 mars 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2017, M.A..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient substituer les dispositions de l'article L. 313-12 à celles de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été privé de ce fait de la garantie tenant à la possibilité d'obtenir l'annulation de la décision en raison de son insuffisance de motivation du fait de l'erreur de texte et, dans le cadre du réexamen de sa demande, de compléter sa demande initiale ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; la préfète n'était pas en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle devait examiner l'ensemble des éléments de sa situation afin de prendre sa décision et pouvait faire droit à sa demande quand bien même il serait entré en France sous couvert d'un visa d'entrée de court séjour dès lors qu'il remplissait l'ensemble des conditions prévues par cet article ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

EIle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 3 mars 2017 dès lors qu'il n'est pas d'ordre public et qu'il se rattache à une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle ;

- les observations de Me D...B..., représentant M.A....

1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen né en 1972, est entré en France le 10 juillet 2016, accompagné de ses trois enfants, sous couvert d'un visa de court séjour " visiteur ", délivré par les autorités consulaires françaises au Suriname et valable quatre-vingt-dix jours au cours de la période du 12 avril 2016 au 11 avril 2017 ; que sa demande de titre de séjour portant la mention " visiteur " a été rejetée par le préfet de la Loire-Atlantique par une décision implicite puis par un arrêté du 3 mars 2017 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que saisi par M. A...de deux requêtes qu'il a jointes, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 21 juillet 2017, a, à l'article 1er, décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête dirigée contre la décision implicite de rejet et, à l'article 2, rejeté la requête dirigée contre l'arrêté du 3 mars 2017 ; que M. A...doit être regardé comme relevant appel de l'article 2 de ce jugement ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation n'est pas d'ordre public et se rattache à une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés devant le tribunal administratif ; que, par suite, il est irrecevable ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention " visiteur ". " ; que la délivrance de ce titre de séjour était subordonnée à la détention d'un visa de plus de trois mois en vertu de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en vigueur jusqu'au 1er novembre 2016 et à celle d'un visa de long séjour en vertu de l'article L. 313-2 du même code à compter de cette date ;

4. Considérant, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;

5. Considérant que pour refuser de délivrer à M. A...la carte de séjour temporaire qu'il demandait sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne disposait pas d'un visa de plus de trois mois comme l'exigeait l'article L. 311-7 ; qu'après avoir relevé que le préfet ne pouvait se fonder sur cet article dès lors qu'il avait été abrogé à la date de l'arrêté du 3 mars 2017, les premiers juges y ont substitué l'article L. 313-2 ainsi qu'il le leur demandait, en estimant qu'il prévoyait une condition de détention d'un visa de long séjour analogue à celle préexistante, que cette substitution ne privait M. A...d'aucune garantie et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation ; que si le requérant soutient qu'il est ainsi privé de la garantie tenant à la possibilité d'obtenir l'annulation de la décision en raison de son insuffisance de motivation du fait de l'erreur de texte et, dans le cadre du réexamen de sa demande, de compléter sa demande initiale, d'une part, la motivation est indépendante du bien-fondé des motifs, et, d'autre part, cette possibilité ne constitue pas une garantie assortissant l'application de l'article L. 313-2 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont procédé à cette substitution de base légale ;

6. Considérant, en troisième lieu, que le préfet pouvait, sans erreur de droit, rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A...sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour dès lors qu'il s'agissait de l'une des conditions légales pour l'obtenir ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision, que le préfet se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A... ;

7. Considérant que si M. A...est impliqué en France dans une association, que ses enfants y sont scolarisés, qu'il y dispose d'un bien immobilier et qu'y résident ses deux soeurs et un cousin, il y séjournait depuis moins d'un an à la date de la décision ; que son épouse réside en République centrafricaine pour des raisons professionnelles et leur famille a vécu la majeure partie du temps en dehors du territoire français, et notamment en Guinée jusqu'au mois d'août 2013 ; que la circonstance qu'il existe des liaisons aériennes entre la France et la République centrafricaine, où il n'a pu s'installer avec leurs enfants pour des raison de sécurité, est par elle-même sans incidence ; que, dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de celle portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de son annulation ;

Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :

9. Considérant que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de celle portant fixation du pays de son renvoi d'office par voie de conséquence de leur annulation ;

10. Considérant que M. A... soutient, d'une part, qu'il risque des persécutions en raison de son appartenance à l'ethnie peule compte tenu de l'appartenance du président Alpha Condé à l'ethnie malinké, des fonctions exercées par son père décédé en 2009, le général Mamadou BaïloA..., notamment ministre de la défense de la Guinée en 2007 et 2008 sous le régime du général Lansana Conté, et, d'autre part, que ses deux filles nées en 2005 et 2010 présentent des risques d'excision en cas de retour en Guinée ; que, toutefois, sa seule appartenance à l'ethnie peule n'est pas de nature à établir l'existence d'un risque dans son pays d'origine ; que les divers articles de presse et les documents produits, s'ils tendent à corroborer sa filiation, non contestée, avec le généralA..., ne suffisent pas à établir que le requérant, qui a vécu en Guinée jusqu'au mois d'août 2013, serait personnellement et actuellement exposé à des risques de ce seul fait, sans que suffise la circonstance que sa soeur se soit vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 janvier 2012, soit cinq ans environ avant l'arrêté, ou qu'il ait fait l'objet d'une convocation par la " junte militaire " le 6 mai 2009, soit près de huit ans avant, à supposer même que cela soit effectivement le cas ; qu'enfin, en se bornant à se prévaloir du taux de prévalence des mutilations génitales féminines en Guinée, il n'apporte pas d'élément de nature à établir que ses filles, qui y ont également résidé jusqu'au mois d'aout 2013, y seraient personnellement exposées alors qu'il n'allègue pas qu'il courrait lui-même un risque en raison de son opposition à cette pratique ; que, dans ces conditions, M. A...qui, au demeurant n'allègue pas avoir présenté de demande d'asile et n'avait fait état d'autres craintes que celles concernant ses filles dans sa demande de titre de séjour, n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2017 ; que, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, à la préfète de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

J.-E. Geffray

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02581
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-18;17nt02581 ?
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