Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 14 août 2015 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer une carte de résident ainsi que la décision du 19 octobre 2015 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1504138 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2016, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir de lui délivrer une carte de résident portant la mention " résident de longue durée - CE ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions contestées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit au regard de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 ; le tribunal aurait dû tenir compte du caractère stable et régulier de ses ressources pour apprécier si elle présentait le risque de devenir une charge pour l'Etat ;
- le refus de prendre en compte les ressources du conjoint méconnaît le principe d'égalité et crée une discrimination au sein de la cellule familiale ;
- la condition de ressources qui lui a été opposée constitue une discrimination prohibée par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- les décisions contestées méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2017, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 15 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante marocaine née le 29 mars 1976, est entrée en France en 1993 et y séjourne régulièrement, depuis le 18 janvier 2006, sous couvert d'un titre de séjour ; qu'à l'occasion de la demande de renouvellement de ce titre, Mme D...a sollicité la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée - CE " ; que, par une décision du 14 août 2015, le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de lui délivrer une carte de résident au motif qu'elle ne satisfaisait pas à la condition de ressources prévue par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais a procédé au renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, le 19 octobre 2015, il a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressée contre le refus de délivrance de la carte de résident ; que Mme D...relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet d'Eure-et-Loir des 14 août et 19 octobre 2015 lui refusant la délivrance de la carte de résident ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu et d'une part, que la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée a pour objet d'établir, aux termes de son article 1er : " les conditions d'octroi et de retrait du statut de résident de longue durée accordé par un Etat membre aux ressortissants de pays tiers qui séjournent légalement sur son territoire, ainsi que les droits y afférents " et " les conditions de séjour dans des Etats membres autres que celui qui a octroyé le statut de longue durée pour les ressortissants de pays tiers qui bénéficient de ce statut " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 : " les Etats membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande en cause " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 5 : " les Etats membres exigent du ressortissant d'un pays tiers de fournir la preuve qu'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille qui sont à sa charge : a) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné. Les Etats membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau minimal des salaires et pensions avant la demande d'acquisition du statut de résident de longue durée (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles (...) L. 313-11, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-9 du même code, dans sa rédaction applicable : " La carte de résident peut être accordée : / (...) / 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire et qu'il ne vive pas en état de polygamie. / (...) " ; que l'article R. 314-1-1 de ce code dispose : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : / (...) / 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ; / (...) " ;
4. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile procèdent à l'exacte transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003, lequel subordonne la reconnaissance du statut de résident de longue durée à l'existence, pour le demandeur et les membres de sa famille, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné ; que Mme D...ne conteste pas en appel l'appréciation portée par le préfet sur le niveau de ses ressources ; qu'ainsi, en opposant à la demande de Mme D...le caractère insuffisant des ressources propres de l'intéressée, alors même que ces dernières sont stables et régulières, le préfet n'a pas fait application de dispositions contraires à la directive du 25 novembre 2003 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que le refus de prendre en compte les ressources de son conjoint et le rejet de sa demande alors qu'une carte de résident a été délivrée à son époux méconnaissent le principe d'égalité et créent une discrimination au sein de la cellule familiale ; qu'il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le refus de délivrance du titre de séjour de résident de longue durée, qui ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et qui n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressée, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne saurait être regardé comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que Mme D...invoque la méconnaissance des stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, lequel interdit toute discrimination fondée sur la fortune ou le handicap ; que le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive subordonne la reconnaissance du statut de résident de longue durée à l'existence, pour le demandeur et les membres de sa famille, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné, afin d'éviter, comme le mentionne le considérant n° 7 de la directive, que l'étranger ne devienne une charge pour celui-ci ; que cette exigence est justifiée par l'objectif légitime de n'ouvrir le statut de résident de longue durée qu'aux étrangers jouissant d'une autonomie financière et est nécessaire et proportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile procède à une exacte transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003 ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union doivent être écartés ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur le surplus des conclusions :
9. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Eure-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03747 2
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