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29/12/2017 | FRANCE | N°16NT02784

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 29 décembre 2017, 16NT02784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du 23 mars 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'ambassadeur de France en Haïti refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants Meloutchy, Thamara, D..., et Juline.

Par un jugement n° 1404137 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les concl

usions tendant à l'annulation des refus de visas opposés aux enfants Meloutchy, J...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite du 23 mars 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'ambassadeur de France en Haïti refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants Meloutchy, Thamara, D..., et Juline.

Par un jugement n° 1404137 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de visas opposés aux enfants Meloutchy, Juline et Thamara B...et a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus de visa opposé à Mlle D...B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2016, M. C... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le refus de visa opposé à D...B... ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 23 mars 2014 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne D...B... ;

3°) d'enjoindre à l'Ambassade de France en Haïti, de délivrer un visa d'entrée en France à Mlle D...B...au titre du regroupement familial ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en présence d'éléments d'extranéité concernant la nationalité et la résidence de MlleB..., les dispositions de la loi haïtienne sur la paternité, la maternité et la filiation du 4 juin 2014 visant les règles d'inscription au registre d'état civil s'appliquent ;

- les actes produits permettent d'établir le lien de filiation avec Mlle B...;

- la décision de refus de visa est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'administration n'apporte aucune preuve créant un doute sérieux sur le caractère authentique de l'acte de naissance produit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.

1. Considérant que M.B..., ressortissant haïtien né le 23 mars 1964, a obtenu le statut de réfugié par une décision de l'Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides le 22 décembre 2009 ; que par une décision du 10 décembre 2013, l'ambassadeur de France en Haïti a refusé de délivrer les visas de long séjour, sollicités au profit de ses enfants Meloutchy, D..., Juline et ThamaraB... ; que le recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite du 23 mars 2014 ; que par un jugement du 30 juin 2016 le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B...dirigées contre les refus de visa des enfants Meloutchy, Juline et ThamaraB..., dont les demandes de visa ont été régularisées postérieurement à l'introduction de sa requête, et a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant la délivrance d'un visa à l'enfant D...B... ; que M. B...relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un visa à son enfant allégué D...B... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 55-1 du chapitre II relatif aux actes de naissance du code civil d'Haïti : " les déclarations de naissances seront faites dans le mois de l'accouchement, à l'officier d'état civil du lieu du domicile de la mère ou du lieu de naissance de l'enfant ; la naissance de l'enfant sera déclarée par le père, ou à défaut du père, par la mère légitime ou naturelle, par les médecins, chirurgiens, sages-femmes ou autre personne qui auront assisté à l'accouchement, et lorsque la mère aura accouché hors de son domicile, par la personne chez qui elle aura accouché. L'acte de naissance sera rédigé de suite en présence de deux témoins. " ;

4. Considérant que M. B...se prévaut des dispositions de l'article 2 de la loi haïtienne sur la paternité, la maternité et la filiation du 4 juin 2014 qui dispose " la filiation s'établit par l'inscription sur les registres de l'officier de l'état civil ou sur ceux du Consul Haïtien à l'étranger, sur comparution des parents ou de l'un d'eux muni d'un acte authentique ou d'une procuration spéciale donnée par l'autre parent, ou d'une décision de justice passée en force de chose souverainement jugée, résultant d'une action en recherche de paternité ou de maternité. " ; que, le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de cette loi en raison de la date de naissance de sa fille alléguée, le 8 janvier 1996, dont les modalités d'inscription au registre d'état civil relevaient du décret-loi du 22 décembre 1944 complété par le décret du 27 janvier 1959 introduisant l'article 55-1 du code civil d'Haïti, applicable à la procédure d'enregistrement des déclarations de naissance ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la copie de l'acte de naissance que M. B...a présentée à l'appui de la demande de visa concernant l'enfant allégué D...B..., a été écartée comme non authentique par l'ambassade de France en Haïti en raison de l'absence de délivrance d'extrait d'acte de naissance portant le numéro " 41631 " et l'hologramme " 09-068-238 " par le directeur des Archives Nationales d'Haïti le 8 octobre 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la levée d'acte initiée par les autorités consulaires a révélé que les extraits d'acte de naissance délivrés le même jour sont compris entre les numéros 70282 et 72000 et les séries d'hologrammes sont compris entre le numéros 09-430 827 et 09-431 584 ; qu'ainsi l'extrait d'acte de naissance produit à l'appui de cette demande, dans la mesure où la numérotation ne correspondait pas à la délivrance des documents d'état civil dressés par les Archives nationales d'Haïti, ne permet pas d'établir le lien de filiation entre M. B...et Mlle D...B... ; qu'ainsi l'acte de naissance initialement présenté à l'appui de la demande de visa présentait un caractère frauduleux ;

6. Considérant que si M. B...a produit un nouvel acte de naissance établi le 22 janvier 2015, ce nouveau document comporte plusieurs irrégularités ; qu'en particulier, il ressort des mentions de cet acte de naissance que la domiciliation de la mère se situe dans la commune de Croix-des-Bouquets alors que l'enregistrement a été effectué à la Commune de Dessalines et que la naissance de l'enfant, le 8 janvier 1996, a été déclarée au registre d'état civil le 16 février 1996 alors que, conformément aux dispositions de l'article 55-1 du code civil d'Haïti, la naissance doit être déclarée au lieu de naissance de l'enfant ou au lieu du domicile de la mère dans le mois de l'accouchement ; que, par suite, le lien de filiation, compte tenu des irrégularités relevées qui sont de nature à ôter à l'acte de naissance toute valeur authentique, ne peut être regardé comme établi ;

7. Considérant, enfin, que M. B...a produit devant le tribunal administratif de Nantes, un jugement du Tribunal de la paix de la Croix-des-Bouquets en date du 14 août 2015 faisant comparaître trois témoins dont les déclarations confirment son lien de filiation avec D...B...; que, toutefois, le Tribunal de la paix haïtien n'est pas compétent pour se prononcer sur l'état civil des personnes dont la seule compétence relève du tribunal civil ou du tribunal de première instance ; que, par suite le jugement rendu par ce tribunal n'a pas la valeur d'un jugement supplétif permettant de reconstituer un acte de naissance mais revêt le caractère d'un procès-verbal ; qu'ainsi, les témoignages recueillis ne permettent pas de remettre en cause le caractère frauduleux de l'acte de naissance du 22 janvier 2015 ; que, dans ces conditions, la décision de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

8. Considérant, en dernier lieu, que les versements d'argents ainsi que le certificat médical produits par M.B..., qui sont postérieurs à la décision contestée, ne suffisent pas à caractériser une possession d'Etat de nature à justifier le lien de filiation allégué entre M. B...et D...B... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au tire des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02784
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-29;16nt02784 ?
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