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22/12/2017 | FRANCE | N°17NT00741

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 décembre 2017, 17NT00741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013, par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ensemble la lettre du 25 novembre suivant par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 601,23 euros par jour de maintien de l'interdictio

n, en réparation du préjudice résultant de ces décisions.

Par une ordonnan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013, par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé qu'il soit mis fin à l'exploitation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs, ensemble la lettre du 25 novembre suivant par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 601,23 euros par jour de maintien de l'interdiction, en réparation du préjudice résultant de ces décisions.

Par une ordonnance n° 1400119 du 20 mai 2015, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme irrecevable.

Par une ordonnance no 15NT02288 du 27 octobre 2015, le président de la

4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la société Casino de Deauville.

Par une décision n°s 395588, 395589, 395596, 395628, 395629 du 7 février 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Nantes du 27 octobre 2015 et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2015, la société Casino de Deauville, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400119 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen du 20 mai 2015 ;

2°) d'annuler les courriers du ministre de l'intérieur des 23 août et

25 novembre 2013 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 709 euros par jour, à compter du 26 août 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, en réparation du préjudice économique résultant de l'exécution du courrier du 23 août 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière :

- les décisions contestées sont illégales, faute d'avoir été précédées de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'installation de machines à sous dans les zones fumeurs est en parfaite conformité avec l'arrêté du 14 mai 2007 ; aucune disposition législative ou règlementaire n'interdit expressément l'exploitation de machines à sous dans des espaces fumeurs.

Après cassation :

Par des mémoires, enregistrés les 30 mai et 19 juin 2017, dans le dossier ouvert après cassation sous le n° 17NT00741 la société Casino de Deauville, représentée par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400119 du 20 mai 2015 du président de la

1ère chambre du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 23 août 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a demandé au directeur du casino de veiller à ce qu'aucune machine à sous ne soit installée dans les espaces fumeurs ;

3°) d'annuler la décision du 25 novembre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de retrait de la décision du 23 août 2013 et sa demande tendant à être indemnisée du préjudice subi en raison de l'interdiction d'exploiter des machines à sous dans les espaces réservés aux fumeurs du casino ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 709 euros par jour de maintien de l'interdiction de fumer dans le fumoir, à compter du 26 août 2013, jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, en réparation du préjudice économique résultant de l'exécution de la décision du 23 août 2013.

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de rejeter les conclusions présentées par le ministre à ce titre, et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que :

- l'illégalité de l'ordonnance résulte nécessairement de la décision du Conseil d'Etat du 7 février 2017 ;

- la fin de non-recevoir soulevée par le ministre s'agissant de l'irrecevabilité de ses conclusions dirigées contre la décision du 23 août 2013 au motif qu'elle aurait été retirée par celle du 25 novembre 2013 doit être écartée ;

- la décision du 23 août 2013 est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ; son annulation entraînera, par voie de conséquence, celle du 25 novembre 2013 ;

- les décisions contestées sont illégales, faute d'avoir été précédées de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'installation de machines à sous dans les zones fumeurs est en parfaite conformité avec l'arrêté du 14 mai 2007 ; aucune disposition législative ou règlementaire n'interdit expressément l'exploitation de machines à sous dans des espaces fumeurs ; le Conseil d'Etat marque d'ailleurs une certaine réserve qui révèle que la légalité de l'interprétation ministérielle ne s'impose pas d'évidence :

• l'emplacement réservé aux fumeurs ne constitue pas un local distinct au sens de l'article 68-27 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ; ces espaces fumeurs situés dans les salles de machines à sous ne sont pas des locaux distincts au sens de la réglementation des jeux, mais en continuité visuelle avec ces salles ; de telles dispositions sont sans lien avec la règlementation relative à la consommation de tabac mais datent d'une époque où l'accès aux jeux de hasard autres que les machines à sous était subordonné à la délivrance d'une carte d'admission passible d'un droit de timbre ; aujourd'hui, l'exploitation des machines à sous dans " des locaux distincts " ne présente plus d'intérêt ; le " local distinct " de la police des jeux répond à une logique d'application de la loi fiscale et de contrôle individuel, tandis que la " salle close " imposée par la police de la santé répond à une nécessité physique de cantonnement des fumées de tabac ;

• l'article 68-28 précise seulement que le fonctionnement des machines est placé sous la responsabilité du directeur responsable et des membres du comité de direction, sans imposer leur présence physique ;

• l'article 68-14 n'impose aucunement l'ouverture d'une machine à sous durant la session de jeu ;

• l'article 68-30 n'impose pas l'intervention immédiate d'un technicien en cas de dysfonctionnement, hypothèse au demeurant peu probable au regard du caractère récent des machines ; les interventions techniques nécessaires sont réalisées une heure après la fermeture de l'espace fumeurs au public ou le matin ;

• l'article 68-20 n'impose pas la présence physique du caissier pour remplir le bon de paiement du vainqueur d'un jackpot dépassant le paiement automatique de la machine, dès lors qu'existe un système de vidéo-surveillance permettant l'alerte immédiate du caissier ; ce système de vidéo-surveillance a par ailleurs fait l'objet d'une autorisation préfectorale au titre de la règlementation sur la sécurité intérieure ;

• des masques sont prévus en cas de besoin urgent d'intervention dans un fumoir ; il est d'ailleurs impossible d'exclure de manière absolue la survenance de toute circonstance nécessitant une intervention d'urgence dans un fumoir ;

• l'article 68-1 qui impose une limite d'insertion de monnaie dans une machine à sous est respecté par la simple programmation des machines, sans que soit nécessaire la présence physique d'un agent ;

• la prévention de l'addiction au jeu prévue par l'article 14 du même arrêté n'impose pas de présence physique ; le système de vidéosurveillance permet de pallier ce risque ;

- elle a subi un préjudice en raison de l'édiction de ces deux décisions illégales au titre, d'une part des investissements réalisés, d'autre part du manque à gagner ;

- elle a de bonne foi et en toute transparence à l'égard des services de l'Etat conçu ses espaces fumeurs dans lesquels il était clair qu'elle y exploiterait des machines à sous ; le " service local des courses et jeux " n'a jamais fait d'observations sur une quelconque infraction à la règlementation des jeux dans l'exploitation du fumoir ; en outre, le secrétaire d'Etat chargé de la santé, dans son courrier du 28 avril 2011 adressé aux représentants des syndicats de casinos, avait donné des assurances quant à la possibilité d'installer des machines à sous dans les locaux fumeurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 23 août 2013 sont devenues sans objet dès lors que la décision du 25 novembre 2013 a procédé à son retrait ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouchardon ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me Delannoy, avocate de la société Casino de Deauville.

1. Considérant que la société Casino de Deauville, qui exploite un casino sur le territoire de la commune de Deauville (Calvados), a procédé à l'installation de machines à sous dans les espaces réservés aux fumeurs de l'établissement ; que, le 23 août 2013, le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a adressé à la société exploitante un courrier l'informant de ce que l'installation de machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs n'était pas compatible avec la réglementation sur les jeux dans les casinos et demandant à son directeur de veiller à ce qu'aucune machine ne soit installée dans ces fumoirs sous peine de sanctions ; que, le 18 octobre 2013, la société a formé un recours gracieux contre le courrier du 23 août 2013, assorti d'une demande indemnitaire en réparation des préjudices économiques subis ; que ces demandes ont été rejetées par un courrier du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur du 25 novembre 2013 ; que la société Casino de Deauville a saisi le tribunal administratif de Caen qui, par ordonnance du président de sa 1ère chambre en date du 20 mai 2015, a rejeté sa demande ; que la société a saisi la cour d'appel de Nantes qui, par ordonnance du président de sa

4ème chambre en date du 27 octobre 2015, a rejeté sa requête ; que la société Casino de Deauville s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat qui, dans sa décision du

7 février 2017, a annulé l'ordonnance du président de la 4ème chambre de la cour du

27 octobre 2015 et lui a renvoyé l'affaire ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les courriers contestés ont eu pour objet d'informer la société Casino de Deauville que, contrairement à ce qu'elle avait cru pouvoir déduire d'un courrier du 28 avril 2011 adressé au syndicat des casinos de France par le secrétaire d'Etat chargé de la santé, les dispositions du code de la santé publique et de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation sur les jeux dans les casinos interdisent d'installer des machines à sous dans des espaces fumeurs ; que ces courriers, par lesquels le ministre a fait connaître la portée qu'il fallait selon lui donner aux dispositions en cause et a invité la société Casino de Deauville à se conformer à cette interprétation sous peine de sanctions prises au titre de ses pouvoirs de police spéciale des jeux, constituent, eu égard à leur caractère impératif, des décisions faisant grief susceptibles de recours ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Casino de Deauville devant le tribunal administratif de Caen ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 août 2013 :

4. Considérant que le ministre de l'intérieur fait valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 23 août 2013, dès lors que cette dernière a été retirée par sa décision du 25 novembre 2013, qui s'y est substituée ;

5. Considérant que le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, dans son courrier du 25 novembre 2013, a entendu " confirmer les termes du courrier du

23 août 2013, [qu'il] s'approprie, le présent courrier se substituant à celui du directeur de cabinet " ; que, compte-tenu de ses termes, un tel courrier doit être regardé comme procédant au retrait de la décision du 23 août 2013 ; qu'étant devenu définitif postérieurement à l'introduction de la demande de la société Casino de Deauville devant le tribunal administratif de Caen, faute d'avoir été contesté en tant que tel, ce retrait prive d'objet la demande formée par la société requérante ; qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre le courrier du ministre de l'intérieur du 23 août 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 novembre 2013 :

En ce qui concerne le moyen portant sur la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / -infligent une sanction ; / -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; / -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire " ; qu'aux termes de l'article 24 alors en vigueur de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique " ; qu'ainsi, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, les décisions qui doivent être motivées par application de la loi du 11 juillet 1979 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales, exception faite des cas où il est statué sur une demande ; qu'en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique ;

7. Considérant qu'en l'espèce la décision du 25 novembre 2013 a été prise sur recours gracieux dirigé contre celle du 23 août 2013 ; que la société Casino de Deauville ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées à l'encontre de la décision du 25 novembre 2013 ;

En ce qui concerne les moyens relatifs à la méconnaissance des dispositions du code de la santé publique et des dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3511-7 alors en vigueur du code de la santé publique : " Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif (...) sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 3511-1 du même code, dans sa version alors applicable : " L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique : 1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 3511-2 dudit code, dans sa version alors applicable : " L'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs au sein des lieux mentionnés à l'article R. 3511-1 et créés, le cas échéant, par la personne ou l'organisme responsable des lieux (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 3511-3 alors en vigueur de ce code : " Les emplacements réservés mentionnés à l'article R. 3511-2 sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée. Aucune tâche d'entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure. Ils respectent les normes suivantes : 1° Etre équipés d'un dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d'air minimal de dix fois le volume de l'emplacement par heure. Ce dispositif est entièrement indépendant du système de ventilation ou de climatisation d'air du bâtiment. Le local est maintenu en dépression continue d'au moins cinq pascals par rapport aux pièces communicantes ; 2° Etre dotés de fermetures automatiques sans possibilité d'ouverture non intentionnelle ; 3° Ne pas constituer un lieu de passage ; 4° Présenter une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement au sein duquel les emplacements sont aménagés sans que la superficie d'un emplacement puisse dépasser 35 mètres carrés " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 68-27 de l'arrêté du 14 mai 2007, dans sa version alors applicable : " Personnel. / Tout casino qui exploite les machines à sous dans un local distinct doit au moins employer dans cette salle un caissier et affecter un membre du comité de direction au contrôle de ces jeux. Il pourra également employer un mécanicien pour effectuer les opérations courantes d'entretien et de dépannage. (...) " ; qu'aux termes de l'article 68-18 du même arrêté : " Emplacements - Locaux / : Les machines à sous peuvent être installées dans les salles de jeux existantes, ou dans des locaux spécialement aménagés permettant d'assurer la sécurité de ces jeux et dont les conditions d'accès sont celles prévues à l'article 14 du décret du 22 décembre 1959 modifié " ; et qu'aux termes de l'article 68-28 dudit arrêté : " Personnes responsables de la surveillance et du fonctionnement des machines à sous/ Le fonctionnement des machines à sous est placé sous la responsabilité du directeur responsable et des membres du comité de direction, et, en particulier, tous les mouvements de fonds, les paiements des gains ainsi que les déplacements de machines, les incidents techniques et toutes opérations de maintenance " ;

10. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Casino de Deauville, une salle spécialement aménagée pour recevoir des machines à sous constitue un local distinct au sens des dispositions de l'article 68-27 dudit arrêté du

14 mai 2007 ; que par ailleurs, elle constitue une salle close dès lors qu'elle est réservée aux seuls consommateurs de tabac en vertu de l'article R. 3511-3 du code de la santé publique ; que de tels locaux doivent respecter de façon combinée les obligations posées par ces deux réglementations ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'une salle réservée aux fumeurs ne peut être installée dans un casino que dans les conditions posées par l'article R. 3511-3 du code de la santé publique, à savoir en particulier qu'aucune prestation de service n'y soit délivrée et qu'aucune tâche d'entretien et de maintenance ne puisse y être exécutée sans que l'air y ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure ; que si, comme le soutient la société requérante, les dispositions de l'article 68-28 se contentent de rappeler les responsabilités des acteurs en matière de surveillance et de fonctionnement des machines à sous, celles de l'article 68-27 de l'arrêté du 14 mai 2007 supposent la présence physique d'au moins un caissier au sein de tout local distinct abritant des machines à sous et l'affectation au contrôle de ces jeux d'un membre du comité de direction ; que, contrairement à ce que soutient la société Casino de Deauville, la mise en place d'un dispositif de contrôle par le biais de son réseau informatique, de la vidéosurveillance et de vitres entourant l'espace fumeurs, pour efficace qu'ils puissent être, ne pourraient garantir le respect en permanence de ces dispositions notamment en cas d'urgence ; qu'ainsi, l'installation de machines à sous dans les espaces fumeurs ne permet pas de garantir, en toutes circonstances, le respect des dispositions du code de la santé publique et celles de la réglementation relative aux jeux dans les casinos ; que, par suite, l'autorité administrative, en se fondant sur ce motif, n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation ;

12. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la circonstance que l'un des autres motifs que le ministre de l'intérieur aurait entendu s'approprier par ce courrier, tiré de la méconnaissance des articles 14, 68-1, 68-14, 68-20, et 68-30 de l'arrêté du 14 mai 2007, serait erroné est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision du

25 novembre 2013, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif mentionné aux points 10 et 11 du présent arrêt ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Casino de Deauville n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée ;

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Considérant, en premier lieu, que la société Casino de Deauville demande à la cour de réparer les préjudices économiques résultant de l'illégalité des décisions contestées ; que, toutefois, il résulte des points 10 et 11 du présent arrêt que la société n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute dans l'application des dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007 et du code de la santé publique de nature à engager sa responsabilité ; que si elle se prévaut aussi de l'incompétence de l'auteur de la décision initiale du 23 août 2013, il ne ressort en tout état de cause d'aucun élément du dossier que cette illégalité serait à l'origine d'un préjudice pour la société ;

15. Considérant, en second lieu, que la société Casino de Deauville recherche également la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute qu'auraient commise les services de ce dernier en adoptant des positions contradictoires sur la possibilité d'installation de machines à sous au sein d'un local fumeur ;

16. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le courrier du secrétaire d'Etat chargé de la santé du 28 avril 2011 en réponse à une interrogation des représentants des syndicats de casinos, sur lequel la société requérante fonde son argumentation, qui précise dans sa conclusion que l'installation de machines à sous dans un local fumeur " ne nécessitant aucun accord de la part du ministère de la santé, nous ne saurions donner notre aval, ou une autorisation, pour la réalisation de ce projet ", ne saurait être regardé comme valant accord pour la réalisation du projet en question ; que, d'autre part, l'extrait du registre d'observation annoté par le " service des courses et jeux " portant sur les années 2012 et 2013, en ce qu'il déclare des machines " conformes à la déclaration règlementaire ", ne permet pas en l'espèce de révéler que celles-ci sont situées dans un espace fumeur ; qu'enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que les agents en charge de la surveillance d'autres casinos, postérieurement à l'installation de machines à sous au sein des espaces fumeurs, n'auraient pas relevé d'anomalies au regard de la réglementation des jeux ; que, par suite, l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur ce fondement ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société Casino de Deauville doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) " ; que la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de la société Casino de Deauville, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

20. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Caen du 20 mai 2015 est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 août 2013 du ministre de l'intérieur.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Casino de Deauville devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Casino de Deauville et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- MmeB..., conseillère d'Etat, présidente de la cour,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

L. BOUCHARDON

La présidente,

B. B...

Le greffier,

V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00741
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Laurent BOUCHARDON
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : KGA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-22;17nt00741 ?
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