La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2017 | FRANCE | N°16NT02173

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 décembre 2017, 16NT02173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) L'Agapa a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2003 à 2005.

Par un jugement n° 1405091 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés les 4 juillet 2016 et 27 février 2017, la SA L'Agapa, représentée par Mes Naudin etA...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) L'Agapa a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2003 à 2005.

Par un jugement n° 1405091 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet 2016 et 27 février 2017, la SA L'Agapa, représentée par Mes Naudin etA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'a pas respecté le principe d'identité des montants nécessaire à l'application du principe de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal en matière fiscale ;

- l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas aux constatations chiffrées retenues par le juge répressif lorsque ces évaluations sont approximatives ;

- les juges de première instance auraient dû relever qu'il appartenait à l'administration d'apporter la preuve des rectifications ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe des distributions et du montant des avantages dont elle aurait bénéficié ;

- elle n'a été mentionnée par les dirigeants des sociétés AM Froid et RFE que comme une des bénéficiaires parmi d'autres de certains avantages commerciaux ;

- en réduisant, à la suite de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la rectification au montant forfaitaire de 373 544 euros prévu par le protocole d'accord du 8 novembre 2010 et en s'écartant volontairement des valorisations effectuées par le juge pénal, l'administration a reconnu qu'elle n'apporte aucune justification quant aux montants distribués dont elle aurait bénéficié ;

- l'administration fiscale utilise une méthode forfaitaire très éloignée des sommes facturées et retenues dans les protocoles d'accord et qui correspondent aux travaux et matériels qui lui ont été réellement livrés ;

- les montants de matériels réellement livrés par les sociétés RFE et AM Froid ont été définis dans le cadre de protocoles d'accord et ont fait l'objet d'une facturation et d'un paiement, de sorte que les avantages sans contrepartie dont elle aurait bénéficié ont été régularisés et ne peuvent pas être réintégrés dans son résultat en qualité de distributions occultes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 décembre 2016 et 23 mars 2017, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SA L'Agapa ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SA L'Agapa.

1. Considérant qu'à la suite de l'exercice d'un droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de contrôles sur pièces, l'administration fiscale a adressé à la société anonyme (SA) L'Agapa, qui exploite un hôtel restaurant à Perros-Guirec, une proposition de rectification en date du 30 juin 2011 aux termes de laquelle les produits non facturés qui lui ont été fournis par la SA AM FROID et la société par actions simplifiée (SAS) RFE ont été qualifiés de revenus distribués à son profit au sens du 1° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts ; qu'après procédure contradictoire et avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2003 à 2005, consécutives à ce contrôle, ont été mises en recouvrement le 14 décembre 2012 ; que la réclamation préalable présentée par la société a été rejetée par décision du 23 septembre 2014 ; qu'elle relève appel du jugement du 27 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la circonstance, même à la supposer établie, que les premiers juges se seraient mépris sur les règles de dévolution de la charge de la preuve applicables au litige a trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et est, dès lors, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ;

4. Considérant que la proposition de rectification en date du 30 juin 2011 mentionne l'impôt et les années d'imposition concernées, les articles du code général des impôts applicables ainsi que les éléments de fait justifiant de l'assiette retenue par le vérificateur pour rectifier le résultat fiscal de la société requérante ; qu'en particulier elle comporte des extraits et joint en annexe des extraits des propositions de rectification adressées aux sociétés RFE et AM FROID, fournisseurs des produits non facturés à l'origine des revenus distribués entre les mains de la société requérante ainsi que des tableaux récapitulatifs des montants des revenus distribués retenus par exercice après retraitement ; que, par suite, quand bien même elle ne reprend pas à l'identique les montants mentionnés dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 mai 2010, elle est suffisamment motivée et a mis la SA L'Agapa à même de formuler des observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courrier du 25 août 2011 ; que la circonstance alléguée que l'administration n'apporterait pas la preuve des livraisons dont la société requérante aurait bénéficié a trait au bien-fondé de l'imposition et non au caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant que, par proposition de rectification du 30 juin 2011, le vérificateur a soumis à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, au titre des revenus de capitaux mobiliers, les produits reçus par la SA L'Agapa à hauteur de 48 152 euros au titre de l'exercice clos en 2003, 1 033 837 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et 635 564 euros au titre de l'exercice clos en 2005, correspondant aux recettes non comptabilisées des sociétés REF et AM FROID, regardées comme des revenus distribués à son bénéfice en raison des livraisons de matériels et prestations qui lui ont été délivrées sans facturation ; qu'avant la mise en recouvrement, les rectifications ont été limitées aux sommes de 40 143 euros au titre de l'exercice clos en 2003, 668 301 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et 635 564 euros au titre de l'exercice clos en 2005 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;

7. Considérant que, par un jugement du 12 mai 2010 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Paris a condamné les dirigeants des sociétés REF et AM FROID du chef d'abus de biens sociaux pour avoir, notamment, pris en charge des dépenses faites dans l'intérêt de l'hôtel Agapa pour un montant de 1 310 345,72 euros toutes taxes comprises s'agissant de la société AM FROID et pour un montant de 492 717 euros s'agissant de la société REF ;

8. Considérant que, pour déterminer les faits d'abus de biens sociaux relatifs à l'hôtel Agapa, le tribunal de grande instance de Paris a indiqué se référer à l'analyse des services de police exposée dans le procès-verbal de synthèse du 17 avril 2007 ; qu'il a jugé que l'annexe 5 de ce procès-verbal correspondait bien à la liste de ces dépenses et a, s'agissant de la société AM FROID, soustrait du montant total de 1 895 046,90 euros une somme de 65 756 euros correspondant à des factures de l'année 2005 et une somme de 518 945,16 euros correspondant aux majorations des factures de cette société sur des chantiers Leader Price et Franprix et, s'agissant de la société REF, retenu le montant figurant sur la prévention de 492 717 euros ; que, ce faisant, il n'a pas procédé à une évaluation approximative du montant des dépenses et ne s'est pas borné à indiquer l'ordre de grandeur des sommes dont la SA L'Agapa a bénéficié ; qu'il a également très précisément mentionné l'hôtel Agapa, détenu par la SA L'Agapa, en tant que bénéficiaire de ces sommes ; que l'autorité de la chose jugée en matière pénale s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale mais non au regard de la loi fiscale ; que les constatations relative à l'existence, non contestée au demeurant, et à l'appréhension par la société requérante de distributions occultes sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée ; que ces prestations délivrées sans facturation au bénéfice de la SA L'Agapa doivent être regardées comme établies dans la limite des sommes fixées par ce jugement ;

9. Considérant que, l'administration fiscale ayant notifié des montants de distributions occultes différents et, en l'espèce, inférieurs à ceux mentionnés dans le jugement du 12 mai 2010, la SA L'Agapa peut utilement contester le bien-fondé des impositions mises à sa charge ; qu'elle ne saurait, toutefois, se prévaloir des protocoles d'accord conclus les 15 juin 2010 et 8 novembre 2010 avec les sociétés RFE et AM FROID aux fins de régularisation du montant des prestations réalisées et du matériel livré durant les années 2003 à 2006 qui, largement postérieurs aux années au cours desquels les faits se sont déroulés, ne remettent pas en cause le caractère occulte des distributions au moment où celles-ci ont été effectuées ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient, en l'espèce, à l'administration fiscale d'apporter la preuve du montant des revenus distribués ;

11. Considérant que, s'agissant des produits et prestations livrés par la société RFE et non facturés, l'administration a calculé le montant des revenus distribués à la SA L'Agapa à partir des renonciations à recettes de la société RFE qu'elle lui a notifiées par proposition de rectification du 24 février 2011 ; qu'elle fait valoir, sans être contestée, que la liste des livraisons non facturées figurant en annexe 1 procède d'un retraitement, après rattachement des produits aux exercices de la société en se référant aux dates de bulletins de livraisons ou de factures, des éléments figurant dans la cote n° 15 de la procédure judiciaire visée dans le procès-verbal du 17 avril 2008 auquel se réfère le jugement du tribunal de grande instance de Paris ; que, si la société remet en cause l'existence même de certaines livraisons et se plaint de ce que certains libellés ne sont pas identifiables, elle ne soutient à aucun moment que tout ou partie des biens pris en compte dans l'annexe 1 ne figurait pas dans la cote n° 15 ou que le retraitement auquel l'administration fiscale a procédé serait erroné ; qu'elle ne peut, par ailleurs, sérieusement soutenir, que cette méthode revêtirait le caractère d'une évaluation forfaitaire ; que l'administration fait valoir que ce montant est inférieur à celui mentionné dans le jugement dans la mesure où les rectifications en litige ne concernent pas l'année 2006 qui était prise en compte dans le cadre de l'action pénale ; que, dans ces conditions, en se fondant sur un retraitement précis des pièces judiciaires, l'administration fiscale rapporte la preuve qui lui incombe du montant des avantages occultes octroyés par la société RFE à la SA L'Agapa pour les exercices en litige ;

12. Considérant que, s'agissant des produits et prestations livrés par la société AM FROID et non facturés, l'administration a calculé le montant des revenus distribués à la SA L'Agapa à partir des renonciations à recettes de la société AM FROID qu'elle lui a notifiées par proposition de rectification du 28 février 2011 ; qu'elle fait valoir, sans être contestée, que la liste des livraisons non facturées figurant en annexe B a été établie à partir de l'annexe 5 du procès-verbal du 17 avril 2008 auquel se réfère le jugement du tribunal de grande instance de Paris ; que, si la société remet en cause l'existence même de certaines livraisons et se plaint de ce que certains libellés ne sont pas identifiables, elle ne soutient à aucun moment que tout ou partie des biens pris en compte dans l'annexe B ne figurait pas dans l'annexe 5 faisant la liste des dépenses dont le juge pénal a estimé qu'elles avaient bénéficié à la SA L'Agapa ; qu'elle ne peut, par ailleurs, sérieusement soutenir, que cette méthode revêtirait le caractère d'une évaluation forfaitaire ; que l'administration fait, par ailleurs, valoir, à bon droit, pour justifier de la différence entre le montant des revenus distribués retenus et le montant figurant dans le jugement du 12 mai 2010 que les rectifications en litige ne concernent pas l'année 2006 qui était prise en compte dans le cadre de l'action pénale, que la circonstance que le juge pénal ait distrait, pour évaluer l'abus de bien social réalisé par la SA AM FROID au profit de la SA L'Agapa, du total un montant de 518 945,28 euros correspondant à des majorations de factures effectuées par la société auprès de tiers sur des chantiers Leader Price et Franprix reste sans conséquence sur le caractère occulte de l'avantage octroyé à la société requérante, et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir pris en compte, par mesure de conciliation, en diminution des revenus distribués des années 2003 et 2004 le montant mentionné dans le protocole d'accord du 8 novembre 2010 ; que, dans ces conditions, en se fondant sur un retraitement précis des pièces judiciaires, l'administration fiscale rapporte la preuve qui lui incombe du montant des avantages occultes octroyés par la société AM FROID à la SA L'Agapa pour les exercices en litige ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SA L'Agapa doit être rejetée, y compris, l'Etat n'étant pas partie perdante, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA L'Agapa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme L'Agapa et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N°16NT02173

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02173
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : TIRARD NAUDIN SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-14;16nt02173 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award